A la découverte des Pères de l'Eglise...

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Extraits

Hilaire de Poitiers

"Le Seigneur a ordonné de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, c'est-à-dire dans la profession de foi au Créateur, au Fils unique et à celui qui est le Don.
Le Créateur de tous est unique. Il y a un seul Dieu, Père, de qui tout provient ; il y a un seul Fils unique, notre Seigneur Jésus Christ, par qui tout existe ; il y a un seul Esprit, le don de Dieu, répandu en tous.
Toutes choses sont donc organisées par les vertus et les attributions divines : une puissance unique de qui tout provient ; une descendance unique par qui tout existe ; une grâce unique donnant une parfaite espérance. Et rien ne peut manque à une telle perfection, puisqu'on y trouve l'infinité dans le Père éternel, la vision dans son image qui est le Fils, la pratique de la vie chrétienne dans le don de l'Esprit.
Que tel soit en nous le rôle de celui-ci, apprenons-le des paroles dites par le Seigneur lui-même : J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Il vous est avantageux que je parte ; si je m'en vais, je vous enverrai l'Avocat. Et encore : "Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Avocat qui sera pour toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité. Il vous guidera vers la Vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu et, ce qui va venir, il vous l'expliquera. Il me glorifiera, car c'est de moi qu'il le dira.
Ces paroles ont été dites pour vous faire comprendre plusieurs choses ; on y trouve l'intention de celui qui procure le don et aussi la raison d'être et la nature du don. Puisque notre faiblesse serait incapable de saisir aussi bien le Père que le Fils, le Saint Esprit est un don qui par son intervention peut éclairer notre foi pour laquelle l'Incarnation est un mystère difficile..."
[...] Le don qui réside dans le Christ est toujours le même pour tous ; et puisqu'il ne manque jamais, il est donné à chacun autant qu'iil veut en profiter ; il réside en chacun autant qu'il veut l'obtenir. Ce don demeure avec nous jusqu'à la fin du monde. Il nous réconforte dans notre attente ; il est un gage, par l'activité de ses bienfaits, de ce que nous espérons pour l'avenir ; il éclaire les esprits, il illumine les coeurs."
(La Trinité 2, 1, 33 ss).

"En nous avertissant de demeurer sans cesse attentifs, sans donner de relâche à notre foi, le Seigneur nous a enlevé la sécurité d'une connaissance définie. Ainsi notre esprit, laissé en suspens par l'expectative, inquiété par l'incertitude, alerte et toujours en attente du jour de l'avènement, espérerait toujours en attendant, et cette incertitude même le maintiendrait éveillé à la préoccupation d'un moment sur lequel il n'aurait cependant aucun doute. Tel est le langage du Seigneur : "Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c'est à l'heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'Homme viendra." Et encore : "Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d'agir ainsi !". L'ignorance a été indispensable non pour tromper, mais pour faire persévérer. Et le refus n'a pas fait de tort là où l'ignorance a apporté un profit : elle a évité que la sécurité dans le savoir ne fît naître une négligence dans la foi, qui nse fût éclipsée : elle a fait qu'une attente sans terme fixe maintienne une préparation sazns défaillance. On serait sans cesse sur ses gardes face à cette attente qui serait à craindre comme la venue d'un voleur : si celui-ci choisit pour voler le temps du sommeil, le père de famille, lui, veille incessamment."
(La Trinité XII, 67, Cerf, SC n° 462).

Prière à Dieu le Père

"Rien ne te pénètre, si ce n'est ce qui est de toi, et le porteur d'une force extérieure et étrangère à toi ne mesure pas la profondeur de ta majesté immense. Tout ce qui entre en toi est tien et rien de ce qui est en toi avec pouvoir de te scruter n'est étranger à toi.
Pour moi est ineffable celui dont les paroles en ma faveur me sont ineffables. Pour la naissance de ton Fils unique, à partir de toi avant les siècles éternels, toute ambiguïté de langage ou toute difficulté de comprendre une fois tombées, il ne reste que le fait qu'il est né de toi : de même, que ton Saint-Esprit vienne de toi à travers ton Fils, je puis à la vérité ne pas le saisir par l'intelligence, mais je le tiens tout de même en ma connaissance.
L'Esprit souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né de l'eau et du souffle de l'Esprit (Jn 3, 8). Je m'attache, sans savoir, à la foi en ma régénération et ce que j'ignore, je le tiens dorénavant. Je renais sans m'en rendre compte, d'une renaissance efficace. Mais, pour l'Esprit, il n'est pas de mesure lorsqu'il s'agit de parler, quand il veut, de ce qu'il veut, là où il veut. La raison de sa présence ou de son absence, même si j'ai conscience de son assistance, je l'ignore."
(La Trinité, XII, 55-56, SC n°462, 2001, p. 467).

"C'est dans une chambre fermée que nous avons ordre de prier, et pourtant nous avons appris à répandre en tout lieu notre prière ; et les saints ont entrepris de prier au milieu des bêtes, des cachots, des flammes, des profondeurs de la mer et du ventre du monstre. Ainsi, nous sommes engagés à entrer non dans les parties cachées d'une maison mais dans la chambre de notre coeur et à prier Dieu dans le secret fermé de notre esprit, non avec beaucoup de paroles, mais avec la conscience de notre conduite, parce que toute espèce d'action vaut mieux que les mots que nous disons.
Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Il faut non pas chercher la faveur des païens dans l'étalage de mauvais traitements, mais faire de chaque jeûne le beau décor d'une action sainte. Dans les jeûnes, en évitant le soupçon des hommes par nos têtes parfumées, nous serons plus plaisants et mieux appréciés."
(Sur Matthieu 5, 1-2, SC n° 254, pp. 151-153).

"Le sel, à ce que je crois, n'appartient pas à la terre. Comment donc les Apôtres ont-ils été appelés sel de la terre ?
Le sel est un élément qui contient, réunis en lui, de l'eau et du feu et qui de ces deux substances fait une chose unique. Par là, produit pour ne servir qu'à l'humanité, il communique l'incorruptibilité aux corps qui en auront été saupoudrés et il est très apte à procurer toute espèce de sensation d'assaisonnement. Or les Apôtres sont les prédicateurs des choses célestes et comme les semeurs d'éternité, donnant la semence d'immortalité à tous les corps qui auront été saupoudrés de leur parole et devenus parfaits par le mystère de l'eau et du feu. Ainsi méritent-ils d'être appelés sel de la terre, gardant, grâce à la vertu de leur enseigneemnt, les corps pour l'éternité par une sorte de salaison.
Cependant la nature du sel est toujours la même et ne peut jamais se modifier. Mais comme l'homme est soumis au changement et qu'il n'est heureux que s'il a persévéré jusqu'à la fin dans toutes les oeuvres de Dieu, ceux qu'il a appelés sel de la terre, il les invite à demeurer dans la vertu de la puissance qu'il leur a transmise.
(Sur Matthieu, 4, 10 ; Sources chrétiennes n° 254, pp. 127-129).

"Le fleuve de Dieu regorge d'eau, c'est ainsi que tu apprêtes leur nourriture. [Ps 64, 10] Il n'y a pas de doute à avoir sur ce fleuve, car le Prophète dit aussi : L'élan du fleuve réjouit la cité de Dieu [Ps 45, 5]. Et le Seigneur lui-même dit, dans les évangiles : Celui qui boit de l'eau que je lui donnerai, des fleuves d'eau vive couleront de son coeur, jaillissant en vie éternelle [Jn 4, 11]. Et encore : Celui qui croit en moi, comme dit l'Ecriture, des fleuves d'eau vive jailliront de son coeur. Jésus disait cela de l'Esprit Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui [Jn 7, 39]. Donc, ce fleuve de Dieu regorge d'eau. Car nous sommes inondés par les dons de l'Esprit Saint, et le fleuve de Dieu, regorgeant d'eau, se déverse en nous à partir de cette source de vie.
[...]
Nous qui avons reçu par le sacrement de baptême la nouvelle naissance, nous éprouvons une grande joie lorsque nous ressentons en nous les premières avances de l'Esprit Saint, lorsque s'éveille en nous l'intelligence des mystères, la connaissance des prophéties, la parole de sagesse, les charismes de guérison et la domination sur les démons. Tout cela nous pénètre comme dees ondées, et peu à peu ce que nous avons semé se développe en une moisson abondante."
Commentaire sur le Psaume 64, 14-15.

"Nombreux sont les chemins du Seigneur, bien qu'il soit lui-même le chemin. Mais lorsqu'il parle de lui-même, il se nomme le chemin et il en montre la raison lorsqu'il dit : Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Il faut donc interroger beaucoup de chemins et nous devons en fouler beaucoup pour trouver le seul qui soit bon ; c'est-à-dire que nous trouverons l'unique chemin de la vie éternelle en traversant la doctrine de chemins nombreux. Car il y a des chemins dans la Loi, des chemins chez les prophètes, des chemins dans les évangiles, des chemins chez les Apôtres ; il y a aussi des chemins dans toutes les actions qui accomplissent les commandements, et c'est en les prenant que ceux qui marchent dans la crainte de Dieu trouvent le bonheur." (Commentaire sur le Psaume 127, 3).

"Le Seigneur dit : C'est ici mon repos à tout jamais et il choisit Sion pour le lieu de sa demeure. Mais Sion et son temple sont détruits. Où se tiendre le trône éternel de Dieu ? Où son repos à tout jamais ? Où sera son temple pour qu'il y habite ? L'Apôtre nous répond : le temple de Dieu, c'est vous ; en vous habite l'Esprit de Dieu. Voilà la maison et le temple de Dieu [...] Mais cette demeure, c'est Dieu qui l'édifie. Construite de main d'home, elle ne durerait pas, ni même si elle était fondée sur les doctrines humaines. Nos vains labeurs et nos inquiétudes ne suffisent pas à la protéger. Le Seigneur s'y prend bien autrement : il ne l'a pas fondée sur la terre ni sur les sables mouvants, mais elle repose sur les Prophètes et les Apôtres ; elle se construit sans cesse de pierres vivantes. Elle se développera jusqu'aux ultimes dimensions du corps du Christ. Sans cesse son édification se poursuit..." (Traité sur le Psaume 64, extrait cité in J.R. Boucher, 1994, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, Cerf, pp. 361-362).

"Quelle est en nous l’action de l’Esprit ? Ecoutons les paroles du Seigneur lui-même : "J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. Il vous est bon que je m’en aille, car si je m’en vais, je vous enverrai un avocat." Il dit encore : "Je prierai le Père et il vous enverra l’Avocat pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité qui vous conduira à la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il vous le dira, et il vous annoncera les choses à venir." En ces mots nous sont révélés la volonté du donateur, ainsi que la nature et le rôle de celui qu’il nous donne. Car notre infirmité n’étant capable de connaître ni le Père ni le Fils, et difficile notre Foi en l’Incarnation de Dieu, le don de l’Esprit nous illumine, se faisant notre allié par son intercession. ?" (De Trinitate, XXXIII, in Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes de Jean-René Bouchet, Cerf, 1994, pp. 221-222).

"Qui s'appuie sur le Seigneur ressemble au mont Sion, il ne chancelle pas, il est stable à jamais. Suivons l'Apôtre, suivons l'Evangile, suivons le Prophète. Appuyons-nous sur le Seigneur pour devenir conformes à son corps de gloire. Habitons maintenant l'Eglise, la Jérusalem de gloire. Habitons maintenant l'Eglise, la Jérusalem du ciel, afin d'être stables à jamais. Nous avons appris que cette maison doit être désirée et qu'elle est aimée par beaucoup ; l'Ecriture dit en effet : "Une chose qu'au Seigneur je demande, la chose que je cherche, c'est d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie." Allons dans la maison du Seigneur. Là est notre joie, là notre allégresse, car on nous a dit : allons dans la maison du Seigneur, Jérusalem, bâtie comme une ville, jusqu'à ce qu'y entre - comme dit l'Apôtre - la plénitude des gentils, et alors le reste d'Israël sera sauvé. Alors nous serons la cité de Dieu, la sainte Jérusalem où tout ensemble fait corps, par l'unité de la foi, par la communion de l'amour, par la concorde du vouloir et des oeuvres, par le don d'un sacrement unique en tous, selon ce qui est écrit : ils avaient un seul coeur et une seule âme dans le Seigneur."(Traité sur le Psaume 64, cité in Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes de Jean-René Bouchet, pp. 362-363).

Qu'il est bon, qu'il est joyeux pour des frères d'habiter ensemble ! Il est bon et joyeux pour des frères d'habiter ensemble parce qu'en habitant le même lieu, ils forment un groupement d'Eglise ; on les appelle frères, parce qu'ils sont d'accord par la charité qui leur donne un seul vouloir.
Nous savons que ce grand précepte s'est réalisé au début de la prédication des Apôtres, puisque nous pouvons lire : Tous ceux qui avaient adhéré à la foi avaient un seul coeur et une seule âme. Ainsi convenait-il au peuple de Dieu d'être des frères ayant un seul Père, de ne faire qu'un par un seul Esprit, de vivre unanimes dans une seule maison, d'être les membres d'un seul corps." (Commentaire sur le Psaume 132)

"J'en ai conscience Père, Dieu tout-puissant : c'est à toi que je dois consacrer l'occupation principale de ma vie. Que toutes mes paroles et mes pensées s'entretiennent de toi." (Prière d'Hilaire de Poitiers au commencement du Traité sur la Trinité).

"Le ciel tout entier tient dans le paume de Dieu et la terre toute entière est enclose dans son poing. Or la parole de Dieu fait bien sûr toujours profit à l'intelligence d'un esprit religieux ; cependant elle contient encore plus de sens lorsqu'on l'examine au-dedans par la pensée qu'au moment où on la reçoit au dehors par l'ouïe . De fait le ciel enclos dans la paume de Dieu est en même temps son trône et la même terre qui tient dans son poing est l'escabeau de ses pieds. Cela ne permet pas de concevoir, sur le trône et l'escabeau, une apparence corporelle s'étalant dans l'attitude de quelqu'un d'assis, puisque ce qui est pour elle trône et escabeau, cette infinité puissante le prend dans sa paume et l'enclôt en son poing. Mais grâce à cela, on saurait que Dieu, au-dedans et au dehors, est toujours présent à l'origine des créatures, qu'il est à la fois transcendant et immanent, c'est-à-dire répandu autour de toutes choses et en elles. Tenir dans la paume et le poing manifesterait donc l'être puissant sur la nature extérieure ; le trône et l'escabeau montreraient les êtres extérieurs à lui subordonnés comme à l'être intérieur. Ces êtres extérieurs à lui, au-dedans desquels il réside, voici qu'à l'inverse, extérieur à eux, ce même Etre les enclôt, intérieurs à lui. C'est ainsi qu'il tient tout entier toutes choses et du dedans et du dehors : infini qu'il est, il n'est rien dont il soit absent et rien non plus qui ne soit en lui, qui est infini. (La Trinité 1, 6)

Hippolyte de Rome

"Dieu, qui était seul, et pour qui rien n'était contemporain de lui-même, décida de créer le monde. Par son intelligence, sa volonté et sa parole, il fit le monde et il eut aussitôt les créatures qu'il voulut, quand il voulut, comme il voulut [...] Mais, tout en étant seul, il était multiple. Car il n'était pas sans parole, sans sagesse, sans puissance ni décision. Tout était en lui et il était le Tout [...]. Sa Parole, qu'il tenait en lui-même et qui était invisible au monde créé, il la rend visible. Tout d'abord, il la profère comme une voix, il l'engendre comme la lumière issue de la lumière, il envoie comme Seigneur de la création sa propre intelligence. Et celle-ci, qui était d'abord visible à lui seul et invisible au monde créé, il la rend visible, afin que le monde, en voyant cette épiphanie, puisse être sauvé." (Traité contre l'hérésie de Noet, extrait).

Hugues de Saint-Victor

"Dieu veut œuvrer avec toi. Il ne te contraint pas, mais il t’aide. Si tu es seul, tu n’accomplis rien ; si Dieu agit seul, tu ne mérites rien. Dieu agit donc en sorte que tu puisses agir, et toi tu agis en sorte que tu mérites quelque chose. L’action bonne est le chemin par lequel on va vers la vie. Prends courage et agis avec détermination [Ps 26, 14 ; 30, 25]. Cette voie a sa récompense. Chaque fois que l’on est fatigué par les peines qu’elle comporte, on est éclairé par une grâce venue d’en-haut et l’on goûte et voit que le Seigneur est doux. [Ps 33, 9] […] ce que l’oraison demande, la contemplation le trouve." (Hugues de Saint-Victor : Didascalicon, V, IX, 12-17, Extrait cité in P. Sicard, Hugues de Saint-Victor et son école, Brepols, 1991, pp. 204-205).

**Allusion directe à Augustin [voir extrait] in Sur la correction et la grâce, II, 4 ; Bibliothèque Augustienne n° 24 p. 275.

"Quand, dans le domaine des réalités spirituelles et invisibles, on dit que quelque chose est en haut, on ne donne pas à entendre que cela serait situé spatialement au sommet ou au point le plus élevé du ciel, mais on veut signifier que, de toutes les réalités, c’est la plus intime.
Monter vers Dieu, c’est donc rentrer en soi-même ; et non seulement rentrer en soi-même, mais d’une manière qui ne se peut dire, passer, au plus intime de soi, au-delà de soi-même.
Ainsi, celui-là qui, entrant en soi et pénétrant en sa propre intimité, si j’ose dire, passe au-delà de lui-même, celui-là monte véritablement vers Dieu. Partant des réalités extérieures changeantes et rentrés en nous-mêmes, nous trouvons la stabilité."
(De vanitate mundi)

"...la perfection se réalise en ceux qui montent par ces degrés, si bien que celui qui est demeuré en bas ne peut être parfait. Nous devons donc avoir comme propos de toujours monter. Mais comme l’inconstance de notre vie est telle que nous ne pouvons demeurer au même endroit, nous sommes obligés de revoir ce que nous avons déjà fait. Pour ne pas perdre l’état en lequel nous sommes, refaisons, de temps en temps, le chemin parcouru. Par exemple, que celui qui œuvre avec ardeur prie pour ne pas défaillir ; que celui qui prie avec insistance médite sur ce pour quoi il prie [...] ; que celui qui parfois se défie un peu de son propre jugement cherche conseil dans l’étude. Il arrive ainsi qu’ayant la volonté de toujours monter, nous soyons parfois contraints de descendre par la nécessité..." (Didascalicon, V, IX, 12-17).

"Lorsque nous voulons élever l’œil de l’esprit vers les réalités invisibles, il nous faut considérer les images des choses visibles en quelque sorte comme des repères pour la connaissance. Quand, dans le domaine des réalités spirituelles et invisibles, on dit que quelque chose est en haut, on ne donne pas à entendre que cela serait situé spatialement au sommet ou au point le plus élevé du ciel, mais on veut signifier que, de toutes les réalités, c’est la plus intime. Monter vers Dieu, c’est donc rentrer en soi-même ; et non seulement rentrer en soi-même, mais d’une manière qui ne se peut dire, passer, au plus intime de soi, au-delà de soi-même. Ainsi, celui-là qui, entrant en soi et pénétrant en sa propre intimité, si j’ose dire, passe au-delà de lui-même, celui-là monte véritablement vers Dieu." (De vanitate mundi, , 715 A-C)

"Il pénètre vraiment les choses saintes,
celui qui perçoit les biens intérieurs en les goûtant ;
il possède un enseignement parfaitement saint,
celui qui enseigne ce qu'il savoure,
celui qui fait profiter de ce qu'il sent,
celui qui apprend non seulement à connaître le vrai,
mais à saisir le bien."
(In Hierarchiam caelestem, 1001B)

Ignace d'Antioche

"Tiens ferme, comme l’enclume sous le marteau. C’est le fait d’un grand athlète que de vaincre sous les coups. C’est pour Dieu surtout que nous devons tout endurer, afin que lui-même nous endure. Accrois ton ardeur. Sache apprécier la différence des temps. Espère celui qui est au-delà du temps, intemporel, invisible, mais qui s’est fait visible pour nous ; impalpable, impassible mais qui s’est fait passible pour nous, et qui a enduré pour nous toute sorte de souffrances." (Lettre à Polycarpe, III, 1-2, in Les Pères apostoliques, "Foi vivante", n° 244, Cerf, 1991).

Irénée de Lyon

"Le Père, tout invisible et illimité qu'il soit en comparaison de nous, est connu de son propre Verbe et tout inexprimable qu'il soit, est exprimé par lui ; et réciproquement, le Verbe n'est connu que du Père seul : telle est la double vérité que nous a manifestée le Seigneur. Et c'est pourquoi le Fils révèle la connaissance du Père par sa propre manifestation : c'est la connaissance du Père que cette manifestation du Fils, car toutes choses sont manifestées par l'entremise du Verbe. Afin donc que nous sachions que c'est le Fils venu vers nous qui produit la connaissance du Père en ceux qui croient en lui, il disait à ses disciples : "Nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, ni le Fils si ce n'est le Père, et ceux à qui le Fils le révélera", enseignant par là le Père et ce qu'il est lui-même et ce qu'est le Père, afin que nous n'admettions pas d'autre Père que celui que révèle le Fils.
[...] ...ceux qui osent prêcher un Dieu inconnaissable ne prennent même pas garde à ce qu'ils disent : car comment peut-il être inconnaissable, s'ils le connaissent Ce qui est connu, fût-ce de quelques-uns, n'est pas inconnaissable. Au reste, le Seigneur n'a pas annoncé que le Père et le Fils ne pouvaient d'aucune façon être connus, sans quoi sa venue eût été sans objet. Pourquoi fût-il venu ? Simplement pour nous dire : "Ne cherchez pas Dieu, car il est inconnaissable et vous ne le trouverez pas" ? C'est une ineptie. Ce que nous enseigne le Seigneur, le voici : personne ne peut connaître Dieu à moins que Dieu ne l'enseigne, autrement dit nous ne pouvons sans l'aide de Dieu connaître Dieu ; mais, que nous le connaissions, c'est la volonté même du Père, puisque ceux-là le connaîtront auxquels le Fils le révélera.[...]
Sans le bon plaisir du Père comme sans le ministère du Fils, personne ne connaîtra Dieu. C'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples : "Je suis la Voie, la Vérité et la Vie, et personne ne vient au Père que par moi. Si vous m'avez connu, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès à présent vous l'avez connu et vous l'avez vu" (Jn 14, 6-7). D'où il ressort clairement que c'est par le Fils, c'est-à-dire par le Verbe qu'on le connaît."
(Contre les Hérésies, IV, 6, 3-4 ; 7, 3, extraits).

"Jamais un Christ impassible n’est descendu en Jésus, mais Jésus, qui était en personne le Christ, a souffert pour nous, s’est endormi et est ressuscité, est descendu et est remonté [Ep 4, 10], lui, le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme. C’est d’ailleurs ce qu’indique son nom même, car dans le nom de "Christ" est sous-entendu Celui qui a oint, Celui-là même qui a été oint et l’Onction dont il a été oint : celui qui a oint, c’est le Père, celui qui a été oint, c’est le Fils, et il l’a été dans l’Esprit, qui est l’Onction. Comme le dit le Verbe par la bouche d’Isaïe : "L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint" [Is 61, 1] : ce qui indique tout ensemble et le Père qui a oint et le Fils qui a été oint et l’Onction qui est l’Esprit.
Au surplus, le Seigneur lui-même a bien fait voir quel est Celui qui a souffert. En effet, après qu’il eut demandé à ses disciples : « Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l’homme ?» [Mt 16, 13] et que Pierre lui eut répondu : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (Mt 16, 16], le seigneur le loua de ce que ce n’était pas la chair ni le sang qui le lui avaient révélé, mais le Père qui est dans les cieux [Mt 16, 17] : il faisait bien voir par là que "le Fils de l’homme" en personne était "le Christ, le Fils du Dieu vivant". Or, est-il dit, c’est à partir de ce moment-là qu’il commença à exposer à ses disciples qu’il lui fallait se rendre à Jérusalem, beaucoup souffrir de la part des prêtres, être rejeté, être crucifié et ressusciter le troisième jour" [Mt 16, 21 ; Mc 8, 31 ; Lc 9, 22]. Ainsi Celui qui venait d’être reconnu par Pierre comme "le christ", qui venait de déclarer Pierre bienheureux parce que le Père lui avait révélé "le Fils du Dieu vivant", Celui-là même annonçait qu’il lui faudrait beaucoup souffrir et être crucifié.
Et c’est alors qu’il réprimanda Pierre, parce que celui-ci partageait l’idée que les hommes se faisaient du Christ et repoussait sa Passion [Mt 16, 22-23], et qu’il dit à ses disciples : "Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra à cause de moi la sauvera » [Mt 16, 24-25 ; Mc 8, 34-35 ; Lc 9, 23-24]. Voilà ce que le Christ disait ouvertement, lui, le Sauveur de ceux qui, pour l’avoir confessé, seraient livrés à la mort et perdraient leur vie. Par contre, s’il s’agissait d’un Christ qui ne devait pas souffrir, mais s’envoler de Jésus, de quel droit exhortait-il ses disciples à porter leur croix et à le suivre, alors que lui-même, d’après les hérétiques, n’allait pas porter cette croix, mais déserter l’"économie" de la Passion ? Car ce qui prouve bien que le Christ ne parlait pas de la connaissance d’une prétendue Croix d’en haut, comme certains ont l’audace de l’expliquer, mais de la Passion qu’il allait devoir souffrir et que ses disciples souffriraient eux aussi, ce sont les paroles qu’il ajoutait : "Car quiconque sauvera sa vie la perdra, et quiconque la perdra la trouvera" [Mt 16, 25 et cf. Mt 10, 39]."

(Contre les Hérésies, III, 18, 3-5, pp. 362-363).

"Telle a été la longanimité de Dieu. Il a permis que l'homme passe par toutes les situations et qu'il connaisse la mort, pour accéder ensuite à la résurrection d'entre les morts et apprendre par son expérience de quel mal il a été délivré : ainsi rendra-t-il toujours grâces au Seigneur, pour avoir reçu de lui le don de l'incorruptibilité, et l'aimera-t-il davantage, s'il est vrai que celui à qui on remet plus aime davantage (cf. Lc 7, 42-43) ; ainsi saura-t-il que lui-même est mortel et impuissant et comprendra-t-il que Dieu est au contraire à ce point immortel et puissant qu'il donne au mortel l'immortalité (cf. 1 Cor 15, 53) et au temporel l'éternité ; ainsi connaîtra-t-il toutes les autres oeuvres prodigieuses de Dieu rendues manifestes en lui, et, instruit par elles, aura-t-il sur Dieu des pensées en rapport avec la grandeur de Dieu. Car la gloire de l'homme, c'est Dieu ; d'autre part, le réceptacle de l'opération de Dieu et de toute sa sagesse et de toute sa puissance, c'est l'homme. Comme le médecin fait ses preuves chez ceux qui sont malades, ainsi Dieu se manifeste chez les hommes. C'est pourquoi Paul dit : "Dieu a enfermé toutes choses dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde" (Rom. 11, 32). [...] après avoir désobéi à Dieu et avoir été rejeté de l'immortalité, [l'homme] a ensuite obtenu miséricorde (cf. 1 P. 2, 10) par l'entremise du Fils de Dieu, en recevant la filiation adoptive qui vient par lui (cf. Gal 4, 4-5). Car cet homme-là, gardant sans enflure ni jactance une pensée vraie sur les créatures et sur le Créateur - qui est le Dieu plus puissant que tout et qui donne à tout l'existence - et demeurant dans son amour (cf. Jn 15, 9-10), dans la soumission et dans l'action de grâces, recevra de lui une gloire plus grande, progressant jusqu'à devenir semblable à Celui qui est mort pour lui. Celui-ci en effet s'est fait "à la ressemblance de la chair du péché pour condamner le péché" et, ainsi condamné, l'expulser de la chair (cf. Rom 8, 3), et pour appeler d'autre part l'homme à lui devenir semblable, l'assignant aussi pour imitateur à Dieu (Ephès. 5, 1), l'élevant jusqu'au royaume du Père et lui donnant de voir Dieu et de saisir le Père - lui, le Verbe de Dieu qui a habité dans l'homme (cf. Jn 1, 14) et s'est fait Fils de l'homme pour accoutumer l'homme à saisir Dieu et accoutumer Dieu à habiter dans l'homme, selon le bon plaisir du Père."
(Contre les Hérésies, III, 20, 2).

"A ceux qui le suivent et le servent, Dieu procure la vie incorruptible et la gloire éternelle. Il accorde ce bienfait à ceux qui le servent, parce qu'ils le servent, et à ceux qui le suivent, parce qu'ils le suivent, mais ne reçoit d'eux nul bienfait, car il est riche, parfait et sans besoin.
Dieu sollicite le service des hommes par bonté et miséricorde pour combler de bienfaits ceux qui le servent avec persévérance. Car autant Dieu n'a besoin de rien, autant l'homme a besoin de la communion avec Dieu.
La gloire de l'homme, c'est de persévérer au service de Dieu. Et c'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples : Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais moi qui vous ai choisis (Jn 15, 16). Il voulait dire par là qu'eux ne le glorifiaient pas en le suivant, mais que, pour avoir suivi le Fils de Dieu, ils étaient glorifiés. Et il disait encore : Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire (Jn 17, 24)."
(Contre les Hérésies, IV, 13, 4 - 14, 1).

"Maintenant que Dieu a récapitulé en nous la foi d'Abraham, nous ne devons donc plus regarder en arrière, c'est-à-dire retourner à l'ancienne Loi. Nous avons reçu le Seigneur de la Loi, le Fils de Dieu ; par la foi en lui, nous apprenons à aimer Dieu de tout notre coeur et le prochain comme nous-mêmes (Mt 22, 37-39). Mais l'amour envers Dieu exclut tout péché, et l'amour envers le prochain défend de faire ce qui peut nuire au prochain.
Ainsi donc la Loi ne doit plus être notre pédagogue. Nous conversons avec le Père, nous nous tenons en sa présence face à face, devenus enfants sans malice, et fermes en toute justice et pureté. La Loi n'a plus à dire : Ne sois pas adultère" (Ex 21, 24), à celui qui ne songe même pas à une femme étrangère ; [...] Oeil pour oeil, dent pour dent (Ex 21, 24), à celui qui n'a aucun ennemi, mais qui traite tous les hommes comme son prochain, et qui par conséquent n'est pas capable de lever la main pour se venger.
(La prédication des apôtres et ses preuves, 95-96, "Les Pères dans la foi", Migne 1977, pp. 84).

"[Le Fils de Dieu] a donc mélangé et uni [...] l’homme à Dieu. Car si ce n’était pas un homme qui avait vaincu l’adversaire de l’homme, l’ennemi n’aurait pas été vaincu en toute justice. D’autre part, si ce n’était pas Dieu qui nous avait octroyé le salut, nous ne l’aurions pas reçu d’une façon stable. Et si l’homme n’avait pas été uni à Dieu, il n’aurait pu recevoir en participation l’incorruptibilité. Car il fallait que le « Médiateur de Dieu et des hommes », par sa parenté avec chacune des deux parties, les ramenât l’une et l’autre à l’amitié et à la concorde, en sorte que tout à la fois Dieu accueillît l’homme et que l’homme s’offrît à Dieu. Comment aurions-nous pu en effet avoir part à la filiation adoptive [Ga 4, 5] à l’égard de Dieu, si nous n’avions pas reçu, par le Fils, la communion avec Dieu ? Et comment aurions-nous reçu cette communion avec Dieu, si son Verbe n’était pas entré en communion avec nous en se faisant chair [Jn 1, 14] ? C’est d’ailleurs pourquoi il est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu." (Contre les Hérésies, III, 18, 7).

Dans le même ouvrage, Irénée explique :
« ... dès le commencement, Dieu avait le pouvoir de donner la perfection à l’homme, mais celui-ci, nouvellement venu à l’existence, était incapable de la recevoir, ou l’eût-il même reçue, de la contenir, ou, l’eût-il même contenue, de la garder. Et c’est pourquoi le Verbe de Dieu, alors qu’il était parfait, s’est fait petit enfant avec l’homme, non pour lui-même, mais à cause de l’état d’enfance où était l’homme, afin d’être saisi selon que l’homme était capable de le saisir." (Contre les hérésies, IV, 38, 2).

"C'est [...] en ceci que Dieu diffère de l'homme : Dieu fait, tandis que l'homme est fait. Celui qui fait est toujours le même, tandis que ce qui est fait reçoit obligatoirement un commencement, un état intermédiaire et une maturité. Dieu donne ses bienfaits, tandis que l'homme les reçoit. Dieu est parfait en toutes choses, égal et semblable à lui-même, tout entier Lumière, tout entier Pensée, tout entier Substance et Source de tous biens, tandis que l'homme reçoit progrès et croissance vers Dieu. Car, autant Dieu est toujours le même, autant l'homme qui sera trouvé en Dieu progressera toujours vers Dieu : Dieu ne cessera pas plus de combler et d'enrichir l'homme, que l'homme d'être comblé et enrichi par Dieu." (Contre les hérésies, IV, 11, 2)

"Ils sont [...] tout à fait déraisonnables, ceux qui n’attendent pas le temps de la croissance et font grief à Dieu de la faiblesse de leur nature. Dans leur ignorance de Dieu et d’eux-mêmes, ces insatiables et ces ingrats refusent d’être d’abord ce qu’ils ont été faits, des hommes sujets aux passions ; outrepassant la loi de l’humaine condition, avant même d’être des hommes, ils veulent être semblables au Dieu qui les a faits et voir s’évanouir toute différence entre le Dieu incréé et l’homme nouvellement venu à l’existence. Ils sont plus déraisonnables que les animaux sans raison, car ceux-ci ne reprochent pas à Dieu de ne pas les avoir faits hommes, mais chacun rend grâces d’avoir été fait ce qu’il a été fait. Nous, au contraire, nous lui faisons un crime de ce que nous n’avons pas été faits dieux dès le commencement, mais d’abord hommes, et seulement ensuite dieux." (Irénée, Contre les Hérésies, IV, 38, 4).

"...le Verbe s’est fait le dispensateur de la grâce du Père pour le profit des hommes : car c’est pour eux qu’il a accompli de si grandes "économies", montrant Dieu aux hommes et présentant l’homme à Dieu, sauvegardant l’invisibilité du Père pour que l’homme n’en vînt pas à mépriser Dieu et qu’il eût toujours vers quoi progresser, et en même temps rendant Dieu visible aux hommes par de multiples "économies", de peur que, privé totalement de Dieu, l’homme ne perdît jusqu’à l’existence. Car la gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu par la création procure la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu !" (Contre les hérésies, IV, 20, 7).

"L'oblation de l'Eglise, que le Seigneur a voulu qu'on offre dans le monde entier, est considérée comme un sacrifice pur devant Dieu et lui est agréable. Ce n'est pas qu'il ait besoin de notre sacrifice, mais celui qui offre est lui-même glorifié par ce qu'il offre, si son présent est agréé. Par ce présent, en effet, se manifestent l'honneur et la piété que nous rendons à notre Roi, et c'est ce présent que le Seigneur veut nous voir offrir en toute simplicité et innocence." (Contre les Hérésies, 4, 18,1)

"… vu autrefois par l’entremise de l’Esprit selon le mode prophétique, puis vu par l’entremise du Fils selon l’adoption, [Dieu] sera vu encore dans le royaume des cieux selon la paternité, l’Esprit préparant d’avance l’homme pour le Fils de Dieu, le Fils le conduisant au Père, et le Père lui donnant l’incorruptibilité et la vie éternelle, qui résultent de la vue de Dieu pour ceux qui le voient. Car, de même que ceux qui voient la lumière sont dans la lumière et participent à sa splendeur, de même ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. Or vivifiante est la splendeur de Dieu. Ils auront donc part à la vie, ceux qui voient Dieu. Tel est le motif pour lequel Celui qui est insaisissable, incompréhensible et invisible s’offre à être vu, compris et saisi par les hommes : c’est afin de vivifier ceux qui le saisissent et qui le voient. Car, si sa grandeur est inscrutable, sa bonté aussi est inexprimable, et c’est grâce à elle qu’il se fait voir et qu’il donne la vie à ceux qui le voient. Car il est impossible de vivre sans la vie, et il n’y a de vie que par la participation à Dieu, et cette participation à Dieu consiste à voir Dieu et à jouir de sa bonté." (Contre les hérésies, 4, 20, 5)

Isaac le Syrien

"Bienheureux l’homme qui connaît sa propre faiblesse. Car cette connaissance est en lui le fondement, la racine, le principe de toute bonté. Quand un homme a appris et senti sa propre faiblesse, il concentre son âme hors de la vanité qui enténèbre la connaissance et il garde en lui comme un trésor la vigilance. Mais nul ne peut sentir sa propre faiblesse, s’il ne lui a pas été donné, si peu soit-il d’être éprouvé par les peines du corps ou par celles de l’âme. Comparant alors sa faiblesse à l’aide de Dieu, il connaîtra la grandeur de cette aide.
Par son grand désir du secours de Dieu, il approche Dieu en demeurant dans la prière. Et autant il approche Dieu par sa résolution, autant Dieu l’approche par ses dons, et il ne lui enlève pas sa grâce, à cause de sa grande humilité. Car un tel homme est comme la veuve qui ne cesse d’en appeler au juge pour qu’il lui rende justice contre son adversaire. Dieu compatissant retient les grâces, pour que cette réserve incite l’homme à l’approcher et à demeurer auprès de celui d’où coule son bien."
("21e discours ascétique", Œuvres spirituelles, DDB, 1981, pp. 143-145).

"Qu'est-ce que la pureté ? C'est un coeur miséricordieux envers toute la nature créée. Qu'est-ce qu'un coeur miséricordieux ? C'est une flamme qui embrase le coeur pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les animaux, pour les démons, et pour tout être créé. L'homme miséricordieux offre continuellement des prières accompagnées de larmes pour les animaux sans raison, pour les ennemis de la vérité et pour ceux qui lui ont fait du tort, pour qu'ils soient protégés et qu'il leur soit fait miséricorde ; car une grande miséricorde remplit son coeur au-delà de toute mesure et le rend semblable à Dieu.
Quel est le signe qu'un homme a atteint la pureté du coeur, et quand sait-il que son coeur est parvenu à la pureté ? Lorsqu'il voit tous les hommes comme bons, et lorsqu'aucun ne lui paraît impur et souillé ; c'est alors qu'il est véritablement pur de coeur. Comment s'accomplirait autrement la parole de l'Apôtre, selon laquelle il nous faut, d'un coeur sincère, considérer les autres comme supérieurs à nous-mêmes [cf. Ph 2, 3], si l'on n'est pas encore arrivé à ce que dit le prophète : L'oeil bon ne voit pas le mal [Ha 1, 13] ?" (Isaac le Syrien : Discours 81, 1-2 et 85, 29, Monastère Saint-Antoine le Grand et Monastère de Solan, 2006, cité in Magnificat, n° 235, juin 2012, pp. 340-341).

Isaac de l'Etoile (mort en 1178)

"L'amour se voit remettre la dette et donner ce qui n'est pas dû : l'une et l'autre faveur fait croître l'amour, et l'amour procure l'une et l'autre. L'amour, par conséquent, est le moyen expiatoire des pécheurs ; l'amour, le mérite des saints ; l'amour, la récompense des bienheureux. Mais à vrai dire, pour que Dieu ait pu être aimé par nous, Dieu était d'abord en nous, par cet amour dont il nous prévient pour que nous aimions à notre tour. D'où la parole de ce bienheureux disciple que Jésus aimait (cf. Jn 21, 7) : Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés (1 Jn 4, 10) [...]
Même avant que nous n'existions, l'amour a donc prédestiné pour nous ce qui ferait notre bonheur éternel ; et nous qu'il a prédestinés, il nous saisit, nous tient, nous conduit partout à sa volonté, réalisant tout en nous. C'est Dieu en effet qui opère en nous et le vouloir et le pouvoir, selon sa bienveillance (cf. Ph 2, 13) ; jusqu'à ce qu'il nous accueile dans la gloire."
(Sermon 53, 12.14, in Sermons, t. III, SC n° 339, 1987, pp. 247-249).

Isidore de Péluze (v. 355 - v. 440)

"Le bienheureux Paul appelle prêtres ceux qui, sans victimes ni sacrifices, accomplissent dans leur nature dépouillée des oeuvres de piété, et offrent leur corps en libation immaculée. Victime insigne que celle de l'esprit et d'un corps chaste ! Pour cette raison, il écrit : Offrez vos corps en hostie vivante, agréable à Dieu, sacrifice spirituel (Rm 12, 1). Il s'adresse non seulement aux prêtres, mais à l'Eglise tout entière.
En cette matière, il a ordonné à chacun d'être prêtre. Dans l'Ancien Testament, en effet, personne ne pouvait remplir les fonctions sacerdotales s'il n'était pas prêtre. Néanmoins, au temps de la Pâque, chacun était investi de la dignité sacerdotale, puisqu'il immolait la victime. Il en est de même du Nouveau Testament, qui ne sera suivi d'aucun autre : ceux qui ont le pouvoir d'offrir un sacrifice non sanglant sont prêtres. Mais chacun est ordonné prêtre de son propre corps, non point pour exercer le gouvernement des sujets, mais pour dominer ses passions et faire de son corps un temple saint et chaste." (Lettre 75, "Les Pères dans la foi, n°46, Migne, 1991, pp. 115-116).

Jean Cassien

"...que tous soient un, comme toi Père, tu es en moi et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi" [voir Jn 17 notamment]. La parfaite dilection [amour] dont Dieu nous aime le premier (1 Jn 4, 10) passera en notre coeur par l'accomplissement de cette prière du Seigneur, dont notre foi nous dit qu'elle ne saurait être vaine.
Et voici quels en seront les signes : Dieu sera tout notre amour et notre désir, toute notre étude et tous nos efforts, toute notre pensée, toute notre vie, notre parler, notre respiration, et cette unité du Père avec le Fils et du Fils avec le Père nous sera communiquée dans le sentiment de l'Esprit ; et, de même que Dieu nous aime d'une charité vraie et pure, et qui ne meurt point, nous lui serons unis par l'indissoluble unité d'un amour sans défaillance ; tellement attachés à lui que toute notre respiration, toute notre vie d'intelligence, tout notre parler ne seront que lui. Ainsi parviendrons-nous à la fin que nous avons dite, et que le Seigneur souhaitait pour nous dans sa prière : "Afin que tous soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'un" [Jn 17, 22-23]. Qu'ils deviennent ainsi parfaitement un..."."
(Conférences X, 7, 1-2 ; 2009, SC 54 bis, pp. 151-153).

"Celui qui est vivifié par l'aliment des Ecritures dont il ne cesse de se nourrir se pénètre à ce point de tous les sentiments exprimés dans les psaumes qu'il les récite désormais, non point comme ayant été composés par le prophète, mais comme s'il en était lui-même l'auteur, et comme une prière personnelle, dans les sentiments de la plus profonde componction ; au moins estime-t-il qu'ils ont été faits exprès pour lui et il connaît que ce qu'ils expriment ne s'est pa réalisé seulement autrefois dans la personne du prophète, mais trouve encore en lui tous les jours son accomplissement.
Parce que nous voyons très clairement, comme dans un pur miroir, tout ce qui nous est dit, nous en avons une intelligence beaucoup plus profonde. Instruits par ce que nous sentons nous-mêmes, ce ne sont pas à proprement parler pour nous des choses que nous apprenons par ouï-dire, mais nous en palpons, en quelque sorte, la réalité, pour les avoir perçues à fond ; elles ne nous font point l'effet d'être confiées à notre mémoire, mais nous les enfantons du fond de notre coeur, comme des sentiments naturels et qui font partie de notre être ; ce n'est pas la lecture qui nous fait pénétrer le sens des paroles, mais l'expérience acquise."
(Conférences, X, 11, 4-6, SC n° 54 bis, pp. 173-175).

"Venez, dit le Seigneur, et apprenez de moi (Mt 11, 28), non pas à chasser les démons par la puissance du ciel, ni à guérir les lépreux, ni à rendre la lumière aux aveugles, ni à ressusciter les morts – j’opère, il est vrai tous ces prodiges par l’entremise de quelques-uns de mes serviteurs [...] ; mais vous, dit-il apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11, 29). Voilà, en effet, ce qu’il est possible à tous communément d’apprendre et de pratiquer. Mais de faire des signes et des miracles, cela n’est pas toujours nécessaire ni avantageux à tous et n’est pas accordé non plus universellement. C'est l’humilité qui est la maîtresse de toutes les vertus, le fondement inébranlable de l’édifice céleste, le don propre et magnifique du Sauveur. Celui-là pourra faire sans péril de prétention, tous les miracles que le Christ a opérés, qui cherche à imiter le doux Seigneur non dans la sublimité de ses prodiges, mais dans la vertu de patience et d’humilité.
Voici le legs que celui-ci fit à ses disciples : Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres. C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres (Jn 13, 34-35). Il ne dit pas "si vous réalisez des signes et des miracles vous aussi", mais si vous avez de l’amour les uns pour les autres."
(Conférence XV, 7, 1-3).

"La vraie patience et tranquillité ne s’acquiert et ne se garde que par une profonde humilité de cœur. La vertu qui découle de cette source n’a nul besoin du secours d’une cellule ni du refuge de la solitude. Pourquoi se mettrait-elle en quête d’un appui au dehors, quand elle est intérieurement soutenue par l’humilité, sa mère et gardienne ?" (Conférences, XVIII, 13, SC 64, p. 24).

"On gagne moins par un jeûne que l'on ne perd par un mouvement de colère ; et le profit que l'on retire de la lecture n'égale pas le dommage encouru pour le mépris d'un frère.
Il convient, par conséquent, de rapporter les choses secondaires, jeûnes, veilles, retraite et méditation des Ecritures, à notre but principal, c'est-à-dire à la pureté du coeur, qui est la charité ; et non point de mettre en déroute, à cause d'elles, cette vertu première, car, si elle demeure entière et sans atteinte, rien n'est capable de nous nuire, même si la nécessité nous oblige de négliger quelque pratique accessoire. Une fidélité ponctuelle ne nous servira de rien, si nous nous laissons ravir la chose principale, en vue de quoi tout doit être accompli.
Un artisan s'empresse à se procurer les instruments qui relèvent de sa profession. Est-ce dans le dessein de les avoir seulement, sans en faire usage ? Non, l'avantage qu'il escompte, il ne le met pas à les posséder sans plus, mais à se rendre maître, par leur secours, en l'art dont ils sont les moyens, et à en obtenir la fin. Ainsi, les jeûnes et les veilles, la méditation des Ecritures, la nudité, la privation de toutes ressources ne sont pas la perfection, mais les instruments de la perfection." (Conférences, I, 7)

"Toute la vie du moine et la perfection du coeur consistent en une persévérance ininterrompue de prière. Autant qu'il est donné à la fragilité humaine, c'est un effort vers l'immobile tranquillité d'âme et une pureté perpétuelle. Et telle est la raison qui nous fait affronter le labeur corporel, et rechercher de toutes manières la contrition du coeur, avec une constance que rien ne lasse. Aussi bien, sont-ce là deux choses unies d'un lien réciproque et indissoluble : tout l'édifice des vertus n'a qu'un but, qui est d'atteindre à la perfection de la prière ; mais sans ce couronnement, qui en assemble les diverses parties, de manière à en former un tout qui se tienne, il n'aura ni solidité ni durée. Sans les vertus, en effet, ni ne s'acquiert ni ne se consomme la constante tranquillité de prière dont nous parlons ; mais en revanche, les vertus, qui lui servent d'assise, n'arriveront pas sans elle à leur perfection." (Conférences, IX, 2, SC n° 54, pp. 40-41)

Jean Chrysostome

"En voyant les boiteux marcher, les démons prendre la fuite, les paralytiques recouvrer leurs forces, [Paul] ne recueillait aucun fruit de ces spectacles; il n'ignorait pas ces miracles, lui, si curieux de ce qui concernait les apôtres. Lorsque Etienne était lapidé, Paul était là, il voyait le visage du martyr pareil au visage d'un ange, et il ne lui servait à rien de le voir. Comment se fait-il qu'il ne profitait pas de ce spectacle ? C'est qu'il n'était pas encore appelé.
En entendant ces paroles n'allez pas croire que la vocation soit une contrainte ; Dieu n'exerce aucune contrainte ; il nous laisse la liberté de nos volontés, même après la vocation. [...]. Mais un infidèle me dira : qui prouve qu'il a appelé Paul du haut du ciel et que Paul a été persuadé ? pourquoi ne m'a-t-il pas appelé moi aussi ? [...] Eh ! vous aussi, Dieu vous appelle du haut du ciel, si vous avez une âme disposée à l'obéissance ; si, au contraire, votre âme se révolte et se pervertit, la voix même descendue du ciel ne suffira pas pour vous sauver…"
(Eloge de Paul, IV, 1-2 ; SC n° 300, p. 181-183).

"... Jésus-Christ ne parlait point des yeux du corps, lorsqu’il nous commandait d’arracher l’œil qui nous scandalise, mais qu’il marquait par cette expression, que nous devons éloigner de nous les personnes dont l’amitié nous nuit, et qui sont capables de nous perdre. Comment en effet, Celui qui ne nous permet pas même d’arracher l’oeil à un autre qui nous l’aurait arraché, pourrait-il nous commander de nous l’arracher à nous-mêmes ? Que si quelqu’un blâme l’ancienne loi, de ce qu’elle commande ainsi d’exiger "oeil pour oeil, et dent pour dent" il ne comprend guère, ni la sagesse que doit avoir un législateur, ni les différentes conjonctures des temps, ni l’avantage que les hommes ont de cette divine condescendance. Car si vous considérez quel était ce peuple, dans quelle disposition il était, et en quel temps il a reçu cette loi, vous reconnaîtrez aisément que Dieu est le seul et le même auteur de l’un et de l’autre Testament, qu’il a établi très-utilement ces lois différentes, et qu’il les a proportionnées aux personnes et aux temps. S’il avait tout d’abord imposé aux hommes la loi évangélique qui est si sublime, les hommes n’auraient reçu ni l’ancienne ni la nouvelle : mais les publiant en divers temps, et chacune en celui qui lui était propre, il s’est servi très utilement de l’une et de l’autre, pour renouveler la face de toute la terre.
Au reste s’il a donné ce commandement ce n’était pas pour porter les hommes à s’arracher les yeux les uns aux autres, c’était au contraire pour les empêcher de se porter à des violences. Car la menace de cette peine était un frein pour la colère. Il commençait ainsi à établir insensiblement la vertu dans le monde, en voulant qu’on se contentât d’une vengeance pareille au mal qu’on avait reçu, bien que cependant celui qui commence l’injure mérite une peine plus grave, et que la peine du talion ne semble pas assez rigoureuse au jugement d’une exacte justice. C’est parce qu’il voulait tempérer la justice par la miséricorde, qu’il n’infligeait au coupable qu’un châtiment au-dessous de son crime: c’était aussi pour nous enseigner à montrer beaucoup de patience dans les maux que nous souffrons.
Après avoir rapporté l’ancienne loi tout au long, il montre que ce n’est pas proprement votre frère qui vous offense, mais le démon par votre frère. C’est pourquoi il ajoute : "Et moi je vous dis de ne point résister au méchant". Il ne dit pas de ne point résister à votre frère, mais "au méchant", montrant que c’est le démon qui lui inspire cette violence, et diminuant ainsi beaucoup notre colère contre celui qui nous aurait offensé, en rejetant toute sa faute sur un autre.
Quoi donc! me direz-vous, ne faut-il point résister au méchant? Il faut lui résister, mais non de la manière que vous pensez, mais de celle que Jésus-Christ nous commande : c’est-à-dire en voulant bien souffrir tout le mal qu’il nous veut faire. C’est ainsi que vous le surmonterez. Ce n’est pas avec le feu qu’on éteint le feu, mais seulement avec l’eau. Et pour vous faire voir que dans l’ancienne loi même, celui qui souffrait l’injure avait l’avantage et qu’il remportait la couronne, considérez la chose en elle-même, et vous jugerez combien la patience de cet homme s’élevait an-dessus de l’autre. Car celui qui a commencé l’outrage est lui seul cause de la perte des deux yeux, c’est-à-dire, de celui de son frère et du sien propre, ce qui doit l’exposer justement à la haine et à l’exécration du monde. Celui au contraire qui a souffert la violence, lors même qu’il en tire une vengeance proportionnée à l’injure qu’on lui a faite, ne passera point pour cruel, ni pour avoir fait aucun mal. C’est pourquoi il trouve beaucoup d’hommes pour compatir à sa douleur parce qu’il est innocent, même après s’être vengé de la sorte. Le mal est égal pour tous deux ; mais la gloire n’est pas égale ni devant Dieu ni devant les hommes ; ce qui fait une grande inégalité dans l’égalité du mal qu’ils souffrent.
(Homélie XVIII sur Matthieu, 1).

On vient de lire ce texte de Paul (I Co 10, 16-17) : "La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps: car tous nous participons à cet unique pain", et Jean Chrysostome explique :

"Nous sommes précisément ce corps même. Qu'est-ce que le pain ? le corps du Christ. Que deviennent ceux qui communient ? le corps du Christ ; non pas une multitude de corps, mais un corps unique. De même que le pain, composé de tant de grains de blé, n'est qu'un pain unique, de telle sorte qu'on n'aperçoit pas du tout les grains, de même que les grains y subsistent, mais impossible d'y voir ce qui les distingue dans la masse si bien unis ; ainsi, nous tous ensemble, et avec le Christ, nous ne faisons qu'un tout. En effet, ce n'est pas d'un corps que se nourrit celui-ci, d'un autre corps que se nourrit celui-là ; c'est le même corps qui les nourrit tous. Aussi l'apôtre a-t-il ajouté : "Parce que nous participons tous à un même pain". Eh bien, maintenant, si nous participons tous au même pain, et si tous nous devenons cette même substance, pourquoi ne montrons-nous pas la même charité ? Pourquoi, par la même raison, ne devenons-nous pas un même tout unique ? C'est ce que l'on voyait du temps de nos pères : "Toute la multitude de ceux qui croyaient n'avaient qu'un coeur et qu'une âme." [Actes des Apôtres 4, 32]. Il n'en est pas de même à présent ; c'est tout le contraire. Des guerres innombrables, et sous toutes les formes, ne montrent que trop que nous sommes plus cruels que les bêtes féroces, pour ceux dont nous sommes les membres, et qui sont les nôtres. Et pourtant, ô homme, c'est le Christ qui est venu te chercher, toi qui étais si loin de lui, pour s'unir à toi ; et toi, tu ne veux pas t'unir à ton frère ?" (Jean Chrysostome : Commentaire sur la première épître de Paul aux Corinthiens, 24, 2).

"Le jour où notre Seigneur Jésus-Christ est monté sur la croix est pour nous un jour de fête, car, sachez-le bien, la croix est maintenant fête et célébration dans l’Esprit. Autrefois, la croix était un signe de condamnation, elle est maintenant principe de salut. De quels biens n’est-elle pas la source ? Elle nous a délivrés de l’erreur, elle nous a ramenés des ténèbres à la lumière, nous étions révoltés contre Dieu : elle scelle notre réconciliation : nous étions à ses yeux des étrangers : elle nous a ouvert les portes de sa maison ; nous étions éloignés de lui : elle nous a rendus proches ; elle a détruit toute inimitié, elle nous a procuré la paix, elle est devenue pour nous un trésor de biens innombrables. Grâce à la croix, nous n’errons plus dans la solitude, car nous connaissons le Chemin véritable ; grâce à la croix, nous ne sommes plus hors de la demeure, car nous avons trouvé la Porte ; grâce à la croix, nous ne craignons plus les traits enflammés de l’ennemi, car nous avons trouvé la source ; grâce à la croix, l’Eglise n’est plus dans la tristesse du veuvage, car elle a reçu l’Epoux ; grâce à la croix, nous ne craignons plus le loup ravisseur, car le Bon Pasteur est parmi nous : "Je suis, dit le Seigneur, le Bon Pasteur."
Voilà pourquoi nous sommes en fête, voilà pourquoi nous célébrons la mémoire de la croix. C’est Paul qui nous ordonne de célébrer dignement la croix : "Célébrons cette fête, non avec du vieux levain, mais avec des azymes de sincérité et de vérité." Ensuite, il en donne le motif : "Le Christ, notre Pâque, a été immolé." Et où s’est donc accomplie cette immolation ? sur un gibet. L’autel du sacrifice est nouveau, car le sacrifice lui-même est nouveau et paradoxal : la victime et le prêtre sont une seule et même personne. Le Christ offre et il est offert. Ecoutez l’explication qu’en donne l’Apôtre : "Tout prêtre pris parmi les hommes est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leur relation avec Dieu, afin d’offrir dons et sacrifices pour leurs péchés." C’est pourquoi, il s’offre lui-même. L’Apôtre dit encore : "Le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés d’un grand nombre, apparaîtra une seconde fois à ceux qui l’attendent, pour leur donner le salut." Ainsi, c’est bien lui-même qu’il a offert et c’est lui qui offrait. Tu vois comment il était à la fois prêtre et victime et comment l’autel du sacrifice était la croix.
(Homélie I sur la Croix et le Bon larron, cité in Bouchet, J.R. , 1974 : Lectionnaire pour les dimanches et fêtes, Cerf, pp. 160-162).

"Dans la parabole du semeur, le Christ nous montre que sa parole s’adresse à tous indistinctement. De même, en effet, que le semeur ne fait aucune distinction entre les terrains, mais sème à tous vents, ainsi le Seigneur ne distingue pas entre le riche et le pauvre, le sage et le sot, le négligent et l’appliqué, le courageux et le lâche, mais il s’adresse à tous.
- Mais, diras-tu, à quoi bon répandre le grain dans les épines, sur la pierre ou sur le chemin ? – S’il s’agissait d’une semence et d’une terre matérielle, cela n’aurait pas de sens ; mais lorsqu’il s’agit des âmes et de la doctrine, la chose est tout à fait digne d’éloges. On reprocherait avec raison à un cultivateur d’agir ainsi, la pierre ne saurait devenir de la terre, le chemin ne peut pas ne pas être un chemin et les épines ne pas être des épines. Mais dans le domaine spirituel il n’en va pas de même, la pierre peut devenir une terre fertile, le chemin ne plus être foulé par les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre au grain de fructifier librement.
Le Seigneur ne veut pas nous jeter dans le désespoir, mais nous donner une espérance de conversion et nous montrer qu’il est possible de passer des états précédents à celui de la bonne terre."
(Jean Chrysostome : Homélie 44 sur saint Matthieu, 3-4 (PG 57, 467-469, trad. Orval in Magnificat n° 238, septembre 2012, pp. 297-298)

Jésus est tenté "...après la descente du Saint-Esprit sur Jésus, après que cette voix divine se fut fait entendre du ciel : C'est là mon fils bien-aimé dans lequel j'ai mis toute mon affection..Qui n'admirera, mes frères, que l'Esprit de Dieu ait conduit Jésus-Christ dans le désert, afin d'y être tenté par le démon ? Car c'est le Saint-Esprit lui-même qui l'y a conduit. Comme Jésus-Christ était venu au monde pour nous servir de modèle, et avait résolu pour cela de tout faire et de tout souffrir, il veut bien se laisser aussi conduire dans le désert, et lutter contre le démon ; afin que les nouveaux baptisés se voyant pressés de quelques grandes tentations après le baptême, n'entrent point dans le trouble et le découragement, comme s'il leur était arrivé quelque chose contre leur attente, mais qu'ils souffrent cette épreuve avec constance, comme une suite nécessaire de la profession qu'ils ont embrassée."
(Jean Chrysostome : Commentaire sur Matthieu, 13, 1).

"Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, dit Jésus, je suis au milieu d'eux (Mt 18, 20). C'est, en effet, le propre d'une grande et forte amitié que de maintenir dans l'unité ceux qui s'aiment. Y a-t-il des gens assez misérables, direz-vous, pour ne pas désirer avoir le Christ au milieu d'eux ? Oui, nous-mêmes, nous qui sommes en lutte les uns contre les autres. On me répliquera peut-être en se moquant : Que dis-tu là ? Ne vois-tu pas que nous sommes tous dans les mêmes murs, dans l'enceinte de la même église, unanimes dans la même bergerie, sans la moindre dissenssion, criant à l'unisson sous la conduite d'un même pasteur, écoutant ensemble ce qui est dit, et priant en commun ? Et tu parles de luttes et de discordes !
Oui, je parle de luttes et je ne suis pas fou ni égaré. Je vois ce que je vois et je sais que nous sommes dans le même bercail et sous le même pasteur. Et j'estime d'autant plus déplorable que, malgré tous ces signes de rassemblement, nous soyons divisés. Mais, direz-vous, quelle division vois-tu parmi nous ? Ici, aucune, mais dès que votre assemblée a pris fin, celui-ci critique celui-là, l'un injurie publiquement l'autre, tel est dévoré par l'envie, l'avarice ou la cupidité ; tel autre se livre à la violence, tel autre à la sensualité, à la fourberie ou à la fraude. Si nos âmes pouvaient être mises à nu, vous constateriez alors l'exactitude de tout cela, et vous reconnaîtriez que je ne suis pas fou.
. Si ton prochain t'a injurié, prie Dieu de lui faire miséricorde. C'est ton frère, un de tes membres ; il est appelé à la même table que toi."
(Homélie 8 sur l'Epître aux Romains, 7-8).

"Ne considère pas indigne de toi, parce que tu es un homme, d'être enseigné par une femme. Puisque l'homme et la femme ne sont pas différents en leur âme, mais en leur corps, et que le combat contre le diable se fait au moyen de la raison et de la pensée, et non avec le corps, c'est à bon droit que la femme doit avoir confiance.
Dans les Ecritures, as-tu vu Eli ? As-tu vu Anne (1 R 1-4) ? La nature ne fut d'aucune utilité au premier, elle n'empêcha pas la seconde de mener en cadence l'éducation de ses enfants ; au contraire, Anne acquit plus de renommée qu'Eli.
Ecoute aussi Paul, qui dit : La femme victime de la tromperie (cf; Gn 3, 6) fut dans la transgression, mais elle sera sauvée par l'enfantement, à condition que ses enfants persévèrent avec tempérance dans la foi, l'amour et la sainteté (1 Tm 2, 14-15). Donner naissance est à la fois un avantage et un désavantage de la nature, mais façonner quant à l'âme ceux qui sont nés dépend de la sollicitude de la mère qui donne le jour. Songe comme c'est important : alors que Dieu a mis sous ta responsabilité ceux qui sont nés, au point d'ajouter ce commandement aussitôt après celui qui le concerne lui-même (cf. Dt 6, 5-7), toi tu es nonchalant au point de voir avec indifférence mourir ceux que tu as reçus sous ton autorité ! Cette parole concerne donc non seulement les enfants, mais aussi ceux qui leur donnent naissance, afin qu'ils se rendent eux-mêmes dignes d'enseigner."
(Jean Chrysostome : Commentaire sur les proverbes, extrait traduit par Guillaume Bady pour Magnificat n° 241, décembre 2012).

"Différents sont les dons, mais, à l'évidence, cela même est un don. Tel don s'harmonise avec le caractère de certains hommes, tel autre avec d'autres, et, si les dons étaient échangés, ils deviendraient dès lors inutiles. Même s'il semble y avoir une grave dissension, tout fait partie d'un grand dessein ; cela arrive pour que chacun ait la place qui lui convient." (34e Homélie sur les Actes des Apôtres, 1).

"[le Christ dans le Notre Père] a invité à prier non pour les richesses, ni pour les délices, ni pour la somptuosité des vêtements, ni pour aucun autre des biens de cet ordre, mais seulement pour le pain, et pour le pain quotidien, de manière à ce que l’on ne se préoccupe pas du lendemain. C’est pourquoi il a ajouté "le pain de ce jour", c’est-à-dire le [pain] quotidien. Et il ne s’est même pas contenté de ce mot : il en a ajouté encore un autre ensuite, quand il a dit : "Donne-nous aujourd’hui", de sorte que l’on ne se ronge pas par le souci de [ce qui adviendra] au-delà de ce jour. Pourquoi en effet supportes-tu de t’en préoccuper, sans savoir si tu verras l’intervalle de temps qui t’en sépare ? Il l’a ordonné encore plus loin plus explicitement, quand il dit : "Ne vous préoccupez pas du lendemain". Ce qu’il veut, c’est de toute manière, nous soyons les reins bien ceints et pourvus d’ailes, concédant à la nature seulement ce que la nécessité du besoin exige de nous." (Commentaire sur Matthieu, 19, 5).

"Voyez les animaux en hiver. Ils vont s’abriter dans les trous des rochers. Puis quand ils voient l’été apparaître, ils abandonnent leur tanière, vivent à nouveau en troupeau avec les autres animaux et bondissent de joie en même temps que nous. Ainsi mon âme, qui s’est cachée dans la conscience de sa faiblesse comme dans une tanière, quand elle voit le désir de votre amour, abandonne sa tanière et vit en communion avec vous ; elle bondit de joie en même temps que vous dans les Ecritures comme dans une danse, dans le pré spirituel et divin, dans le paradis de l’Ecriture." (Jean Chrysostome : 3e homélie sur l’inscription des Actes des apôtres. Sur l’utilité de la lecture des Ecritures, 1).

"Fais-toi des amis plutôt que des serviteurs ou que toute autre chose. Celui qui fait la paix est un fils de Dieu [cf. Mt 5, 9] ; combien plus si l’on fait des amis ! Celui qui ne fait que réconcilier est appelé fils de Dieu ; mais celui qui rend amis ceux qui se sont réconciliés, comment ne méritera-t-il pas qu’on l’appelle !
Faisons donc cette affaire : faisons-nous des amis de nos ennemis, et ceux qui ne sont ni nos ennemis ni nos amis, rassemblons-les eux aussi. Et avant tout réconcilions-nous avec nous-mêmes..." (Jean Chrysostome : Homélie 37 sur les Actes des Apôtres, 3).

"Que tout homme pieux et aimant Dieu participe à la joie de cette belle et lumineuse solennité. Que tout serviteur fidèle entre joyeux dans la joie de son maître. Que celui qui s'est donné la peine de jeûner reçoive maintenant le denier qui lui revient.
Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive à présent son juste salaire.
Si quelqu'un est venu après la troisième heure, qu'il célèbre cette fête dans la reconnaissance. Si quelqu'un a tardé jusqu'à la sixième, qu'il n'ait aucune hésitation, car il ne perdra rien. S'il en est un qui a remis jusqu'à la neuvième, qu'il s'approche sans hésitation. Et s'il en est un qui a traîné même jusqu'à la onzième, qu'il ne craigne pas, car le Seigneur est généreux, et il reçoit le dernier aussi bien que le premier et les premiers et les seconds, vous recevrez la même récompense". (Prière des Eglises de rite bizantin, t. II, Editions de Chevetogne, p. 271)

"Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse solennité [la fête de Pâques] ! Que tout serviteur fidèle entre avec allégresse dans la joie de son Seigneur ! (Mt 25,21) Celui qui a porté le poids du jeûne, qu'il vienne maintenant toucher son denier. Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu'il reçoive aujourd'hui le juste salaire. Celui qui est venu après la troisième heure, qu'il célèbre cette fête dans l'action de grâces. Celui qui est arrivé après la sixième heure, qu'il n'ait aucune doute, il ne sera pas lésé. Si quelqu'un a tardé jusqu'à la neuvième heure, qu'il approche sans hésiter. S'il en est un qui a traîné jusqu'à la onzième heure, qu'il n'ait pas honte de sa tiédeur, car le Maître est généreux, il reçoit le dernier comme le premier ; il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui de la première ; il fait miséricorde à celui-là, et comble celui-ci. Il donne à l'un, il fait grâce à l'autre. (Mt 20,1-16) Il accueille les pauvres et reçoit avec tendresse la bonne volonté ; il honore l'action et loue le bon propos." (Homélie pour le saint et grand jour de la Pâque)

"... l'ignorance des Ecritures est la source de maux innombrables. De là l'affreuse peste des hérésies, de là le relâchement de la conduite, de là les travaux stériles. Car de même que des aveugles ne sauraient marcher droit, ainsi ceux qui ne jouissent pas de la lumière des divines Ecritures, sont condamnés à pécher et à s'égarer souvent, puisqu'ils marchent au milieu des plus épaisses ténèbres. Pour éviter ce malheur, ouvrons les yeux à l'éclat des paroles de l'Apôtre ; car la langue de Paul surpasse le soleil en splendeur, et son enseignement brille par dessus tous les autres. Parce qu'il a plus travaillé que les autres, il s'est attiré de grandes grâces du Saint-Esprit, et je le prouverais, non seulement par ses épîtres, mais encore par ses actes..." (Commentaire sur l'épître de St Paul aux Romains)

"La prière faite avec ardeur et dans la détresse, voilà la prière qui monte jusqu'au ciel. Et pour que tu saches bien que les prières ont plus de chances d'être exaucées lorsqu'elles sont proférées dans l'angoisse, écoute de que dit l'écrivain sacré : J'ai crié vers le Seigneur dans mon angoisse et il m'a exaucé (Ps 117, 5).
[...] Tu manques d'assurance ? C'est au contraire une grande sécurité et un grand avantage de croire que l'on manque de motif d'assurance, comme c'est une honte et une condamnation de croire que l'on a toute raison d'être sûr de soi.
[...]Quand bien même tu aurais accompli beaucoup de bonnes actions, et même si ta conscience ne te reproche rien, si tu crois avoir toute raion d'être sûr de toi, tu perds tout bénéfice de ta prière. Par contre, même si ta conscience est chargée du fardeau de millions de péchés, pour peu que tu sois convaincu d'être le dernier des hommes, tu pourras t'adresser à Dieu en toute assurance. (Sur l'incompréhensibilité de Dieu, Homélie V)

"Car quiconque a déjà, on lui donnera, et il sera comblé de biens; mais pour celui qui n'a point, on lui ôtera même ce qu'il a (Mt 13, 12). Cette parole, quoiqu'extrêmement obscure, fait voir néanmoins qu'il y a en Dieu une justice ineffable. Il semble que Jésus-Christ dise :
Si quelqu'un a de l'ardeur et du désir, Dieu lui donnera toutes choses. Mais s'il est froid et sans vigueur, et qu'il ne contribue point de son côté, Dieu non plus ne lui donnera rien :
On lui ôtera même, dit Jésus-Christ, ce qu'il croit avoir ; non que Dieu le lui ôte en effet, mais c'est qu'il le juge indigne de ses grâces et de ses faveurs.
Nous agissons nous-mêmes tous les jours de cette façon. Lorsque nous remarquons que quelqu'un nous écoute froidement, et qu'après l'avoir conjuré de s'appliquer à ce que nous lui disons, nous ne gagnons rien sur son esprit, nous nous taisons alors ; parce qu'en continuant de lui parler, nous attirerions sur sa négligence une condamnation encore plus sévère. Lorsqu'au contraire nous voyons un homme qui nous écoute avec ardeur, nous l'encourageons encore davantage, et nous répandons avec joie dans son âme les vérités saintes." (Chrysostome Sermon 45 sur Mt, 1)

"Apprenons à vivre selon la sagesse et à honorer le Christ comme il le veut lui-même. Car l'hommage qui lui est le plus agréable est celui qu'il demande, non celui que nous-mêmes choisissons. Lorsque Pierre croyait l'honorer en l'empêchant de lui laver les pieds, ce n'était pas de l'honneur, mais tout le contraire. Toi aussi, honore-le de la manière prescrite par lui en donnant ta richesse aux pauvres. Car Dieu n'a pas besoin de vases d'or mais d'âmes qui soient en or." (Sermon sur l'Evangile de Matthieu, 50, 3)

"L'homme, en effet est la première et la plus honorable de toutes les créatures ; et de tous ses membres, l'œil est le plus digne d'honneur, car c'est lui qui gouverne le corps, lui qui est le plus bel ornement du visage ; ce qu'est le soleil dans l'univers, l'œil l'est dans le corps de l'homme, c'est pour cela qu'il occupe la partie la plus élevée et qu'il y est placé comme sur son trône » (Homélie 56)

"Qu'y a-t-il d'étonnant que le soleil de justice, sur le point de se lever, ait voulu être annoncé par une étoile miraculeuse ? Elle s'arrêta au-dessus de la tête de l'enfant comme pour dire: "C'est lui". Elle le désignait en s'arrêtant au-dessus de lui, parce qu'elle ne pou vait le faire en parlant." (Commentaire sur St Matthieu)

"C'est quand le Christ les eut purifiés par son sacrifice que l'Esprit Saint descendit en eux. Pourquoi n'est-il pas venu pendant que Jésus était avec eux ? Parce que le sacrifice n'avait pas été offert. C'est seulement lorsque le péché eut été enlevé et que les disciples furent envoyés affronter les périls du combat, qu'il leur fallut un entraîneur. Mais alors, pourquoi l'Esprit n'est-il pas venu aussitôt après la résurrection ? Afin qu'ayant un plus vif désir de le recevoir, ils l'accueillent avec une plus grande reconnaissance. Tandis que le Christ était avec eux, ils n'étaient pas affligés; lorsqu'il fut parti, leur solitude les plongea dans une crainte profonde ; ils allaient donc accueillir l'Esprit avec beaucoup d'ardeur." (Homélie 75, 1; PG 59, 403-405)

"Tant que nous demeurons des brebis, nous sommes vainqueurs ; serions-nous entourés par des milliers de loups, nous sommes sauvés et nous l'emportons. Mais si nous devenons des loups, nous sommes dominés, parce que le secours du berger nous abandonne. Car il n'est pas le berger des loups, mais des brebis. Il s'éloigne, il quitte la place, parce que tu ne lui permets pas de montrer sa puissance." (Homélie sur l'Evangile de Matthieu, 33, 1)

"...l'homme surpasse en dignité toutes les créatures, pourquoi a-t-il été créé le dernier ? Certes, c'est avec raison. Car, lorsqu'un roi doit entrer dans une ville, il y envoie d'abord ses gardes et ses officiers, afin qu'ils disposent le palais pour son arrivée. Et de même, le Seigneur, qui devait établir l'homme roi et souverain de l'univers, voulut d'abord l'orner et l'embellir, et puis il créa l'homme auquel il a donné l'empire du monde. C'est ainsi qu'il montre combien il honore l'homme." (Sur la Genèse, 802).

"Personne n'était plus ignorant que Pierre, ni plus expérimenté que Paul. C'est lui-même qui l'avoue, et sans rougir : "A la vérité, je suis inhabile pour là parole, mais non pour la science". (II Cor. XI, 6.) Et pourtant cet ignorant et cet inhabile ont vaincu des milliers de philosophes, ont fermé la bouche à une foule de rhéteurs, uniquement. en vertu de leur zèle et de la grâce de Dieu. Quelle excuse aurons-nous donc, nous qui ne pouvons pas même suffire à vingt personnes, qui ne sommes pas même utiles aux membres de notre famille ? Ce sont là d'inutiles objections et de vains prétextes : ce n'est pas le défaut de science ou d'habileté qui empêché d'instruire, mais la paresse et le sommeil de l'indifférence." (Prologue pour les homélies sur l'Epitre aux Romains, 2, cf. textes des Pères de l'Eglise sur Jesusmarie.com)

"Voici la raison pour laquelle la récitation des psaumes est accompagnée de chants : Dieu, voyant l'indifférence d'un grand nombre d'hommes qui n'ont aucun goût pour la lecture des choses spirituelles, et ne peuvent supporter le travail sérieux d'esprit qu'elles demandent, a voulu leur rendre ce travail plus agréable, et leur ôter même le sentiment de la peine. Il a donc uni à des chants les vérités divines, afin de nous inspirer, par le rythme et le charme des mélodies, un goût plus vif pour ces hymnes sacrées. Rien, en effet, n'élève plus notre âme, ne lui donne pour ainsi des ailes, ne la soulève au-dessus de la terre, ne l'affranchit des liens du corps, ne lui donne un amour plus ardent pour la vraie sagesse, et ne lui inspire plus de mépris pour toutes les choses de la terre, qu'une douce harmonie et le chant mesuré et cadencé des saints cantiques. Ces chants ont tant de charme pour notre nature, qu'ils sèchent les larmes, apaisent le chagrin des enfants encore à la mamelle et les endorment sur le sein de leurs mères…" (Commentaire sur le Psaume 41, 1).

"De même que les cordes d'une lyre, quel qu'en soit le nombre, exhalent les plus mélodieux accents lorsqu'une main savante en harmonise les sons; de même les âmes qu'unit l'harmonie des sentiments exhalent les suaves accents de l'amour." (Homélie sur l'amour parfait, sur la juste rétribution du mérite et sur la componction)

"Voici les sentiments qu'on doit avoir en recevant les étrangers : l'empressement, la joie, la générosité. L'étranger est toujours timide et honteux. Si son hôte ne le reçoit pas avec joie, il se retire en se sentant méprisé, car il est pire d'être reçu de la sorte que de ne pas être reçu du tout." (Homélie sur les Actes des Apôtres, 45).

"Vois d'où [le sang du Christ] a commencé à couler et d'où il a pris sa source : il descend de la croix, du côté du Seigneur. Comme Jésus déjà mort, dit l'Evangile, était encore sur la croix, le soldat s'approcha, lui ouvrit le côté d'un coup de sa lance et il en jaillit de l'eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême, et le sang celui des mystères. [...] C'est donc le soldat qui lui ouvrit le côté ; il a percé la muraille du temple saint ; et moi, j'ai trouvé ce trésor et j'en ai fait ma richesse. Ainsi en a-t-il été de l'Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j'ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice.
Et il jaillit de son côté de l'eau et du sang. Ne passe pas avec indifférence, mon bien-aimé, auprès du mystère. Car j'ai encore une autre interprétation mystique à te donner. J'ai dit que cette eau et ce sang étaient le symbole du baptême et des mystères. Or, l'Eglise est née de ces deux sacrements : par ce bain de la renaissance et de la rénovation dans l'Esprit, par le baptême donc, et par les mystères. Or, les signes du baptême et des mystères sont issus du côté. Par conséquent le Christ a formé l'Eglise à partir de son côté, comme il a formé Eve à partir du côté d'Adam." (Catéchèse baptismale, 3, 13-19, Sources Chrétiennes, vol. 50, pp. 174-177)

"N'insulte pas Dieu. Si tu dis que le soleil ne peut pas briller, tu insultes Dieu. Si tu dis que le chrétien ne peut pas être utile, tu insultes Dieu, tu en fais un menteur. Il est plus facile pour le soleil de ne pas dégager de chaleur ou de lumière, il serait plus facile à la lumière d'être identique aux ténèbres que pour le chrétien de ne pas briller." (St Jean Chrysostome, Hom. sur les Actes des Apôtres, 20, 4)

"Nous venons d'indiquer cinq chemins de la conversion : d'abord la condamnation de nos péchés, puis le pardon accordé aux offenses du prochain ; le troisième consiste dans la prière ; le quatrième dans l'aumône ; le cinquième dans l'humilité.
Ne reste donc pas inactif, mais chaque jour emprunte tous ces chemins ; ce sont des chemins faciles et tu ne peux pas prétexter ta misère. Car, même si tu vis dans la plus grande pauvreté, tu peux abandonner ta colère, pratiquer l'humilité, prier assidûment et condamner tes péchés. Ta pauvreté ne s'y oppose nullement. Mais qu'est-ce que je dis là ? alors que, sur ce chemin de la converion où il s'agit de donner ses richesses (c'est de l'aumône que je veux parler), même la pauvreté ne nous empêche pas d'accomplir le commandement. nous le voyons chez la veuve qui donnait ses deux piécettes..." (Homélie sur le diable tentateur, 2).

"Les vagues sont violentes, la houle est terrible, mais nous ne craignons pas d'être engloutis par la mer, car nous sommes debout sur le roc." (Homélies, Avant l'exil, 1)

"Vous êtes le sel de la terre. Qu'est-ce que cela veut dire ? Ont-ils remis en bon état ce qui était pourri ? Pas du tout. Il n'est pas possible d'améliorer ce qui est déjà corrompu, en y mettant du sel. Ils n'ont pas fait cela. Mais on avait préalablement rénové ce qu'on leur avait confié, après l'avoir délivré de son infection. C'est alors que les disciples salaient cette pâte afin de la garder dans la nouveauté donnée par leur Maître. Car délivrer de la pourriture du péché, ce fut l'action bienfaisante du Christ ; mais ne plus y laisser revenir, c'était la tâche à laquelle les disciples devaient donner leurs soins et leurs efforts." (Homélie sur l'Evangile de Matthieu, 15,6.7)

Jean Climaque (VIIe siècle)

"Si tu veux soigner quelqu'un qui a une écharde, ou plutôt si tu prétends le faire, n'emploie pas pour l'extraire un bâton au lieu d'un bistouri : tu ne réussirais qu'à l'enfoncer davantage. Le bâton, ce sont des paroles dures et des gestes violents. Et le bistouri, c'est un enseignement paisible et une correction patiente. Dénonce le mal, fais des reproches, corriges, encourage dit l'Apôtre (2 Tm 4, 2), mais il n'a pas dit "Frappe !".
[...] J'ai vu un jour trois moines recevoir en même temps la même humiliation. Le premier fut piqué au vif et troublé, mais se tut ; le second se réjouit en ce qui le concernait, mais s'affligea pour celui qui l'avait outragé ; quant au troisième, ne pensant qu'au dommage de son prochain, il pleura avec une profonde compassion. Ainsi pouvait-on voir des travailleurs animés l'un par la crainte, un autre par l'espoir de la récompense, un autre encore par l'amour."
(L'échelle sainte VIII, 27.34, Bellefontaine, "Spiritualité orientale" n° 24, 1987, p. 130, 132).

"Ne perds pas de vue ceci, et tu veilleras très soigneusement à ne pas juger un pécheur. Judas était du nombre des Apôtres, et le larron du nombre des assassins. Mais quel changement étonnant en un instant !
J'ai connu un homme qui avait péché à la vue de tous, mais s'en était repenti en secret. Et celui que je condamnais comme luxurieux était chaste aux yeux de Dieu, car il l'avait apaisé par une conversion véritable.
Le feu est contraire à l'eau ; de même juger les autres est étranger à celui qui veut faire pénitence.
Quand tu verras quelqu'un commettre le péché à l'instant de sa mort, même alors ne le juge pas, car le jugement de Dieu est impénétrable pour l'homme."
(L'échelle sainte 10, 5.7.9-10, "Spiritualité orientale" 24, Bellefontaine, 1987, p. 221 sq.)

Jean d'Apamée (Ve siècle)

"Le Christ se révèle à tous les ordres selon leurs capacités, il se penche sur chacun pour l'élever. Il s'est manifesté comme un médecin, il a été comme un frère, il a servi comme un esclave, parlé comme un maître, écouté comme un disciple, lutté comme un héros, succombé comme un vaincu. Il a été vendu comme un esclave, il a été libéré comme un seigneur, il a admonesté comme un juge, il a été jugé comme un coupable. Il a supplié avec ceux qui prient, exauçant les demandes avec le Père, envoyé avec les envoyés, agneau offert avec les pécheurs, avec les prêtres Grand Prêtre qui pardonne, avec les morts mis à mort, avec Dieu ressuscitant les morts, avec les persécutés persécuté, avec Dieu vengeur des persécutés, avec les outragés outragé.
Il va dans tous les genres de vie pour sauver chacun. Il brille dans toutes les beautés pour séduire tout homme, il parle dans toutes les promesses pour consoler tous les hommes, il sert dans toutes les circonstances pour sauver toutes les conditions de vie, il est en communion avec chacun pour faire participer chacun à son repos."
(Jean d'Apamée : 3e Traité, 138-139, SC n° 311, pp.168-169).

Jean Damascène

"Si nous fabriquions une image du Dieu invisible, sans nul doute commettrions-nous une faute, car il est impossible de représenter en image ce qui est incorporel, sans forme, invisible et qui n'est pas circonscrit ; ou bien encore si nous fabriquions des images d'hommes, et si nous pensions que ce sont des dieux et les adorions comme tels, sans nul doute serions-nous impies. Mais nous ne faisons rien de tout cela. C'est du Dieu fait chair qui a été vu sur la terre en sa chair et qui a vécu parmi les hommes dans son indicible bonté, qui a pris la nature, l'épaisseur, la forme et la couleur de la chair, c'est de lui que nous fabriquons une image. En faisant cela, nous ne nous trompons pas, car nous désirons ardemment voir son empreinte. Comme le dit en effet le divin Apôtre : Nous ne voyosn maintenant que comme en un miroir et en énigme (1 Co 13, 12). Et l'image est bien un miroir et une énigme qui s'accorde à l'épaisseur de notre corps ; car même en souffrant beaucoup, notre esprit ne peut parvenir à dépasser les choses corporelles."
(Discours sur les images, II, 4-5 et III, 2 in "Les Pères dans la foi", n° 57, Migne, 1994, pp. 33-34).

"La plus précieuse des créatures de Dieu, celle qui est à l'immage et à la ressemblance (Gn 1, 26), c'est le vivant, doué d'intelligence et de raison, l'homme, le seul entre toutes les créatures qui soit à l'image et à la ressemblance de Dieu. Tout homme est dit à l'image, selon la dignité de l'intelligence et celle de l'âme, c'est-à-dire l'incompréhensible, l'invisible, l'immortel, le libre arbitre, mais aussi ce qui est originel, ce qui enfante, ce qui édifie. Et il est dit à la ressemblance, selon la raison de la vertu et selon ces actes qui portent le nom de Dieu et qui imitent Dieu, c'est-à-dire selon notre comportemenmt bienveillant envers notre semblable : avoir compassion et pitié de notre compagnon de service, l'aimer, faire preuve envers lui de toute miséricorde et de toute charité. Soyez miséricordieux, dit en effet le Christ notre Dieu, comme votre Père céleste est miséricordieux< (Lc 6, 36).
Tout homme porte en lui la création à l'image, car les dons de Dieu sont irrévocables (Rm 11, 29). Mais la création à la ressemblance, rares sont ceux qui la portent : seuls la portent les vertueux, les saints, ceux qui imitent la bonté de Dieu, autant qu'il est possible aux hommes. Nous aussi, puissions-nous être dignes de son amour pour l'homme, qui dépasse toute bonté, en lui plaisant par toute oeuvre bonne, et en devenant les imitateurs de ceux qui ont plu au Christ depuis l'origine des siècles. Car à lui est la pitié, et à lui reviennent toute gloire, honneur et adoration !"
(Discours utile à l'âme I, 1, 5-6 in Philocalie des Pères neptiques, I, Desclée de Brouwer - C. Lattès, 1995, pp. 598-599.)

"Si tu as compris que l'Incorporel s'est fait homme pour toi, alors c'est évident, tu peux exécuter son image humaine. Puisque l'Invisible est devenu visible en prenant chair, tu peux exécuter l'image de celui qu'on a vu.
Puisque celui qui n'a ni corps, ni forme, ni quantité, ni qualité, qui dépasse toute grandeur par l'excellence de sa nature, lui qui, de nature divine, a pris la condition d'esclave, s'est réduit à la quantité et à la qualité et s'est revêtu des traits humains, grave donc sur le bois et présente à la contemplation celui qui a voulu devenir visible." (Sur les images, I, 8, in M. Quenot, L'icône, p. 57).

Jean de la Croix

"Faisons en sorte que, par l'exercice de l'amour, nous en arrivions à nous voir dans ta beauté, au sein de l'éternelle vie. Ou en d'autres termes, que je sois tellement transformé en ta beauté, que je te devienne semblable, en sorte que, nous contemplant l'un l'autre, chacun de nous voie dans l'autre sa propre beauté, qui ne sera que ta seule beauté, mon Bien-Aimé [...]
Telle est l'adoption des enfants de Dieu, de ceux qui adresseront à Dieu avec vérité ces paroles que le Fils lui-même disait à son Père éternel et que saint Jean nous a rapportées : Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi (Jn 17, 10). A lui par essence et en tant que Fils de Dieu par nature, à nous par participation et en qualité de fils adoptifs..."
(Cantique spirituel B, strophe 36).

"Une fois que l’âme est unie à Dieu, transformée en lui, elle aspire Dieu en Dieu, et cette aspiration est celle même de Dieu, car l’âme étant transformée en lui, il l’aspire elle-même en lui. C’est là, je pense, ce que saint Paul a voulu dire par ces mots : Voici la preuve que vous êtes des fils : envoyé par Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant : Abba ! [voir Rom. 8, 15 ; Ga 4, 6]. Voilà ce qui a lieu chez les parfaits. Ne nous étonnons pas toutefois de savoir l’âme capable de parvenir à une telle élévation. Dès lors en effet que Dieu lui donne la grâce de devenir déiforme et unie à la Très Sainte Trinité, elle devient Dieu par participation ; comment serait-il incroyable qu’elle exerce ses œuvres d’entendement, de connaissance et d’amour dans la Sainte Trinité, avec elle, comme elle, quoique d’une manière participée, Dieu les opérant en elle ? Puisqu’il en est ainsi, il est impossible d’atteindre une plus haute sagesse, une plus haute puissance ; on peut seulement donner à entendre comment le Fils de Dieu nous a obtenu d’arriver à un état si sublime et nous a mérité cette faveur si précieuse, comme dit saint Jean, de pouvoir être les enfants de Dieu. Aussi, dit encore saint Jean, il a adressé à son Père cette supplique : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée. [Jn 17, 24]. Cela veut dire : Qu’ils accomplissent par leur participation en nous la même œuvre que j’accomplis par nature, c’est-à-dire qu’ils aspirent le Saint-Esprit.
[…] …l’âme participe à la nature de Dieu, en accomplissant en lui et avec lui l’œuvre de la Très Sainte Trinité, de la manière dont nous avons parlé, à cause de l’union substantielle qu’il y a entre l’âme et Dieu. Ces merveilles, sans doute, ne s’accomplissent d’une manière parfaite que dans l’autre vie. Néanmoins quand l’âme arrive ici-bas à cet état de perfection, elle en voit les grands traits, elle en goûte les prémices…"
(Cantique spirituel, 38).

"Entrez en compte avec votre propre raison, afin d'accomplir ce qu'elle vous dicte dans la voie de Dieu ; ce qui vous profitera beaucoup plus devant Dieu que toutes les oeuvres que vous faites sans cette réflexion, et plus que toutes les saveurs spirituelles que vous recherchez."
(Les Maximes, 62)

"Puisque Dieu est inaccessible, veillez à ne vous reposer en aucune des choses que vos puissances peuvent comprendre et que vos sens peuvent sentir, de peur que vous ne vous contentiez de ce qui est moins que Dieu et que votre âme ne perde la légèreté qui est requise pour aller vers lui."
(Les Maximes, 74)

"Malgré tous les mystères et toutes les merveilles que les saints docteurs ont découverts ou que les saintes âmes ont pu contempler ici-bas, la plus grande partie en reste encore à dire et même à concevoir. Ce qui est dans le Christ est inépuisable ! C'est comme une mine abondante remplie d'une infinité de filons avec des richesses sans nombre ; on a beau y puiser, on n'en voit jamais le terme ; bien plus, chaque repli renferme ici et là de nouveaux filons à richesses nouvelles ; ce qui faisait dire à saint Paul du Christ : Dans le Christ se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance de Dieu. Mais l'âme ne peut y pénétrer ni les atteindre, si, comme nous l'avons dit, elle ne passe pas d'abord et n'entre pas dans la profondeur des souffrances extérieures et intérieures ; il faut, de plus, qu'elle ait reçu de Dieu une foule de faveurs intellectuelles et sensibles, et qu'elle se soit exercée longtemps dans la spiritualité ; ces faveurs sont en effet d'un ordre inférieur : ce sont des dispositions pour arriver aux cavernes élevées de la connaissance des mystères du Christ, la plus haute sagesse à laquelle on puisse parvenir ici-bas." (Le Cantique spirituel, 36.35).

"Le Père n'a dit qu'une parole : ce fut son Fils. Et dans un silence éternel il la dit toujours : l'âme aussi doit l'écouter en silence." (Maxime n° 147)

Jean Scot Erigène (IXe siècle)

"Comme l'air illuminé par le soleil n'est rien d'autre, semble-t-il, que la lumière, non parce qu'il perdrait sa nature, mais parce que la lumière prévaut en lui au point qu'on estime qu'il est lui-même de la lumière, ainsi dit-on que la nature humaine unie à Dieu est Dieu en tout, non parce qu'elle cesse d'être nature, mais parce qu'elle reçoit une participation de la divinité telle que Dieu seul paraît être en elle.
Soit un autre exemple, celui du fer et du feu. Quand le fer fondu est réduit à l'état liquide dans le feu, rien pour les sens ne demeure de sa nature, semble-t-il, il est tout entier changé en la qualité de feu. Seule la raison sait qu'il conserve sa nature, même si elle est liquéfiée.
De même que l'air tout entier semble lumière, et le fer fondu tout entier comme du feu, bien plus, du feu, tandis que leurs substances demeurent, de même une intelligence normale doit admettre qu'après la fin de ce monde toute nature, corporelle ou incorporelle, semblera être Dieu seul, tandis que l'intégrité de sa nature demeurera, si bien que Dieu, qui est par lui-même incompréhensible, sera compréhensible d'une certaine manière dans la créature et que la créature elle-même, par un miracle au-delà de tout langage, sera transformée en Dieu."
(Periphuseon I, 404A-451B, in Histoire chrétienne de la littérature, Flammarion, 1996, pp. 273-274).

Justin de Rome (IIe siècle)

"Nous disons que le Christ est né il y a cent cinquante ans sous Quirinius et qu'ensuite il a enseigné sous Ponce Pilate la doctrine que nous lui prêtons. On objectera alors que les hommes qui ont vécu avant lui ne sont pas coupables. Nous nous hâtons de répondre à cette difficulté. Le Christ est le premier-né de Dieu, auquel tous les hommes participent, voilà ce que nous avons appris et ce que nous avons déclaré. Ceux qui ont vécu selon le Verbe sont chrétiens, eussent-ils passé pour athées, comme chez les Grecs. Socrate, Héraclite et leurs semblables et, chez les barbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misaël, Elie et tant d'autres dont il serait trop long de citer ici les actions et les noms. Et aussi, ceux qui ont vécu contrairement au Verbe ont été vicieux, ennemis du Christ, meurtriers des disciples du Verbe. Au contraire, ceux qui ont vécu ou qui vivent selon le Verbe sont chrétiens, sans crainte ni peur."
(Apologie pour les chrétiens I, 46, in Justin martyr. Oeuvres complètes, Bibliothèque Migne, Paris, 1994, p. 65.).

Léon le Grand

"Tout croyant de n'importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu'il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n'appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu fils de l'homme pour que nous puissions être fils de Dieu.
Car si lui-même, par son abaissement n'était pas descendu jusqu'à nous, personne n'aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu'à lui. [...]
Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l'enseigne saint Paul, nous n'avons pas reçu l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les dons de la grâce de Dieu. On ne peut l'honorer avec assez de piété qu'en lui offrant ce que lui-même nous a donné.
Or, dans les trésors de la générosité divine, que pouvons-nous trouver qui soit aussi bien accordé à la dignité de la fête présente, que cette paix proclamée par le cantique des anges lors de la nativité du Seigneur ?
Car c'est la paix qui engendre les fils de Dieu, qui favorise l'amour, qui enfante l'unité, qui est le repos des bienheureux, la demeure de l'éternité. Son ouvrage propre, son bienfait particulier, c'est d'unir à Dieu ceux qu'elle sépare du monde.[...]
La naissance du Seigneur Jésus, c'est la naissance de la paix. Comme le dit saint Paul, c'est lui, le Christ, qui est notre paix. Que nous soyons d'origine juive ou païenne, c'est par lui que nous pouvons approcher le Père dans un seul Esprit."
(Homélie pour Noël, 6, 2.3, 5 : extraits).

"Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.
Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi.
Mais il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Eglise, en faisant découvrir à tout le corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettaient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.
Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement : Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Et l'Apôtre saint Paul atteste lui aussi : J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous [Rom. 8, 18]. Et encore : Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est notre vie, alors, vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire [Col. 3, 3-4]. Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle.
En effet, MoÏse et Elie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription : Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins [cf. Dt 19, 15 et 2 Co 13, 1]."
(Homélie pour le 2e dimanche de Carême 51, 3-4, SC 74).

"Ô admirable puissance de la croix ! O gloire inexprimable de la Passion ! En elle apparaît en pleine lumière le jugement du monde et la victoire du Crucifié ! Oui, Seigneur, tu as tout attiré à toi ! Alors que tu avais tendu les mains tout le jour vers un peuple rebelle, le monde entier comprit qu'il devait rendre gloire à ta majesté. Tu as tout attiré à toi, Seigneur, puisque, le voile du Temple déchiré, le saint des saints devenu béant, la figure a fait place à la réalité, la prophétie à son accomplissement, la Loi à l'Evangile. Tu as tout attiré à toi, Seigneur, puisque la piété de toutes les nations célèbre partout, au vu et au su de tous, le mystère qui jusqu'alors était voilé sous des symboles dans un temple unique de Judée.
Ta croix, ô Christ, est la source de toutes les bénédictions, la cause de toute grâce. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris reçu la gloire, et de la mort la vie. Désormais, l'unique offrande de ton corps et de ton sang donne leur achèvement à tous les sacrifices, car tu es, ô Christ, le véritable Agneau de Dieu, toi qui enlèves le péché du monde. L'ensemble des mystères trouve en toi seul son sens plénier : au lieu d'une multitude de victimes, il n'y a plus qu'un unique sacrifice".
(Sermon pour la Passion 8, 8).

"C'est une grande chose d'avoir une foi correcte et une saine doctrine, et il est très louable de circoncire la gloutonnerie, de montrer une tendre bonté et une chasteté pure ; pourtant toutes les vertus sont comme nues sans l'amour et, dans une vie, si excellente soit-elle, on ne peut dire fécond ce que l'amour n'a pas enfanté." (Léon, le Grand : 10e Sermon sur le Carême, Sermon 35, 3).

"Ce ne sont pas seulement les évêques ou les prêtres ou les seuls ministres des sacrements, mais le corps entier de l'Eglise et l'universalité des fidèles qui doivent se purifier de toutes souillures, afin que le temple de Dieu, dont le fondement est son fondateur lui-même, soit beau dans toutes ses pierres et lumineux dans toutes ses parties.
Sans doute ne peut-on ni entreprendre, ni achever cette demeure sans que son auteur y concoure ; pourtant celui qui l'a édifiée lui a encore accordé de pouvoir rechercher son accroissement par son propre travail. C'est, en effet, d'un matériau vivant et raisonnable que l'on se sert pour la construction de ce temple, et c'est de l'Esprit de grâce qu'il est animé pour s'assembler volontairement en un seul tout ; matériau aimé, matériau recherché, pour qu'à son tour il cherche, celui qui ne cherchait pas, et qu'il aime, celui qui n'aimait pas, selon la parole du bienheureux Apôtre Jean : Quant à nous, aimons en retour, puisque Dieu nous a aimés le premier (1 Jn 4, 199)." (10e Sermon sur le Carême (Sermon XXXV, 1), SC 49, pp.74-76).

"... Si nous comprenons à la lumière de la foi et de la sagesse les débuts de notre création, nous découvrirons que l'homme a été fait à l'image de Dieu [Gn 1, 27] pour imiter son auteur et que notre dignité naturelle consiste en ce que la ressemblance de la bonté divine brille en nous comme en un miroir. Cette ressemblance, la grâce du Sauveur la restaure tous les jours en nous, car ce qui et tombé dans le premier Adam est relevé dans le second.
Or le motif de notre restauration n'est autre que la miséricorde de Dieu ; nous ne l'aimerions pas s'il ne nous avait aimés le premier [1 Jn 4, 19]. C'est pourquoi, en nous aimant, Dieu nous restaure à son image et, afin de trouver en nous la ressemblance de sa bonté, il nous donne le moyen de faire nous-mêmes ce qu'il fait ; il allume, en effet, le flambeau de nos intelligences et nous enflamme du feu de son amour, pour que nous l'aimions, et non seulement lui, mais aussi tout ce qu'il aime." (1er sermon sur le jeûne du 10e mois, 1, Sources chrétiennes n° 200, pp. 151-153).

"La terre qui est promise aux doux et qui sera donnée en propriété aux indulgents, c’est le corps des saints. À cause du mérite de leur humilité, il sera transformé par une merveilleuse résurrection et revêtira la gloire de l’immortalité. Désormais, il ne s’opposera plus en rien à l’esprit et il s’accordera avec la volonté de l’âme dans une parfaite unité. Alors, en effet, l’homme extérieur sera la possession paisible et inviolable de l’homme intérieur. Les doux posséderont la terre dans une paix perpétuelle, et jamais rien ne viendra diminuer leur droit de propriété, lorsque cet être corruptible aura revêtu l’incorrigibilité, et cet être mortel l’immortalité (1 Co 15,53). Ce qui était péril se changera en récompense, et ce qui était un poids deviendra une gloire." (Homélies sur les Béatitudes 95, 5-6)

"Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige." (Homélie pour le 2e dimanche de Carême, 51, 3).

"Ce que chaque chrétien doit faire en tout temps, mes bien-aimés, doit donc être recherché maintenant avec plus d'empressement et de générosité. C'est ainsi que nous accomplirons le jeûne de quarante jours institué par les Apôtres ; nous ne nous conteterons pas de réduire notre nourriture, mais nous nous abstiendrons absolument du péché." (Homélie de Carême, 6, 1 : SC 49, p. 56).

"La grâce de Dieu devient plus admirable lorsque les hommes ayant vu disparaître ce qui leur inspirait de l'adoration, leur foi n'a pas connu le doute, leur espérance n'a pas été ébranlée, leur charité ne s'est pas refroidie." (Homélie pour l'Ascension, 2, 1)

"C'est à juste titre que la béatitude de voir Dieu est promise à la pureté du coeur. En effet, un regard souillé ne pourra pas voir la splendeur de la vraie lumière ; et ce qui sera la joie des âmes limpides sera le châtiment des âmes boueuses. Il faut donc détourner ses yeux des vanités terrestres qui les obscurcissent et nettoyer notre oeil intérieur de toute souillure d'iniquité ; c'est ainsi qu'un regard paisible se rassasiera de l'incomparable vision de Dieu." (Sermon de Saint Léon le Grand sur les Béatitudes, 95, 8)

Macaire d'Egypte, abbé

"Ce qui importe par-dessus tout, c'est la constance dans la prière. Une seule chose est requise, que chacun possède dans son âme un trésor, et dans son intellect la vie, qui est le Seigneur, soit qu'il travaille, soit qu'il prie, soit qu'il lise, afin d'avoir la richesse impérissable, qui est l'Esprit Saint.
Certains disent : le Seigneur ne réclame des hommes que des fruits visibles ; pour ce qui est de l'intérieur, Dieu le redresse lui-même. Il n'en est pas ainsi, mais de même qu'il faut se tenir sur ses gardes en ce qui concerne l'homme extérieur, on doit aussi engager le combat et faire la guerre dans ses pensées.
Toutefois, pour ce qui est de déraciner le péché et le mal qui l'accompagne, seule la puissance divine peut y arriver. Car il est absolument impossible à l'homme de déraciner le péché par ses propres forces. Lutter, résister, donner des coups, cela te revient, mais Dieu seul peut déraciner. car si tu en étais capable, à quoi aurait servi l'avènement du Seigneur ? Pas plus que l'oeil ne peut voir sans lumière, qu'on ne peut parler sans langue, entendre sans oreilles, marcher sans pieds et travailler sans mains, on ne peut être sauvé ou entrer dans le royaume des Cieux sans Jésus."
(Homélie spirituelle 3, 3-4, "Spiritualité orientale" n° 40, Bellefontaine, 1984, pp. 103-104).

"Nous ne devons pas réduire notre prière à une pratique corporelle, que ce soit celle de crier, ou de garder le silence, ou de fléchir les genoux, mais prier avec sobriété, attentifs à notre pensée, en attendant que Dieu vienne et visite l'âme par toutes ses voies d'accès, tous ses sentiers et tous ses sens. Nous pourrons alors, selon ce qui conviendra, rester silencieux, élever la voix et même crier en priant, pourvu seulement que la pensée soit solidement fixée en Dieu. Quand le corps fait un travail il s'y adonne tout entier, ne s'occupe que de lui, et chacun de ses membres prête son concours aux autres.
Un homme d'affaires ne limite pas ses projets à un seul genre d'opérations, mais il s'active de tous les côtés pour accroître et multiplier son gain ; il passe d'un projet à l'autre, et de là court vers une nouvelle issue ; puis, toujours d'un bond, se précipite de ce qui ne rapporte pas vers ce qui est plus avantageux. C'est ainsi que nous devons nous aussi disposer notre âme, de façon variée et avec ingéniosité, pour obtenir le grand et véritable gain, Dieu, qui nous apprend à prier véritablement."
(Homélie spirituelle 33, 1-2 (Trad. P. Deseille, "Spirituatlité orientale" 40, Bellefontaine, 1984), pp. 295-296).

"Ceux qui s'approchent du Seigneur doivent s'adonner à la prière en grand repos, calmes et apaisés et non point par des cris inconvenants et confus. C'est le labeur de notre coeur, c'est la sobriété de nos pensées qui nous permettent d'approcher du Seigneur. Il ne convient pas à un serviteur de Dieu de s'établir dans l'agitation, mais dans une grande douceur et sagesse comme dit le Prophète : "Vers qui jetterai-je les yeux, c'est vers le doux et le paisible qui tremble à mes paroles." Aux temps de Moïse et d'Elie, nous trouvons que, dans leur rencontre avec Dieu, la manifestation du Seigneur était précédée du ministère des trompettes et des puissances, mais le Seigneur n'était point là et sa présence se manifestait dans le repos, la paix et la tranquillité du coeur. "Voici, dit l'Ecriture, la voix d'une brise légère, en elle était le Seigneur." (Homélies spirituelles, 6)

Maxime le Confesseur

"Certains frères se croient exclus des grâces du Saint-Esprit. C'est qu'ils ignorent, à cause de leur négligence à pratiquer les commandements, que quiconque garde très pure la foi au Christ possède en soi, en bloc, tous les dons divins.
Puisque, selon le divin Apôtre, Le Christ habite en nos coeurs par la foi (Ep 3, 17), et que, d'autre part, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance sont en lui cachés (Col 2, 3), tous les trésors de la sagesse et de la connaissance sont dans nos coeurs, mais cachés. Ils se révèlent au coeur dans la mesure de la purification que chacun a réalisée par l'observation des commandements.
Voilà le trésor caché dans le champ de ton coeur (Mt 13, 44) et que tu n'as pas trouvé à cause de ta paresse. Si tu l'avais trouvé, tu aurais certes tout vendu pour acheter ce champ. C'est pourquoi le Sauveur a dit : Heureux les purs de coeur : ils verront Dieu (Mt 5, 8). Ils le verront, lui et les trésors qui sont en lui, quand par la charité et la tempérance ils se purifieront."
( Centuries sur la charité IV, 69-72, SC 9, pp. 167-168).

"Celui qui fait l'aumône à l'imitation de Dieu ne fait aucune différence entre bon et méchant, juste et injuste, lorsqu'ils sont dans la nécessité ; il distribue également à tous, selon leurs besoins, même s'il estime le vertueux, à cause de sa bonne intention, plus que le méchant." (Centuries sur la Charité, 1, 26-28).

"Non seulement l'amour se manifeste en distribuant les richesses, mais bien davantage en distribuant la parole de Dieu et en se mettant personnellement au service d'autrui." (Centuries sur la charité, 1, 39-40)

Maxime de Turin

"...[Jésus] dans l'évangile (Jn 4, 5-42) réclame de la femme de Samarie de l'eau [...] Jésus lui remet ses péchés, lui qui dédaigne l'eau du puits, mais fait jaillir la source de la vie éternelle. Il dit en effet : - Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif ; mais qui boira de l'eau que je lui donnerai, n'aura plus jamais soif" (Jn 4, 13). Le Sauveur réclame de l'eau à la femme, et il feint d'avoir soif pour distribuer aux assoiffés la grâce éternelle. La source, en effet, ne pouvait pas avoir soif, et celui en qui se trouve l'eau vive ne pouvait pas boire l'eau souillée de cette terre. Le Christ avait soif ? Oui, il avait soif, non pas du breuvage des hommes, mais de leur salut ; il avait soif, non de l'eau de la terre, mais de la rédemption du genre humain.
Miraculeusement, le Christ, qui est la source, assis près du puits, fait jaillir au même endroit les eaux de la miséricorde ; une femme qui avait déjà eu six amants est purifiée par le flots d'une eau vive. Nouveau sujet d'admiration, une gourgandine, qui vient au puits de Samarie, s'en retourne chaste, de la source de Jésus ! Venue chercher de l'eau, elle repart avec la vertu. Elle confesse aussitôt les péchés auxquels Jésus fait allusion, elle reconnaît le Christ et annonce le Sauveur. Elle laisse là sa cruche d'eau : à sa place elle rapporte à la cité la grâce ; allégée de son fardeau, elle y revient comblée de sainteté. Elle est vraiment prophétesse. Laissant là l'eau, elle descelle à ses compatriotes la source du salut. Elle retourne chez elle sanctifiée par la foi au Christ."
(Homélie de Carême, 19, 2 in L'année liturgique, Migne, "Les pères dans la foi", n° 65, rééd. 2013, pp. 98-99).

"Jean est appelé lampe selon la parole du Seigneur : "Il était une lampe ardente." Avant son lever, le Soleil du monde a voulu être précédé d'une lampe comme il est d'usage de le faire avant que le soleil ne se lève. Le Christ a donc une lampe qui précède sa venue comme dit le Prophète : "J'ai apprêté une lampe pour mon Christ..." Et Jean Baptiste, comme la faible lampe qui précède la lumière du soleil, dit de lui-même : "Après moi vient quelqu'un qui est plus grand que moi et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale : lui-même vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu." En même temps, il prédit que la clarté de sa lampe va devenir inutile et disparaître avec la venue du Soleil : "Il faut qu'il croisse et que je diminue." Le soleil rend inutile la lumière d'une lampe et la venue de la grâce du Christ rende de même caduc le baptême de pétnitence de Jean."
(Homélie 65 pour le jour de la naissance de Jean Baptiste, in J.R. Bouché, Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes, 1994, p. 18.

"Le Christ est le jour, dit l'Apôtre : "La nuit est avancée, le jour approche" (Rm 13, 12). La nuit est avancée, dit-il, elle précède le jour. Entendez là que, dès que paraît la lumière du Christ, les ténèbres du diable se dispersent et la nuit du péché ne la suit pas ; la splendeur éternelle chasse les ombres d'hier, et arrête le progrès sournois du mal. [...]
Ce jour que fit le Seigneur pénètre tout, contient tout, embrasse à la fois ciel, terre et enfer ! La lumière qu'est le Christ n'est pas arrêtée par des murs, ni brisée par les éléments, ni assombrie par les ténèbres. La lumière du Christ [...] est un jour sans nuit, un jour sans fin ; partout elle resplendit, partout elle rayonne, partout elle demeure."
(Maxime de Turin : "L'allégresse de la création", Homélie sur le Psaume 117 in Maxime de Turin, l'année liturgique, Migne, "Les Pères dans la foi", 1996, pp. 127-128).

"Le Seigneur Jésus est venu au baptême, et il a voulu que son corps très saint soit lavé par l’eau.
Quelqu’un dira peut-être : "Lui qui est Saint, pourquoi a-t-il voulu être baptisé ?" Ecoutez donc. Le Christ est baptisé non pas pour être sanctifié par l’eau, mais pour sanctifier lui-même l’eau et pour purifier par sa pureté ces flots qu’il touche. La consécration du Christ est en effet la consécration fondamentale de l’élément.
Lorsque le Sauveur est lavé, c’est alors que l’eau est d’avance purifiée tout entière en vue de notre baptême ; la source est purifiée pour que, dorénavant, la grâce du baptême soit administrée aux peuples à venir. Le Christ a donc reçu le baptême par avance, pour que les peuples chrétiens prennent sa suite avec confiance."
(Sermon pour l’Epiphanie, 100, 3).

"...Mes frères, nous devons tous exulter en ce saint jour [de la Pâque]. Que personne ne se soustraie à la joie commune parce qu’il a conscience de ses péchés, que personne ne soit écarté des prières communes par le fardeau de ses fautes ! En un tel jour, même le pécheur ne doit pas désespérer du pardon ; c’est en effet un grand privilège. Si le malfaiteur a obtenu le paradis, pourquoi le chrétien n’obtiendrait-il pas le pardon ?" (Homélie pour la Pâque, 53, 1-2-4).

"Le nombre de quarante, frères très chers, a une valeur symbolique, liée au mystère de notre salut. En effet, lorsque dans les premiers temps, la méchanceté des hommes eut envahi la surface du sol, c'est pendant quarante jours que Dieu fit tombre les eaux du ciel et inonda la terre entière sous les pluies du déluge. Dès cette époque, l'économie du salut était donc annoncée en figure : pendant quarante jours, la pluie tomba pour purifier le monde ; et maintenant, c'est aussi pendant les quarante jours du Carême que la miséricorde est offerte aux hommes pour qu'ils se purifient." (Sermon pour le Carême n° 2-3, Patrologie latine 39, 2028)

Méliton de Sardes

"Comprenez-le, mes bien aimés : le mystère de la Pâque est ancien et nouveau, provisoire et éternel, corruptible et incorruptible, mortel et immortel.
Il est ancien en raison de la Loi, mais nouveau en raison du Verbe ; provisoire en ce qu'il est figuratif, mais éternel parce qu'il donne la grâce ; corruptible puisqu'on immole une brebis, mais incorruptible parce qu'il contient la vie du Seigneur ; mortel, puisque le Seigneur est enseveli dans la terre, mais immortel par sa résurrection d'entre les morts.
Oui, la Loi est ancienne, mais le Verbe est nouveau ; la figure est provisoire, mais la grâce est éternelle : la brebis est corruptible, mais le Seigneur est incorruptible, lui qui a été immolé comme l'agneau, et qui ressuscita comme Dieu.
Car il a été conduit comme une brebis vers l'abattoir, alors qu'il n'était pas une brebis ; il est comparé à l'agneau muet, alors qu'il n'était pas un agneau. En effet, la figure a passé, et la vérité a été réalisée : Dieu a remplacé l'agneau, un homme a remplacé la brebis, dans cet homme, le Christ, qui contient toute chose.
Ainsi donc, l'immolation de la brebis et le rite de la Pâque et la lettre de la Loi ont abouti au Christ Jésus en vue de qui tout arriva dans la loi ancienne et davantage encore dans l'ordre nouveau.
Car la Loi est devenue le Verbe, et, d'ancienne, elle est devenue nouvelle (l'une et l'autre sorties de Sion et de Jérusalem), le commandement s'est transformé en grâce, la figure en vérité, l'agneau est devenu fils, la brebis est devenue homme et l'homme est devenu Dieu. [...]
Le Seigneur, étant Dieu, revêtit l'homme, souffrit pour celui qui souffrait, fut enchaîné pour celui qui était captif, fut jugé pour le coupable, fut enseveli pour celui qui était enseveli. Il ressuscita des morts et déclara à haute voix : Qui disputera contre moi ? Qu'il se présente en face de moi ! C'est moi qui ai délivré le condamné ; c'est moi qui ai rendu la vie au mort ; c'est moi qui ai ressuscité l'enseveli. Qui ose me contredire ? C'est moi, dit-il, qui suis le Christ, qui ai détruit la mort, qui ai triomphé de l'adversaire, qui ai lié l'ennemi puissant, et qui ai emporté l'homme vers les hauteurs des cieux ; c'est moi, dit-il, qui suis le Christ.
Venez donc, toutes les familles des hommes, pétries de péchés, et recevez le pardon des péchés. Car c'est moi qui suis votre pardon, moi la Pâque du salut, moi l'agneau immolé pour vous, moi votre rançon, moi votre vie, moi votre résurrection, moi votre lumière, moi votre salut, moi votre roi. C'est moi qui vous emmène vers les hauteurs des cieux ; c'est moi qui vous ressusciterai ; c'est moi qui vous ferai voir le Père qui existe de toute éternité ; c'est moi qui vous ressusciterai par ma main puissante."
(Homélie sur la Pâque, 2, 7, 65-71, Sources Chrétiennes n° 123, pp. 60-64, 120-122).

Odes de Salomon (Anonyme)

"La joie, celle des saints,
qui la vêtirait,
sinon eux seuls ?"
(Ode XXIII, 1)

Origène

"Les pécheurs sont lourds [...] Les saints, eux, ne sont pas engloutis ; ils marchent sur les eaux, parce qu'ils sont légers, non alourdis par le poids du péché. Ainsi le Seigneur et Sauveur "marcha sur les eaux" ; car il est celui qui, en vérité, ne connaît pas le péché (Mt 14, 25-29 et 2 Cor 5, 21). Son disciple Pierre y "marcha" aussi, bien qu'il tremblât un peu, car il n'était point si parfait qu'il n'eût en lui le moindre alliage de plomb. Il en avait, quoique peu. Pour cette raison, le Seigneur lui dit : "Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? (Mt 14, 31)".
Voici donc pourquoi celui qui est sauvé est sauvé par le feu : pour que si jamais il a en lui un mélange de plomb, le feu l'épure et le dissolve, afin que tous deviennent un or de bonne qualité ; car, est-il dit, "l'or de cette terre", que les saints habiteront est "de bonne qualité" (cf. Gn 2, 12), et "comme le creuset éprouve l'or" (cf. Prov. 27, 3), ainsi la tentation éprouve les hommes justes. Il faut donc tous venir au feu, il faut venir à la fonderie : "Car le Seigneur siège, il fait fondre et purifie les fils de Judas" (Cf Mal 3, 3). Mais quand on y vient, si l'on apporte beaucoup de bonnes oeuvres et un peu d'iniquité, ce peu, comme du plomb est dissous et purifié par le feu, et tout reste or pur."
(Sur l'Exode, homélie VI, 4. SC 321, pp. 181-183).

"De même que le soleil et la lune sont, d'après l'Ecriture (Gn 1, 16), les grands luminaires au firmament du ciel, ainsi, en nous aussi, le Christ et l'Eglise. Mais Dieu a ajouté des étoiles au firmament ; il faut donc voir aussi ce qui en nous, c'est-à-dire dans le ciel de notre coeur, tient lieu d'étoiles.
Moïse est une étoile en nous, qui luit et nous illumine par ses actes. De même Abraham, Isaac, Jacob, Isaïe, Jérémie, Ezékiel, David, Daniel et tous ceux dont l'Ecriture a témoigné su'ils ont été agréables à Dieu (He 11, 5). Comme une étoile diffère d'une étoile par l'éclat (1 Co 15, 41), ainsi en effet, chaque saint, à proportion de sa grandeur, répand sa lumière en nous.
De même que le soleil et la lune illuminent nos corps, ainsi le Christ et l'Eglise illuminent nos esprits. Et si, comme les Apôtres, sans nous éloigner du Christ si peu que ce soit, nous demeurons sans cesse avec lui dans toutes ses tribulations, alors il nous expose et explique en secret ce qu'il avait dit aux foules (cf. Mc 4, 3') et nous illumine avec beaucoup plus de clarté. Et même si l'on est capable d'aller avec lui jusqu'au sommet de la montagne, comme Pierre, Jacques et Jean (cf. Mt 17, 1-3), on ne sera plus illuminé seulement par la lumière du Christ, mais encore par la voix du Père lui-même."
(Homélie 1 sur la Genèse, 7 ; SC 7 bis, pp? 41-43).

"Quand le Sauveur dit : Je publierai les mystères depuis l'origine (Ps 77, 2), écoute-le dire : Je rendrai clair les mystères depuis l'origine. Car il expliquait tout à ses disciples en particulier (Mc 4, 34) des mystères, et il leur disait ce qui touche à Dieu. Voilà les mystères qu'il rendait clairs et sur lesquels il instruisait les disciples. Jean y fait allusion quand il dit : Je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l'on écrirait.
Supposons en effet que ce que le Sauveur a dit aux disciples de ce qui touche à Dieu soit mis par écrit, le monde ne le supporterait pas, mais il serait secoué et troublé. Car on lit dans les divines paroles que la terre sera secouée et que le ciel sera mis hors de lui (Is 13, 13). Et s'il faut dire la cause du séisme et de l'éclipse de soleil qui se sont produits lors de la passion du Sauveur, nous dirons que c'est parce que la grandeur de sa prière au Père était un trop grand paradoxe qu'elle a ébranlé les éléments et le monde (cf. Mt 27, 50-52). Oui, vraiment, ces paroles du Sauveur sont souvent demeurées indicibles aux hommes en raison du trouble qu'elles causent au monde. Et en tout cas, si les saints intercèdent auprès de Dieu par des gémissements indicibles (Rm 8, 26) ceux-ci sont peut-être indicibles pour ne pas ébranler le monde. Et au moment où Paul allait entendre des paroles ineffables (2 Co 12, 4), il ne les a pas entendues sur terre, car la terre allait être secouée et mise sens dessus dessous."
(Homélie I sur le Psaume 87, 56 [traduction de Guillaume Bady pour Magnificat, n° 342, mai 2021, p. 325]).

On n'est pas tendre avec les comédiens au IIIe siècle ! Origène se sert du contre-exemple des comédiens qui cherchent à paraître, à jouer un rôle, pour nous montrer ce qu'est la prière dans la chambre secrète où Jésus nous invite à nous rendre pour renconter le Père :

"Au théâtre, les acteurs ne font que dire et jouer le rôle d'un autre sur la scène ; il en est de même de ceux qui veulent paraître justes, ce sont les histrions de la justice, qui jouent leur rôle sur leurs tréteaux, c'est-à-dire les synagogues et les angles des rues.
N'est pas comédien celui qui ne s'affuble pas d'oripeaux mais qui ne recherche que le témoignage de sa conscience sur une scène autrement exigeante, c'est-à-dire la chambre secrète, où il pénètre et s'enferme avec toutes les richesses accumulées, son trésor de sagesse et de connaissance. Là sans regarder au dehors, sans se laisser distraire par l'extérieur, il ferme les portes des sens, pour se détourner du sensible et l'empêcher d'envahir son esprit ; puis il invoque le Père qui, loin de fuir ou de délaisser une pareille demeure, y habite avec son fils unique. "Moi et le Père, dit Jésus, nous viendrons à lui et nous établirons en lui notre demeure." (Jn 14, 23).
Prier de cette manière, c'est une évidence, c'est invoquer non seulement le Dieu juste mais le Père qui nous considère comme ses fils, il ne nous abandonne pas mais habite notre retraite, il veille sur elle, en augmente les trésors, à condition de fermer la porte avec soin."
(La prière, 20 ; Migne, "Les Pères dans la foi", n° 2, 1995, p. 69.)

"Quand Marie oint les pieds de Jésus, les essuie avec ses cheveux, elle reçoit en quelque sorte et récupère pour elle-même, par la chevelure de sa tête, un onguent imprégné de la qualité et de la puissance du corps de Jésus ; et elle attire à elle, grâce aux cheveux dont elle essuyait ses pieds, une odeur qui est moins celle du nard à cause de l'onguent, que celle du Verbe de Dieu même ; elle s'imprègne la tête d'un parfum suave qui est moins du nard que du Christ.
Quelle différence y a-t-il donc, si dans le Cantique des Cantiques l'Epouse répand de l'onguent sur l'Epoux (cf. Ct 1, 12), ou si dans l'Evangile la disciple le fait sur le Maître, Marie sur le Christ, dans l'espoir que lui reviennent par cet onguent l'odeur du Verbe et l'agréable parfum du Christ, afin de dire elle aussi : Nous sommes une bonne odeur pour Dieu (2 Co 2, 15) ?
Or, parce que cet onguent fut rempli de foi et d'un amour de grand prix, pour cette raison Jésus aussi lui rendit ce témoignage : "Il est beau, le geste qu'elle a fait envers moi" (Mc 14, 6). De même, dans le Cantique, il accueille avec joie les "élans" de l'Epouse, comme ici l'oeuvre de Marie."
(Commentaire sur le Cantique II, 3.6-7, SC 375, 1991, pp. 437-441).

"Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu'à ce que tout se réalise (Mt 5, 18). Un seul trait : tel est non seulement le iota chez les Grecs, mais aussi chez les Hébreux ce qu'on appelle chez eux le yod.
Le iota peut aussi désigner symboliquement Jésus, puisque c'est l'initiale de son nom et ce, non seulement chez les Grecs, mais aussi chez les Hébreux où il s'écrit avec yod : alors Jésus sera un seul trait, la parole de Dieu dans la Loi ne passant pas jusqu'à ce que tout se réalise.
Le iota pourrait aussi être, comme il le dit lui-même, les dix commandements de la Loi : car si tout passe, eux ne passent pas. Jésus non plus ne passe pas : même s'il tombe en terre (Jn 12, 24), il tombe de son plein gré, pour porter beaucoup de fruit. Un seul iota, un seul trait surpasse tout, en haut comme en bas !"
(Commentaire sur Matthieu, fragment 99, traduction de Guillaume Bady, pour Magnificat, n° 280, mars 2016, p. 53).

Petit commentaire : Pour bien comprendre ce texte, il est bon de se rappeler qu'en grec (comme en hébreu), le chiffre 10 se note par le iota/le yod, la plus petite lettre de l'alphabet. Il s'agit donc d'extraire, à la fois, les significations que peut prendre la lettre iota/yod, mais aussi les associations les plus immédiates concernant le chiffre 10 dans la Bible - en évoquant ici notamment les 10 commandements.

Ce court texte est un très bel exemple du commentaire biblique chez Origène qui entraîne toujours une explication linguistique fine pour permettre aux auditeurs/lecteurs d'aller le plus loin possible dans la compréhension du texte qui ouvre sur des significations multiples.

Un commentaire d'Origène à propos de l'Evangile de Marc (Mc 6, 1-6) :

"Là, il ne pouvait accomplir aucun miracle".

Ces mots nous enseignent que les miracles se produisaient au milieu des croyants, car à celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l'abondance (Mt 25, 29), alors que parmi les incrédules, les miracles, non seulement n'agissaient pas, mais comme Marc l'a écrit, ne pouvaient même pas agir. Fais attention en effet à ces mots : Là il ne pouvait accomplir aucun miracle (Mc 6, 5) ; de fait il n'a pas dit "il ne voulait", mais il ne pouvait, parce que survient, sur le miracle en train d'agir, une collaboration efficace venue de la foi de celui sur qui agit le miracle, et que l'incrédulité empêche cette action.
Aussi - remarque-le - à ceux qui ont dit : Pour quelle raison n'avons-nous pu le chasser ? Jésus répond : A cause de votre peu de foi (Mt 17, 19-20), et, à Pierre qui commençait à couler, il a été dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? (Mt 14, 31). Au contraire l'hémoroïsse, sans avoir demandé sa guérison, se disait simplement que si elle touchait la frange de son manteau (Mc 6, 56), elle serait guérie, et elle le fut sur-le-champ."
(Commentaire sur l'Evangile selon Matthieu X, 19, Sc. Chrétiennes n° 162, p. 231).

"Jésus replia le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous dans la synagogue avaient les yeux fixés sur lui. [Lc 4, 20] Maintenant encore, si vous le voulez, en cette présente assemblée, vos yeux peuvent fixer le Sauveur. Car lorsque tu consacres l'attention la plus profonde de ton coeur à contempler la Sagesse, la Vérité et le Fils unique de Dieu, tes yeux voient Jésus. Heureuse assemblée à laquelle l'Ecriture rend ce témoignage : ils avaient tous les yeux fixés sur lui ! Comme je voudrais que notre assemblée mérite semblable témoignage et que les yeux de tous, catéchumènes et fidèles, femmes, hommes et enfants, voient Jésus avec les yeux non du corps mais de l'esprit ! Car lorsque vous l'aurez contemplé, votre visage et votre regard seront illuminés de sa lumière et vous pourrez dire : Elle a mis sa marque sur nous, la lumière de ton visage, Seigneur [Ps 4, 7]."
(Homélies sur saint Luc, 32, SC 87, pp. 386 sq.)

"… en aucun cas, on ne s’éloigne des puits ; en aucun cas, on ne se dispense des eaux. On trouve Rébecca près d’un puits [Gn 24, 16] ; à son tour, Rébecca trouve Isaac près d’un puits. C’est là qu’elle l’aperçoit pour la première fois, c’est là qu’elle "saute à bas de son chameau" [Gn 24, 64], c’est là qu’elle voit Isaac que lui désigne le serviteur.
Peut-être penses-tu que l’Ecriture ne fait pas d’autres mentions de puits ? Or Jacob, lui aussi, vient à un puits et y trouve Rachel ; c’est là que Rachel lui apparaît "saine pour les yeux et belle de visage" [Gn 29, 17]. C’est encore près d’un puits que Moïse trouve Séphora, fille de Raguel [cf. Ex 2, 15a]
N’es-tu pas encore amené à comprendre que cela a été dit dans un sens spirituel ? Tu crois peut-être que c’est un hasard que les Patriarches viennent toujours à des puits et que leurs unions se contractent au bord des eaux ? Qui pense ainsi est "homme naturel et ne perçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu" [I Co 2, 14]. En reste là qui voudra, demeure "naturel", qui voudra. Pour moi, à la suite de l’Apôtre Paul, je dis que ces choses sont "allégoriques" [Ga 4, 24], et je dis que les noces des saints, c’est l’union de l’âme avec le Verbe de Dieu : "Celui en effet et qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui" [I Co 6, 17]."
(Homélies sur la Genèse, X – XI, in SC 7bis)

"Aucun des évangélistes n'a montré la divinité de Jésus d'une manière aussi absolue que Jean, qui lui fait dire : C'est moi la lumière du monde (Jn 8, 12), C'est moi le chemin, la vérité et la vie (Jn 14, 6), C'est moi la résurrection (Jn 11, 25), C'est moi la porte (Jn 10, 9), C'est moi le bon berger (Jn 10, 11), et dans l'Apocalypse, C'est moi l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin, le premier et le dernier (Ap 22, 13).
Il faut donc oser dire que, de toutes les Ecritures, les Evangiles sont les prémices et que, parmi les Evangiles, les prémices sont celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s'il ne s'est renversé sur la poitrine de Jésus (Jn 13, 25) et n'a reçu de Jésus Marie pour mère. Et, pour être un autre Jean, il faut devenir tel que, tout comme Jean, on s'entende désigner par Jésus comme étant Jésus lui-même. Car, selon ceux qui ont d'elle une opinion saine, Marie n'a pas d'autre fils que Jésus ; quand donc Jésus dit à sa mère : Voici ton fils (Jn 19, 26) et non "Voici cet homme est aussi ton fils", c'est comme s'il lui disait : "Voici Jésus que tu as enfanté". En effet, quiconque est arrivé à la perfection ne vit plus mais le Christ vit en lui (Ga 2, 20) et puisque le Christ vit en lui, il est dit de lui à Marie : Voici ton fils, le Christ."
(Commentaire sur St Jean, I, 22-23 ; Sources Chrétiennes, n° 120, Cerf, pp. 71-73).

"Des divines Ecritures, il ressort que c'est un dimanche que fut donnée la manne pour la première fois sur la terre. Car si, comme dit l'Ecriture (Cf. Ex 16, 26, 5), on la ramassa six jours de suite, et on cessa de le faire le septième jour, qui est le sabbat, sans nul doute c'est au premier jour, le dimanche, qu'eut lieu le commencement du don. Pendant notre dimanche, le Seigneur fait toujours pleuvoir la manne du ciel. Et aujourd'hui même, moi je l'affirme, le Seigneur fait pleuvoir la manne du ciel. Car ils sont du ciel, ces oracles qu'on nous a cités, elles sont descendues de Dieu, ces paroles qu'on nous a lues. Aussi, pour nous qui avons reçu une telle manne, toujours la manne nous est donnée du ciel.
"Manne" veut dire "Qu'est-ce ?" (Ex 16, 15). Vois si le sens même du nom ne t'incite pas à t'instruire pour que, en écoutant lire la loi de Dieu, toujours tu cherches et poses la question aux docteurs (cf. Lc 2, 46) : Qu'est-ce ?"
(Homélie 7 sur l'Exode, 5, SC, n° 321, pp. 221-225).

"Bois l’eau de tes sources et de tes puits, et que ta source soit bien pour toi" [Pr 5, 15-18)
Essaie donc, toi qui m’écoutes, d’avoir un puits à toi et une source à toi ; de la sorte, quand tu prendras le livre des Ecritures, mets-toi à produire, même selon ta pensée propre, quelque interprétation et, d’après ce que tu as appris dans l’Eglise, essaie de boire, toi aussi, à la source de ton esprit. A l’intérieur de toi-même, il y a le principe de l’eau vive, il y a des canaux intarissables et des fleuves gonflés du sens spirituel, pourvu qu’ils ne soient pas obstrués par la terre et les déblais. […]
Purifie donc, toi aussi, ton esprit, pour qu’un jour tu boives à tes sources et puises l’eau vive à tes puits. Car si tu as reçu en toi la parole de Dieu, si tu as reçu de Jésus l’eau vive, et si tu l’as reçue avec foi, elle deviendra en toi source d’eau jaillissant pour la vie éternelle [Jn 4, 14]".
(Origène : Homélies sur la Genèse XII, 5 ; SC 7bis, pp. 307-309).

"Le Seigneur montre toutes les béatitudes réalisées en lui. Conformément à ce qu'il avait dit : Bienheureux ceux qui pleurent (Mt 4, 4), Jésus pleura, pour poser aussi le fondement de cete béatitude. Il pleura sur Jérusalem : Si en ce jour, dit-il, tu avais reconnu toi aussi ce qui donne la paix... (Lc 19, 41-42).
Un auditeur pourrait dire : le sens de ces paroles est évident ; elles ont été accomplies effectivement au sujet de Jérusalem : l'armée romaine l'a assiégée et ravagée jusqu'à l'extermination et il viendra un temps où il ne restera plus d'elle pierre sur pierre. Je ne nie pas que cette Jérusalem ait été détruite à cause des crimes de ses habitants, mais je demande si par hasard ces pleurs ne conviennent pas aussi à cette Jérusalem qui est la nôtre. Nous sommes en effet la Jérusalem sur qui Jésus a pleuré, nous dont le regard spirituel semble être plus pénétrant. Si, après avoir connu les mystères de la vérité, la parole de l'Evangile et l'enseignement de l'Eglise, si, après avoir eu la vision des mystères de Dieu, l'un de nous pèche, on se lamentera et l'on pleurera sur lui, car on ne pleure sur aucun des païens mais sur celui qui, après avoir appartenu à Jérusalem, a cessé d'en faire partie."
(Homélie 38 sur St Luc 2-3 (SC 87, p. 443-445).

"Spirituellement donc, tous ceux qui viennent par la foi à la connaissance de Dieu peuvent être appelés fils d’Abraham ; mais, parmi eux, il en est qui adhèrent à Dieu par amour et d’autres par crainte et par peur du jugement à venir. Aussi l’Apôtre Jean dit : Celui qui craint n’est pas parfait en l’amour ; l’amour parfait bannit la crainte [1 Jn 4, 18]. Donc "celui qui est parfait en l’amour" naît d’Abraham et est fils de la femme libre. Mais celui qui garde les commandements par crainte de la peine à venir et par peur des supplices, et non par amour parfait, celui-là est bien fils d’Abraham lui aussi, il reçoit aussi des biens, c’est-à-dire la récompense de ses actes – parce que quiconque aura donné seulement un verre d’eau fraîche à titre de disciple, sa récompense ne périra pas [Mt 10, 42] -, et cependant il est inférieur au parfait, qui sert non pas dans la crainte servile mais dans la liberté de l’amour." (Origène : Homélies sur la Genèse, VII, 4)

"Quand vous lisez : Jésus enseignait dans leurs synagogues et tous célébraient ses louanges (Lc 4, 15), prenez garde de n'estimer heureux que les auditeurs du Christ et de vous juger, vous, privés de son enseignement. Si l'Ecriture est la vérité, Dieu n'a pas seulement parlé jadis dans les assemblées juives, mais il parle aujourd'hui encore dans notre assemblée, et non seulement ici, dans la nôtre, mais dans d'autres réunions et dans le monde entier, Jésus enseigne et cherche des instruments pour transmettre son enseignement." (Homélie 32 sur St Luc, Sources chrétiennes n° 87, p. 387).

Que penser du Sauveur et Seigneur qui fait cette prière "Père, je te rends grâces de m'avoir exaucé ; moi je savais que tu m'exauces toujours ; mais j'ai parlé à cause de la foule qui m'entoure, pour qu'ils croient que c'est toi qui m'as envoyé", alors que cette promesse a été donnée à tous ceux qui prient comme il faut, tout en étant dans le monde ? Origène répond :

"[Jésus] avait l'intention de prononcer une prière de demande ; mais celui qui pourrait lui dire : "Avant que tu parles, je dirai : 'Me voici'", devança sa demande et, au lieu de la demande qu'il avait l'intention de prononcer, Jésus adressa son action de grâces à celui qui avait devancé sa prière et, parce qu'il était exaucé en ce qu'il pensait seulement, mais sans l'avoir exprimé dans sa prière, il dit : "Père, je te rends grâces de m'avoir exaucé." Il allait donc prier pour la résurrection de Lazare et Dieu, qui seul est bon, le Père, devançant sa prière, entendit les paroles qu'il allait prononcer dans sa prière : c'est pourquoi, au lieu d'une prière de demande, le Sauveur fait monter une action de grâces, de façon à être entendu de la foule qui l'entoure ; car il poursuit deux objectifs à la fois : rendre grâces de ce qu'il a obtenu en faveur de Lazare et inciter à la foi la foule qui l'entoure ; car il voulait leur faire admettre que c'était bien comme envoyé de Dieu qu'il résidait en cette vie." (Commentaire sur S. Jean, XXVIII, 39-42).

"Beaucoup ont essayé d'écrire des Evangiles, mais tous n'ont pas été acceptés. Et si vous ignorez qu'on n'a pas écrit seulement quatre Evangiles, mais un plus grand nombre, parmi lesquels ceux que nous possédons ont été choisis et remis aux Eglises, que le prologue de Luc, dont voici le texte, vous l'apprenne : Parce que beaucoup ont essayé de composer un récit (Lc 1, 1). Ces mots "ont essayé" contiennent une accusation cachée contre ceux qui, sans la grâce du Saint-Esprit, se sont lancés dans la rédaction des Evangiles. Matthieu, Marc, Jean et Luc n'ont pas "essayé" d'écrire, mais, remplis du Saint-Esprit, ils ont écrit les Evangiles.
Comme nous l'ont transmis ceux qui, dès le début, témoins oculaires, sont devenus ensuite serviteurs de la Parole (Lc 1, 2). Les Apôtres ont contemplé la Parole, non parce qu'ils avaient regardé le corps du Sauveur, mais parce qu'ils avaient vu le Verbe. Si, en effet, avoir vu Jésus selon la chair, c'est avoir vu la parole de Dieu, dans ce cas, Pilate, qui condamna Jésus, a vu la Parole, ainsi que le traître Judas et tous ceux qui vociféraient : Crucifie-le, enlève-le de la terre ! (Jn 19, 15) ont vu la Parole. Loin de moi cette pensée que n'importe quel incroyant puisse voir la parole de Dieu. Voir la parole de Dieu se comprend dans le sens ou le Sauveur a dit lui-même : Celui qui m'a vu a vu aussi le Père qui m'a envoyé (Jn 14, 9).
(Homélies sur St Luc, I, 1-4, SC 87).

"Tente donc, mon auditeur, toi aussi, d'avoir ton propre puits et ta propre fontaine, pour que toi aussi, lorsque tu prendras le livre des Ecritures, tu te mettes à tirer de ton propre fonds quelque intelligence ; et, selon la doctrine que tu as reçue dans l'Eglise, tente de boire, toi aussi, à la fontaine de ton esprit. Il y a en toi une nature d'eau vive, il y a des veines intarissables et des courants d'irrigation ; emploie-toi à creuser la terre et à la nettoyer des ordures, c'est-à-dire à repousser la paresse et à secouer la torpeur du coeur. Purifie ton esprit, pour qu'un jour vienne où tu boiras de tes propres fontaines et où tu puiseras de l'eau vive dans tes puits. Car si tu as reçu le Logos de Dieu en toi, si tu as reçu de Jésus l'eau vive avec fidélité, en toi s'ouvrira une fontaine d'eau jaillissant pour la vie éternelle. [Jn 4, 14]" (Homélie sur la Genèse, XII, 5).

"Comme les attitudes du corps sont innombrables, celle où nous étendons les mains et où nous levons les yeux au ciel doit être sûrement préférée à toutes les autres, pour exprimer dans le corps l’image des dispositions de l’âme pendant la prière. Nous disons qu’il faut agir de la sorte, quand il n’y a pas d’obstacles. Mais les circonstances peuvent amener parfois à prier assis, par exemple quand on a mal aux pieds ; ou à prier couché, à cause de la fièvre. Pour la même raison, si, par exemple, nous sommes en bateau ou que nos affaires ne nous permettent pas de nous retirer pour nous acquitter du devoir de notre prière, on peut prier sans prendre aucune attitude extérieure."(La prière, III, 31, "Les Pères dans la foi", p. 120).

"Lorsque quelqu'un nous donne un objet matériel, on ne peut pas dire qu'il nous donne l'ombre de cet objet (car il n'a pas l'intentnion de donner deux choses séparées, l'objet et son ombre mais l'ombre suit nécessairement l'objet donné), de même si nous considérons avec une certaine hauteur les grâces importantes que Dieu nous fait, nous pouvons dire que les biens matériels ne sont que l'ombre qui accompagne pour les saints les grâces spirituelles, immenses et célestes, pour leur profit et selon la disposition de Dieu. Le Seigneur agit toujours avec sagesse, même si nous ne connaissons pas le mobile de chacun de ses dons." (La prière, I, 5, 16, "Les Pères dans la foi", pp. 59-60)

"A l'homme qui recherche de belles perles (Mt 13,45), il faut appliquer les paroles suivantes : Cherchez et vous trouverez, et : Celui qui cherche, trouve (Mt 7,7-8). En effet, à quoi peuvent bien se rapporter "cherchez et celui qui cherche, trouve"? Disons-le sans hésiter : aux perles, et particulièrement à la perle acquise par l'homme qui a tout donné et tout perdu. A cause de cette perle, Paul dit : J'ai accepté de tout perdre afin de gagner le Christ (Ph 3,8). Par le mot tout il entend les belles perles, et par gagner le Christ l'unique perle de grand prix. (Commentaire sur l'évangile de Matthieu, 10, 9-10).

"Voici une comparaison pour inviter les hommes à prier et les empêcher de négliger la prière. Un homme ne peut pas avoir d'enfant sans s'unir à une femme. De même, pour obtenir ce qu'on désire, il faut prier avec de bonnes dispositions, avec foi, et se conduire dignement avant la prière. Il n'est pas nécessaire de dire beaucoup de paroles. Il ne faut pas non plus demander des choses sans importance, ni réclamer les biens de la terre, ni venir prier quand on est en colère ou troublé intérieurement. Pour comprendre ce que la prière exige, il faut avoir le coeur pur. De même, nous n'obtiendrons pas le pardon de nos péchés sans avoir pardonné du fond du coeur au frère qui nous demande pardon pour la peine qu'il nous a faite." (La prière, 8)

"Nous sommes en voyage, nous ne sommes venus en ce monde que pour passer de "vertus en vertus", et non pour rester sur terre par amour des objets terrestres, comme celui qui disait : "Je détruirai mes greniers et j'en construirai de plus grands" (Le 12,18). Ah ! que le Seigneur ne nous dise pas comme à lui : "Insensé, cette nuit, on te redemandera ton âme"." (Homélies sur les Nombres XXVII, 7)

"Si un homme a quelque jour brûlé du fidèle amour du Verbe de Dieu; si, pour parler comme le prophète, un homme, un jour, a reçu de la "flèche de choix" la douce blessure, la douce plaie; si quelqu'un, un jour, a été percé du trait amoureux, au point, ensuite, jour et nuit, de soupirer après lui de désir, et de ne plus pouvoir rien dire d'autre, et de ne plus vouloir rien entendre d'autre, et de ne plus rien savoir d'autre, et de n'avoir plus goût à rien désirer d'autre, rien envier d'autre, ni rien espérer hors de lui, celui-là alors, à juste titre, pourra dire: je suis blessé d'amour." (Homélies sur le Cantique des Cantiques, 1)

Philoxène de Mabboug (VIe siècle)

"Sans la foi, tout est ordinaire : la foi est-elle venue, les choses viles apparaissent glorieuses. Le baptême est de l’eau sans la foi ; les mystères vivifiants sont du pain et du vin dans la foi ; l’homme ancien apparaît comme il est sans l’œil de la foi qui le voit ; les mystères sont choses communes et les prodiges de l’esprit sont vils sans l’œil de la foi qui les voit.
La foi ne considère pas les choses comme elles sont, mais comme la foi veut les voir. Ainsi, tu portes dans tes mains la braise des mystères laquelle, par nature, est du pain ordinaire, mais la foi la regarde comme le corps de l’Unique parce que l’œil de la foi ne regarde pas comme l’œil corporel, mais elle oblige le regard corporel à voir l’invisible : le corps voit du pain, du vin, de l’huile, de l’eau, mais la foi oblige son regard à voir spirituellement ce qui est invisible corporellement, c’est-à-dire qu’au lieu du pain il mange le corps, au lieu du vin il boit le sang, au lieu de l’eau il voit le baptême de l’Esprit et au lieu de l’huile la puissance du Christ".
(Homélie III, 53, 56, Sources Chrétiennes n° 44bis, Cerf, 2007).

Pierre Chrysologue

"Toute lecture d'Evangile nous est d'un grand profit aussi bien pour la vie présente que pour la vie future. Mais plus encore l'Evangile de ce jour [Mt 9, 18-26 : le récit dit de "la fille de Jaïre", chef de synagogue voir aussi Marc 5, 21-43 et Luc 8, 40-56], car il contient la totalité de notre espérance et bannit tou motif de désespoir.
Dès que le Christ arriva à la maison et vit que les gens pleuraient la jeune fille comme une morte, il voulut amener à la foi leurs coeurs incrédules. Comme eux pensaient qu'on ne pouvait pas ressusciter d'entre les morts plus facilement que sortir du sommeil, le Christ déclara que la fille du chef était endormie et non pas morte : "La jeune fille n'est pas morte, dit-il, elle dort".
Et vraiment, pour Dieu, la mort est un sommeil. Car Dieu fait revenir un mort à la vie en moins de temps qu'un homme ne tire un dormeur de son sommeil. Et Dieu rend la chaleur aux membres refroidis par la mort plus vite qu'un homme ne peut rendre vigueur aux corps plongés dans le sommeil.
Ecoute ce que dit l'Apôtre : En un instant, en un clin d'oeil les morts ressusciteront [1 co 15, 52). Sachant qu'il lui était impossible de signifier par des mots l'immédiateté de la résurrection, le bienheureux Apôtre l'a évoquée par des images. D'ailleurs, comment aurait-il pu condenser dans des mots la rapidité d'un événement dans lequel la puissance divine dépasse la rapidité même ? Ou bien, comment le temps pourrait-il intervenir dans le don d'une réalité éternelle, nou soumise au temps ?".
(Sermon 34, 1-5 in Les Pères de l'Eglise commentent l'Evangile, Brepols, 1992, n° 118).

"Les serviteurs disent au maître : Veux-tu que nous allions enlever l'ivraie ?" (Mt 13, 28). En dévoués serviteurs, ils promettent un travail sans fatigue et ne supportent pas de voir la moisson du maître se gâter peut-être avec le temps. Mais le maître que le temps ne fatigue pas et qui peut effacer quand il le veut les dommages subis par sa moisson, le leur défend en disant : "Non." Et la raison pour laquelle il le leur interdit, il la dit aussitôt : De peur qu'en enlevant l'ivraie, vous n'arrachiez le blé en même temps (Mt 13, 29).
Autre était l'aspect, autre la fleur ; ce qui aujourd'hui était de l'ivraie demain devenait du blé, et ce qui à présent était du blé à l'avenir se changeait en ivraie. Ainnsi, celui qu'aujourd'hui on tient pour hérétique demain devient un fidèle ; et celui qui à présent est pris pour un pécheur à l'avenir devient juste.
Si la patience de Dieu ne venait pas au secours de l'ivraie, l'Eglise n'aurait pas Matthieu le publicain comme évangéliste, ni Paul, le persécuteur, comme Apôtre. Après tout, Ananie demandait à arracher le blé quand il se plaignait d'être envoyé à Saul en disant de Paul : Seigneur, quel mal il a fait à tes saints ! (Ac 9, 13). C'est-à-dire : "Arrache l'ivraie !". Qu'est-ce que la brebis a à voir avec le loup, le serviteur dévoué avec le rebelle ou un tel prédicateur en mission avec un persécuteur ? Mais Ananie avait vu Saul, tandis que le Seigneur alors voyait Paul ; quand Ananie parlait du persécuteur, le Seigneur reconnaissait le prédicateur."
(Sermon 97).

"Qu'à l'annonce des femmes, les Apôtres ne croient pas que le Christ soit ressuscité ou aient, dit-on, parlé de radotage à ce sujet, personne ne doit leur en faire grief (cf. Lc 24, 11). Il doute profondément, celui dont la foi est plus profonde. Il ne peut pas être trompé, celui qui n'est pas enclin à accepter les ouï-dire. Il fait preuve d'une trop grande légèreté celui qui se montre sans prudence après l'événement.
Enfin, quand deux des disciples, qui après la résurrection ont mérité d'avoir le Christ comme compagnon de route, reviennent annoncer qu'ils ont vu le Seigneur (cf. Lc 24, 13-38), les Apôtres estiment ce qu'ils entendent non par radotage, mais propos sérieux. Ils prêtent l'oreille, de manière à boire abondamment, après les troubles de l'hésitation, le langage de la foi au fleuve que faisaient couler les paroles de leurs compagnons. De même que les boissons fraîches éteignent l'ardeur de la soif, de même la bonne nouvelle, meilleure encore après la tristesse, rafraîchit l'âme qui la reçoit.
Allons au fond des choses, et qu'on ne s'étonne pas des hésitations des Apôtres, des troubles, des craintes, des fuites, des dérobades. Frères, que les Apôtres doutent, ne nous en étonnons donc pas, nous dont la foi n'est pas parfaite, mais prions, frères, pour mériter de comprendre, de ces vérités, autant que nous en accordera celui qui dans sa générosité permet à l'homme d'avoir l'intuition du divin."
(Sermon 79, 4-5, in Le signe des signes, "Les Pères dans la foi", n° 96, Migne, 2007, pp. 113-115).

"Je le sais, dit Marthe, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera.
Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. Marthe, sais-tu que tu ne sais pas, toi qui ne sais pas que ton frère peut ressusciter maintenant même ? Ou alors Dieu, lui qui peut ressusciter tous les hommes, ne pourrait pas ressusciter un seul mort ?
Au dernier jour. Marthe, elle est devant toi, la résurrection que tu renvoies si loin ! Je suis, dit-il, la résurrection. Et pourquoi "Je suis la résurrection", et non "C'est moi qui ressuscite" ? Pourquoi ? Parce qu'il a assumé l'homme, il a assumé la mort, lui qui, en donnant un ordre, ressuscite un seul homme, en se relevant lui-même, les ressuscite tous.
Il ajoute : Crois-tu cela ? Et la femme : Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui viens dans le monde. Lui qui était venu pour Lazare, pourquoi se préoccupe-t-il à ce point de Marthe ? Pourquoi ? Pour que celle-ci ressuscite dans la foi, avant que son frère ressuscite dans la chair."
(Sermon 63, 3-4, in Le Signe des signes, "Les Pères dans la foi", n° 96, Migne, 2007, pp. 37-39)

"Le Royaume de Dieu est semblable à du levain qu'une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine (Mt 13, 33). La femme qui avait reçu du démon le levain de la perfidie reçoit de Dieu le levain de la foi, elle l'enfouit dans trois mesures de farine, qui représentent les trois ères de l'humanité, d'Adam à Noé, de Noé à Moïse et de Moïse au Christ. Car si le Christ a voulu naître, c'est pour que, dans cette humanité où Eve avait semé la mort, Marie ramenât la vie. Marie nous offre la parfaite image de ce levain, elle nous en propose la parabole, nous en dessine la figure quand en son sein elle reçoit du ciel le levain du Verbe et le répand en son sein virginal sur la chair humaine, que dis-je ? sur une chair qui, en son sein virginal, est toute céleste et qu'elle fait ainsi lever...
Donnons à présent le sens profond de cette parabole. La femme qui a pris du levain, c'est l'Eglise, le levain qu'elle a pris, c'est la révélation de la doctrine céleste, les trois mesures dans lesquelles elle a, nous dit-on, enfoui le levain sont la Loi, les Prophètes et les Evangiles, où le sens divin s'enfouit et se cache sous des termes symboliques, afin d'être saisi du fidèle et d'échapper à l'infidèle. La science divine est maintenant dans la pâte, elle se répand sur les sens, elle gonfle les coeurs, augmente les intelligences et, comme tout enseignement, les élargit, les soulève et les épanouit aux dimensions de la sagesse céleste. Tout sera bientôt levé. Quand ? A l'avènement du Christ."
(Sermon 99, in La femme. Les grands textes des Pères de l'Eglise, coll. Ichtus, Lettres chrétiennes 12, Le Centurion / Grasset, 1968, pp. 288-289).

"Dans son amour pour les siens, le Christ, notre bon Maître, multiplie les images de son royaume, en varie les paraboles. Il ne va pas les prendre dans ses mystères, ni les chercher dans les sphères célestes ; il les puise dans l'expérience quotidienne. Il les emprunte à la vie commune, afin que toutes les classes d'hommes puissent y trouver leur profit, selon la parole du prophète : Ecoutez, tous les peuples, entendez, tous les habitants du monde, gens du commun et gens de condition, riches et pauvres ensemble (Ps 48, 2-3).
S'il puisait dans les arcanes de sa divinité, dans les mystères des rois, ou les secrets des riches, le pauvre ne comprendrait pas, l'homme moyen serait décontenancé, le simple désemparé. Mais il tient un langage qui est familier au riche comme au pauvre et qui s'enracine au coeur de toute vie, car le Dieu qui nous appelle cherche tous les hommes sans faire acception de personne. Mais reprenons la lecture de la parabole. A quoi puis-je comparer, dit-il, le royaume de Dieu ? (Lc 13, 21). Cette question frappe les auditeurs, les remplit de stupeur et d'étonnement. Que peut-on en effet comparer au royaume de Dieu, au divin empire ? Et tandis que leur esprit s'égare dans l'infini des cieux, le Seigneur trouve et dessine l'image de son royaume : le toit du pauvre, la main de la ménagère qui cuit son pain !" (Sermon 99, in Les grands textes des Pères de l'Eglise, Ichtus, "Les Lettres chrétiennes", Ed. Le Centurion / Grasset, 1968, pp. 285-286).

"Ô homme, pourquoi es-tu si vil à tes propres yeux, alors que tu es si précieux aux yeux de Dieu ? Pourquoi te déshonores-tu à ce point quand Dieu t'a tellement honoré ? Pourquoi te demandes-tu avec quoi tu es créé, et négliges-tu de rechercher pour quel destin ? Cette demeure du monde que tu vois, n'est-elle pas tout entière bâtie pour toi ? Pour toi la lumière a jailli, afin de chasser les ténèbres environnantes, pour toi la nuit est disposée et le jour mesuré ; pour toi le ciel brille de l'éclat diapré du soleil, de la lune et des étoiles ; pour toi la terre s'émaille de fleurs, de forêts, de fruits ; pour toi vit dans l'air, dans les champs, dans l'eau la multitude merveilleuse de tous les animaux, de peur que tristesse et solitude n'assombrissent la joie de la création naissante.
Dieu t'a façonné à partir de la terre, afin que tu sois le maître des réalités terrestres, tout en partageant avec elles une nature commune. Dieu t'a fait don d'une âme céleste et d'un corps terrestre ; ainsi en toi se noue une union permanente entre ciel et terre..." (Sermon 147, in L'année en fêtes, Bibliothèque 3, Migne, 2000, pp. 50-51).

"Si le Seigneur revient avec le même corps, présente ses blessures, montre à nouveau les trous mêmes des clous, et donne comme preuves de sa résurrection les témoignages de la Passion, pourquoi l'homme croit-il qu'il doit quant à lui revenir dans un autre corps et non dans le sien ? Ou peut-être le serviteur méprise-t-il son corps alors que le Seigneur a gardé le nôtre ? Homme, accepte de croire que tu vivras à nouveau dans ton propre corps, sauf à n'être pas toi-même, si tu ressuscites dans un corps étranger." (Sermon 76, 1).

"Il y a trois actes, mes frères, trois actes en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne, les trois ne font qu'un et se donnent mutuellement la vie.
En effet, le jeûne est l'âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise : les trois ne peuvent se séparer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n'a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner ; celui qui jeûne doit avoir pitié ; qu'il écoute l'homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d'entendre lorqu'on le supplie.
Celui qui pratique le jeûne doit comprendre le jeûne : il doit sympathiser avec l'homme qui a faim, s'il veut que Dieu sympathise avec sa propre faim ; il doit faire miséricorde, celui qui espère obtenir miséricorde ; celui qui veut bénéficier de la bonté doit la pratiquer ; celui qui veut qu'on lui donne doit donner. C'est être un solliciteur insolent, que demander pour soi-même ce qu'on refuse à autrui." (Homélie sur la prière, le jeûne et l'aumône, 43)

"Dieu, que le monde ne peut contenir, comment le regard humain, si étroit, pouvait-il le saisir ? Mais le code de l'amour ne considère pas ce que celui-ci peut être, ce qu'il doit et ce qu'il peut faire. L'amour ignore le jugement, il manque de raison, il ignore la mesure. L'amour ne se laisse pas consoler par l'impossibilité, il n'admet pas que la difficulté soit un remède. [...] Il est impossible que l'amour ne voie pas ce qu'il aime ; voilà pourquoi tous les saints ont jugé sans valeur tout ce qu'ils avaient obtenu, s'ils ne voyaient pas le Seigneur ..." (Sermon sur le mystère de l'Incarnation, (I), 147 : Dieu veut répondre à l'amour de l'homme qui désire voir Dieu)

Pierre de Blois (mort en 1205)

"On dit que l'Esprit Saint est huile en raison de divers symbolismes. La nature de l'huile, en effet, veut que parmi tous les liquides, elle occupe toujours le lieu supérieur. Et de même, la grâce de l'Esprit Saint, qui par la surabondance de sa tendresse excède les mérites et les désirs de ceux qui le supplient, est plus excellente que tous les dons et que tous les biens.
L'huile est remède, car elle calme les douleurs, mais l'Esprit Saint aussi est vraiment huile, car il est le réconfort, qui nous réconforte dans toutes nos détresses (2 Co 1, 4).
L'huile est d'une nature qui se refuse au mélange ; et, en effet, l'Esprit Saint lui aussi est une source, à laquelle ne participe aucune source étrangère. L'huile est comme portée au-dessus de tous les liquides, et en effet, l'Esprit Saint lui aussi était porté au-dessus des eaux (Gn 1, 2).
L'Esprit se donne lui-même à nous, l'auteur du don ne dédaigne pas de se donner lui-même dans son don. Bien sûr, les instruments que nous sommes doivent être nettoyés et lavés du péché, sans quoi l'huile stagne nécessairement."
(Sermon 25 in Lectionnaire pour chaque jour de l'année, III, Solesmes/Cerf, 2005, p. 561.).

Pierre de Cava (XIIe siècle)

"Jouir de la lumière à l'intime de nous-mêmes, cela ne dépend pas de nos efforts, mais du bon vouloir divin.
Souvent, au travers d'un long silence, de supplications instantes, de gémissements répétés, nous implorons d'entrer dans le resplendissement de la lumière intérieure, et nous n'obtenons pas d'être admis à ses délices.
Souvent nous ne faisons rien de tout cela pour l'obtenir, et tout à coup la grâce divine vient au-devant de nous, elle nous prend au plus profond de notre faiblesse et nous relève, elle nous emporte très haut et, au moment où nous l'attendions le moins, nous fait voir le resplendissement de sa lumière.
Car ce n'est pas par nos propres efforts que nous pouvons accéder à la contemplation des réalités célestes, mais au gré de Dieu, selon qu'il en a disposé pour nous."

Commentaire sur le 1er Livre des Rois, I, 65).

Pierre le Vénérable

"Aujourd’hui, frères très chers, le jour resplendit plus clair que de coutume car sur terre brille la lumière du ciel. La lumière véritable éclaire les ténèbres des mortels, et la splendeur de Dieu se montre visiblement, que dis-je, corporellement, dans le monde des hommes. Aujourd’hui, le soleil éternel, dévoilant quelque peu la ténèbre de la faiblesse charnelle, resplendit de ses rayons dans son corps encore mortel, par un miracle nouveau et stupéfiant. Aujourd’hui, le Verbe fait chair montre, dans la clarté de son visage et de ses vêtements, la divinisation de la chair qu’il s’est unie. Aujourd’hui, nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père, comme Fils unique lorsque la voix de majesté transmet cette parole : celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur, écoutez-le..." (Pierre le Vénérable : Homélie pour la Transfiguration du Seigneur, PL 207, col. 779-790).

Romain le Mélode

"La créature, née de la terre, périssait de soif : consumée par la chaleur ardente, elle errait au désert, sans eau, et dans son malheur, ne trouvait rien pour étancher sa soif. Aussi mon Sauveur, fontaine de tout bien, a fait jaillir des sources de vie en criant : "C'est d'Eve, sortie de ton flanc, que t'est venue la soif, bois à mon flanc tu n'auras plus jamais soif." Double est le fleuve qui en sort, il lave et abreuve les hommes souillés et Adam est dans la joie." (Hymne 38 : Triomphe de la Croix, SC 128)

Rupert de Deutz (mort en 1129)

"Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Qu'est-ce que le royaume de Dieu, sinon la parole de Dieu ? Car celui qui gouverne tout, c'est le Verbe, par qui toutes choses ont été créées (Jn 1, 3).
Donc, chaque fois que nous venons entendre ou étudier la parole de Dieu, chaque fois que nous lisons ou écoutons avec joie l'Ecriture sainte, c'est le royaume de Dieu et sa justice que nous cherchons. Ici-bas, tant que nous vivons, nous le cherchons, et nous pouvons le chercher ; mais le trouver pleinement, nous n'y réussirons pas, si ce n'est après cette vie. Ce royaume de Dieu, c'est le trésor caché dans un champ (Mt 13, 44), le trésor soigneusement enfermé et scellé sous la lettre de la Loi et des Prophètes : cette lettre qui en partie est énigme et parabole. Trouver le trésor, c'est creuser les Ecritures et, dans la joie de la trouvaille, vendre tout et acheter le champ. C'est rejeter tout souci, en obéissant à ce conseil évangélique, et embrasser l'étude des Ecritures de manière que l'homme soit toujours libre pour étudier ou écouter la parole de Dieu."
(Sur Matthieu VI, Anne Sigier/Desclée, Canada/Paris, 1988, p. 277).

Syméon le Nouveau Théologien (mort en 1024)

"Qu'est-ce que la clé de la connaissance, sinon la grâce du Saint-Esprit donnée par la foi, qui par l'illumination, produit très réellement la connaissance, et la pleine connaissance, et qui ouvre notre esprit fermé et voilé comme bien souvent, avec des paraboles et des figures ?
Et je le dirai encore : la porte, c'est le Fils - Je suis, dit-il, la porte (Jn 10, 7.9) - ; la clé de la porte, c'est l'Esprit Saint - Recevez, dit-il, l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettez les péchés ils leur sont remis, ceux à qui vous les retenez, ils sont retenus (Jn 20, 22-23) - ; la maison c'est le Père - Car dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures (Jn 14, 2).
Or que l'Esprit Saint, le premier, ouvre notre esprit et nous enseigne ce qui concerne le Père et le Fils, c'est encore le Christ qui l'a dit : Quand il viendra celui-là, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il témoignera, lui, à mon sujet, et il vous guidera vers la vérité totale (Jn 15, 26 ; 16, 13). Tu vois comment, par l'Esprit ou plutôt dans l'Esprit, le Père et le Fils, inséparablement, se font connaître. Et encore : Car si moi je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais lorsqu'il viendra, lui, il vous rappellera toutes choses (Jn 16, 7).
C'est donc lui, l'Esprit, qui nous montre la porte, porte qui est lumière, et la porte nous apprend que celui qui habite dans la maison est lui aussi lumière inaccessible (1 Tm 6, 16)."
(Catéchèse 33, "Sources chrétiennes" n° 113, pp. 255-261).

"Comment es-tu à la fois source de feu,
comment aussi fontaine de rosée ?
Comment à la fois brûlure et douceur,
comment remède à toute corruption ?

Comment tires-tu l’obscurité à la lumière,
comment triomphes-tu de la nuit ?
Comment illumines-tu le cœur ?
Comment me transformes-tu tout entier ?

Comment ne fais-tu qu’un avec les hommes,
comment les rends-tu fils de Dieu,
comment les brûles-tu de ton amour,
comment les blesses-tu sans épée ?"

(Hymne 6, "Sources chrétiennes" n° 156, Cerf, 1969, p. 205).

Tauler, Jean (XIVe siècle)

"La ville sur laquelle notre Seigneur a pleuré est tout d'abord la sainte Eglise, la sainte chrétienté. En second lieu, notre Seigneur a pleuré sur les coeurs mondains, et vraiement il y a de quoi pleurer sur eux. Tous les hommes réunis n' suffiraient pas et ne pourraient jamais verser assez de larmes, car ils ne savent pas et ils ne veulent pas savoir les jours où ils sont visités. Hélas, si même ils le savaient [...] Mais non, ils sont en grande paix. Les gens de Jérusalem étaient, eux aussi, en grande paix, quand le Christ pleura sur eux. Quels sont donc ces gens ? Ce sont tous ceux qui vivent dans la recherche de la jouissance désirée par leurs sens extérieurs. Pourvu qu'ils aient assez de biens, de domination, d'amitié, de parenté, de richesse et d'honneur, de tout ce que leur coeur désire, tout ce qui les satisfait, les réjouit et fait leurs délices, comme s'ils devaient vivre éternellement ainsi. Ils vont bien se confesser, ils vaquent bien à la prière, et ls pensent que tout est pour le mieux. Si on risquait une seule parole contre cette assurance, pour dire que leur état n'est pas tout à fait bon, ce serait en pure perte. Ils se reposent dans leur justice, dans laquelle ils se croient en parfaite sécurité."
(Sermons, Paris, Cerf, 2007, pp. 374-375)

"La fête la plus élevée et la plus vraie, la fête suprême, est la fête de la vie éternelle, c'est-à-dire de l'éternelle félicité où nous serons vraiment en face de Dieu. Cela, nous ne pouvons pas l'avoir ici-bas ; mais la fête que nous pouvons avoir, c'est un avant-goût de celle-là, une expérience de la présence de Dieu dans l'esprit par la jouiszance intérieure que nous en donne un sentiment tout intime. Le temps qui est toujours nôtre, c'est celui de chercher Dieu et de poursuivre le sentiment de sa présence dans toutes nos oeuvres, notre vie, notre vouloir, notre amour. Allons, mettez à profit, employez bien tout ce que vous avez de zèle, à prendre part en vérité, à cet aimable jour de fête, à mériter que Dieu se révèle en vous, que vous goûtiez en vous sa joie, sa paix, que vous ayez et sentiez en vous toute sa fête, chaque fois que vous le voulez et que vous rentrez en vous-mêmes, dans votre prière, dans les oeuvres que vous avez à faire. Car c'est là qu'on éprouve en vérité les joies de la vraie fête de la présence du Dieu d'amour, là, où l'on se sent la propriété de Dieu et de personne d'autre. N'est-ce pas là chose délicieuse : vie de fête, de joie et de bonheur ; nous en Dieu et Dieu en nous, ici dans le temps, là-haut dans l'éternité et dans une indiscible béatitude."
(Tauler, Jean : Sermon 12 "La fête éternelle", in Les mystiques rhénans, Cerf, 2010 pp. 2187-188).

Teilhard de Chardin, Pierre

"La foi, telle que nous l’entendons ici, ce n’est pas, bien sûr, la seule adhésion intellectuelle aux dogmes chrétiens. C’est, dans un sens beaucoup plus riche, la croyance en Dieu chargée de tout ce que la connaissance de cet Etre adorable peut susciter en nous de confiance en sa force bienfaisante. C’est la conviction pratique que l’Univers, entre les mains du Créateur, continue à être l’argile dont il pétrit à son gré les possibilités multiples. C’est, en un mot, « la foi évangélique », dont on peut dire qu’aucune vertu, même la charité, n’a été recommandée plus instamment par le Sauveur. […] Croyons-nous ? Tout s’illumine et prend figure autour de nous : le hasard s’ordonne, le succès prend une plénitude incorruptible, la douleur devient une visite et une caresse de Dieu. Hésitons-nous ? Le rocher reste sec, le ciel noir, les eaux traîtresses et mouvantes. Et nous pourrions entendre la voix du Maître, en face de notre vie gâchée : « Ô hommes de peu de foi, pourquoi donc avez-vous douté ?"
(Le milieu divin, in Œuvres, tome IV, Seuil, 1957, pp. 168-169 et 171)

"Jadis, on traînait dans votre temple les prémices des récoltes et la fleur des troupeaux. L’offrande que vous attendez vraiment, celle dont vous avez mystérieusement besoin chaque jour pour apaiser votre faim, pour étancher votre soif, ce n’est rien moins que l’accroissement du Monde emporté par l’universel devenir.
Recevez, Seigneur, cette Hostie totale que la Création, mue par votre attrait, vous présente à l’aube nouvelle. Ce pain, notre effort, il n’est de lui-même, je le sais, qu’une désagrégation immense. Ce vin, notre douleur, il n’est encore, hélas ! qu’un dissolvant breuvage. Mais, au fond de cette masse informe, vous avez mis – j’en suis sûr, parce que je le sens – un irrésistible et sanctifiant désir qui nous fait tous crier, depuis l’impie jusqu’au fidèle : "Seigneur, faites-nous un". (La messe sur le monde)

"La fleur que je tenais s’est fanée dans mes mains, un mur s’est dressé devant moi au tournant de l’allée… une flamme a consumé la feuille qui portait ma pensée… L’épreuve est venue… et je n’ai pas été définitivement triste… pourquoi donc Seigneur ? Parce que, dans cette faillite des supports immédiats que je risquais de donner à ma vie, j’ai expérimenté, d’une manière unique, que je ne reposais plus que sur votre consistance…" (Ecrits du temps de guerre, Œuvre, Seuil, tome XII, p. 167)

... notre pire faiblesse est de ne pas oser croire, ni assez longtemps, ni assez vaste. Un seul élément excepté de notre foi [...] - une seule minute de "pas assez" dans l'exercice de cette foi et tout l'édifice branle." (Etre plus, Seuil, "Points", p. 95)

"L’attente, - l’attente anxieuse, collective et opérante d’une Fin du Monde, c’est-à-dire d’une Issue pour le Monde, - est la fonction chrétienne par excellence, et le trait le plus distinctif peut-être de notre religion.
Historiquement, l’attente n’a jamais cessé de guider, comme un flambeau, les progrès de notre Foi. […] [Après la première venue du Christ], nous devons l’attendre encore et de nouveau, - non plus un petit groupe choisi seulement, mais tous les hommes – plus que jamais. Le Seigneur Jésus ne viendra vite que si nous l’attendons beaucoup. C’est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie." » (Pierre Teilhard de Chardin, Epilogue du Milieu divin, "L’attente de la Parousie").

"Il suffit pour la Vérité d'apparaître une seule fois dans un seul esprit, pour que rien ne puisse jamais plus l'empêcher de tout envahir et de tout enflammer…" (Le coeur de la matière, 117), p. 118.

Tertullien

"Il n'y a absolument aucun commandement sur les circonstances de la prière. Voici la seule règle reçue : "Il faut toujours prier et prier partout" (1 Timothée 2, 8). Mais comment prier partout, quand on nous interdit de prier en public ? Quand l'apôtre Paul dit "partout", il veut dire : au moment où c'est possible et même nécessaire. Oui, les apôtres prient et ils chantent en prison devant leurs gardiens (Actes 16, 25). Paul offre le sacrifice du Christ sur le bateau, devant ceux qui sont là (Actes 27, 35). Et en faisant cela, ils ne font rien contre ce qui est commandé.
Pour les moments de la prière, il est utile de respecter extérieurement certaines heures. Je veux parler des heures qui marquent les différents moments de la journée : neuf heures du matin, midi, et trois heures de l'après-midi. La Bible en parle et, pour elle, ces heures sont plus importantes que les autres. C'est vers neuf heures que, pour la première fois, l'Esprit saint se répand sur les disciples réunis (Actes 2, 1-4). Vers midi, Pierre était monté sur la terrasse pour prier, quand dans une vision, il voit une grande nappe remplie d'animaux impurs (Actes 10, 9-16). Vers trois heures de l'après-midi, Pierre monte au Temple de Jérusalem avec Jean et là il rend la santé à un paralysé (Actes 3, 1-10).
Evidemment, ce sont de simples récits. Ils ne contiennent aucun commandement de respecter ces heures de prière. Mais il est bon, peut-être, de comprendre que ces récits veulent nous dire deux choses : d'abord ils nous invitent à la prière et, en même temps, ils nous obligent presque à nous arracher à nos occupations pour accomplir une fonction aussi importante. Nous lisons que Daniel priait à ces heures-là, en suivant l'enseignement qu'on donnait en Israël (Daniel 6, 6). Alors, nous, au moins trois fois par jour, adorons les Trois auxquels nous devons tout : le Père, le Fils et l'Esprit saint. Bien sûr, il faut mettre à part les prières obligatoires. Celles-là, elles ne sont pas conseillées seulement, nous avons le devoir de les faire quand le jour se lève et quand la nuit tombe. De plus les chrétiens doivent prier avant de manger, avant d'aller se baigner. En effet, il faut rafraîchir et rassasier le coeur avant le corps. Les choses du ciel passent avant celles de la terre."
(La prière, 24-25, in La prière des Pères. De Tertullien à Jacques de Saroug, SOPCEC/AIM, Bayard Editions/Centurion, 1997, pp. 26-27.)

"Que l'un soit libre d'adorer Dieu et l'autre Jupiter ; que l'un puisse lever ses mains suppliantes vers le ciel, et l'autre vers l'autel de la bonne foi ; qu'il soit permis à l'un de compter les nuages en priant (si vous croyez qu'il le fait) et à l'autre les panneaux des lambris ; que l'un puisse vouer à son Dieu sa propre âme, l'autre la vie d'un bouc !
Prenez garde, en effet que ce ne soit déjà un crime d'irréligion que d'ôter aux hommes la liberté de la religion et de leur interdire le choix de la divinité, c'est-à-dire de ne pas me permettre d'honorer qui je veux honorer, pour me forcer d'honorer qui je ne veux pas honorer ! Il n'est personne qui veuille des hommages forcés, pas même un homme.
Heureusement que Dieu est le Dieu de tous les hommes, à qui, bon gré malgré, nous appartenons tous !"
(Apologétique, 24, 5-10, CUE, "Belles Lettres", 1961, pp. 61-62)

"Dieu lui-même est le plus parfait modèle de patience, ce qui doit nous engager à devenir patients comme lui. Car voyez d'abord comment il fait également luire son soleil sur les bons et sur les méchants; comment il permet que les uns et autres profitent indifféremment de l'utilité des saisons , des éléments et des dons de toute la nature. Tout Dieu qu'il est, il supporte l'ingratitude de tant de nations qui ne cessent de blasphémer son nom et d'outrager ses serviteurs, et qui portent l'insolence jusques à adorer les ouvrages bizarres de leurs propres mains. Enfin il souffre le libertinage, l'avarice, l'injustice , et tout ces autres dérèglements honteux que l'on voit se multiplier tous les jours dans le monde ; il souffre, dis-je, ces désordres avec tant de bonté que sa patience extrême semble faire quelque tort à sa toute-puissance. En effet, plusieurs en viennent à douter s'il y a un Dieu, parce qu'il ne comprennent pas pourquoi il est si lent à punir le crime." (De la patience, 2)

"Après avoir créé l'homme par pure bonté, Dieu lui imposa une loi. C'était encore sa bonté qui le faisait agir ainsi, car donner à l'homme le moyen d'adhérer à Dieu, n'était-ce pas chercher son bien ? Si Adam avait été livré à lui-même, affranchi de la soumission à Dieu, n'aurait-il pas ressemblé à ces animaux qui lui sont assujettis et que Dieu abandonne à leurs libres pencahts en les laissant dans leur basse condition ? Seul parmi tous les êtres animés, l'homme peut se glorifier d'avoir été jugé digne de recevoir de Dieu une loi. Animal doué de raison, capable de comprendre et de discerner, il réglera sa conduite en disposant de sa liberté et de sa raion, dans la soumission à celui qui lui a tout soumis (1 Cor 15, 28)." (Contre Marcion, Livre II, ch.4-5-9).

"Et Dieu, dit l’Ecriture, modela l’homme avec la glaise du sol. Ce n’était encore que de la glaise, et déjà le nom d’homme est prononcé. […] Quel honneur prodigieux pour le limon, ce rien, d’être touché par les mains de Dieu ! Ce simple contact n’aurait-il pas suffi à Dieu pour former l’homme, sans rien de plus ? Mais à voir Dieu travailler cette boue, on comprend qu’il s’agissait d’une œuvre extraordinaire. Les mains de Dieu étaient à l’ouvrage, elles touchaient, pétrissaient, étiraient, façonnaient cette glaise qui ne cessait de s’ennoblir à chaque impression des mains divines. Imagine-toi Dieu occupé, appliqué tout entier à cette création : mains, esprit, activité, conseil, sagesse, providence, amour surtout orientaient son travail ! C’est qu’à travers ce limon qu’il pétrissait, Dieu entrevoyait déjà le Christ, qui un jour serait homme, comme ce limon : Verbe fait chair, comme cette terre qu’il avait entre les mains.
Tel est le sens de cette première parole du Père à son Fils : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Dieu modela donc l’homme selon l’image de Dieu, c’est-à-dire selon le Christ. […] Dès lors ce limon qui revêtait l’image du Christ – telle qu’elle se manifesterait dans son Incarnation future – n’était pas seulement l’œuvre de Dieu, il était aussi le gage de Dieu ! (De la résurrection des morts, ch. 5-6, cité in Sr. Isabelle de la Source, Lire la Bible avec les Pères, 1. La Genèse, pp. 21-22)

Théodore de Mopsueste

"L'Esprit, dit le Seigneur, souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour quiconque est né de l'Esprit(Jn 3, 8). Ne considère pas seulement ta nature, mais que ton intelligence conçoive la puissance de celui qui engendre. Car l'Esprit Saint a toute puissance, il agit toujours efficacement selon sa volonté, et rien ne résiste à l'efficacité de son action. Tu entends donc sa voix, dit le Seigneur, c'est-à-dire que tu perçois le bruit de sa venue ; mais tu ne peux savoir quel lieu contient sa personne ; tu ne peux donc comprendre de quelle manière s'exerce son action.
Sa nature est infinie, et c'est pourquoi il est présent partout où il veut ; de même son action est ineffable, parce qu'il agit toujours efficacement, conformément à sa volonté. C'est à juste titre que Jésus a dit : Tu entends sa voix, car, lorsque l'Esprit est descendu pour la première fois sur les Apôtres, il y eut un grand bruit, pareil à celui d'un fort coup de vent. Telle est la génération de l'Esprit : les pensées des hommes ne peuvent la comprendre ; mais, parce qu'elle dépasse leur intelligence, un bruissement seul leur en fournit l'intuition." (Théodore de Mopsueste : Commentaire sur Jean d'après extrait présenté dans L'Evangile selon saint Jean expliqué par les Pères, "Les Pères dans la foi" n° 31, Migne, 1985, pp. 60-61).

Théolepte de Philadelphie (XIVe siècle)

"Le Christ, monté aux cieux, a donné à ses disciples devenus les ouvriers de l'Evangile [Lc 10, 2], son Esprit comme une faucille, et il les a envoyés par toute la terre moissonner le salut des hommes [Mt 28, 19), rassembler ceux qui étaient dispersés à travers mille opinions diverses, les recueillir dans les greniers d'une foi unique et d'une seule Eglise.
L'Esprit Saint est à la fois faucille et feu. Faucille, il coupe et sépare le bon du mauvais ; feu, il détruit tout péché. Voilà pourquoi l'on vit apparaître au-dessus des Apôtres comme des langues de feu qui se divisèrent [Ac 2, 3]. C'est pour vous faire connaître l'action légère et élevante du Saint-Esprit, en même temps que sa vertu destructrice de tout mal et son activité illuminatrice sur les âmes choisies. Et il siégea sur chacun d'eux [ac 2, 3]. Pourquoi siégea-t-il ? pour établir en nous sa demeure."
(Discours 22, "Les Pères dans la foi" n° 81-82, Migne, 2001, p. 264-265).

Théophile d'Antioche (2e siècle)

"Tu te moques de moi en m'appelant "chrétien", tu ne sais pas ce que tu dis !
D'abord, ce qui est oint ["christ" signifie "qui a reçu l'onction d'huile"] est agréable, utile, et n'a rien de ridicule. Est-ce qu'un navire peut être utilisé ou peut être sauf avant d'être oint ? Est-ce qu'une tour, une maison possèdent belle apparence et offrent bon usage tant qu'elles ne sont pas ointes ? L'homme qui arrive en cette vie, ou qui va lutter, ne reçoit-il pas l'onction d'huile ? Quelle oeuvre d'art, quelle parure peut flatter l'oeil sans être ointe et rendue brillante ? L'air enfin, et toute la terre sous le ciel sont pour ainsi dire oints par la lumière et le souffle. Et toi, tu ne veux pas recevoir l'onction de l'huile divine ?
Pour nous c'est là l'explication de notre nom de chrétiens, nous sommes oints par l'huile de Dieu." [lors du baptême, depuis l'origine, le bain d'eau est suivi d'une onction d'huile].
(Théophile d'Antioche : A Autolycus, Sources chrétiennes, n° 20, Cerf, p. 85).

Thérèse d'Avila

"A nous, le Seigneur ne demande que deux choses : l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Aimons-nous Dieu ? Nous ne pouvons le savoir, quoiqu'il y ait cependant de grands signes pour en juger. Mais pour ce qui est de reconnaître si nous aimons le prochain, oui, nous le pouvons. Soyez-en certaines, autant vous aurez fait de progrès dans l'amour du prochain, autant vous en aurez fait dans l'amour de Dieu. L'amour que notre Seigneur nous porte est si grand, qu'en récompense de celui que nous avons pour le prochain, il fait croître de mille manières celui que nous avons pour lui-même : je n'ai aucun doute là-dessus. Puisque la chose est pour nous d'une si grande importance, essayons de bien voir où nous en sommes, et cela jusque dans les plus petites choses, et puis, ne faisons aucun cas de certaines idées - très grandes - qui se présentent à nous en foule dans la prière, sur tout ce que nous propososn de faire et d'entreprendre en faveurdu prochain et pour le salut d'une seule âme. Si nos oeuvres n'y répondent pas, il est à croire que tout cela restera sans effet."
(Thérèse d'Avila : Le château intérieur, Ve demeures, ch. 3, in Oeuvres Complètes, t. I, Cerf, 1995, pp. 1051-1052).

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