"Ce désarroi et cette faiblesse, dont la coupe amère ne sera pas épargnée à Jésus, sont d'abord les nôtres, ceux de la "chair pécheresse" dont il a voulu se revêtir en devenant un homme comme nous, et parmi nous, et qu'il devra traverser afin de nous en délivrer. Jésus hésite, il a peur, il voudrait y échapper. Quoi d'étonnant ? Tout simplement, il a peur comme nous aurions eu peur à sa place, comme nous avons encore peur aujourd'hui chaque fois qu'une épreuve nous menace à l'horizon, ou que nous nous surprenons à penser à notre propre mort, presque par distraction, une mort cependant inéluctable, mais que nous nous arrangeons à repousser le plus loin possible, en imagination du moins. Comme Jésus, avant nous, a été tenté de le faire, avant de se ressaisir. En effet, dans l'évangile que nous venons d'entendre, le "Père, libère-moi de cette heure" est immédiatement suivi de "Mais c'est pour cette heure que je suis venu, Père glorifie ton Nom". De même qu'à Gethsémani, le "si tu veux, que cette coupe passe loin de moi", est sur-le-champ précisé et comme corrigé par "mais non pas ma volonté, mais que ta volonté se fasse" (Lc 22, 42).
"... C'est là [...] au creux de son désarroi d'homme, de ses souffrances, que Jésus apprit ce que l'homme ne savait plus faire depuis la faute d'Adam : obéir à travers sa faiblesse. Et c'est en cette faiblesse, qui est la nôtre, qu'une force nouvelle est donnée à son humanité ; par un ange, chez Luc, qui lui apparaît et le réconforte (Lc 22, 43), et par la voix de son Père en personne dans l'évangile [de Jean] qui lui annonce sa gloire future : "Je t'ai glorifié, et je te glorifierai encore." (Jn 12, 28). Jésus, réconforté et fortifié de la sorte, peut désormais faire face à sa Pâque. Non seulement pour lui, en son propre nom, mais au nom de nous tous : "Et c'est ainsi, commente la lettre aux Hébreux [lue plus haut], qu'il fut "rendu parfait" et qu'il devint "principe de salut éternel pour ceux qui lui obéissent", à travers sa faiblesse, rendue forte par la force même de Dieu. "Car ce qui est, ce qui semble faiblesse de Dieu, dira saint Paul, est plus fort que les hommes" (1 Co 1, 25).
(André Louf, "La force dans la faiblesse" in La joie vive, Méditations à Sainte-Lioba II, Salvator, 2017, pp. 92-94).
Aphraate le Sage persan (IVe siècle)
Philoxène de Mabboug (VIe siècle)
Théophile d'Antioche (2e siècle)
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