Enchaînement explicité par St Augustin de l'Aveugle-né et de la porte par laquelle passe les brebis. Rappelons le texte de St Jean (Jn 10, 1-17) :
Comment déterminer qui sont les brebis ? Il y en a dedans et dehors, comme il y a des loups dehors mais aussi dedans. Les brebis entrent et sortent par le Christ.
Qui est le portier ?
"Nous tenons que la porte est le Seigneur Christ et qu'il est aussi le
Pasteur ; qui est le portier ? Les deux premières dénominations, lui-même les a expliquées
en effet, il nous a laissé le soin de chercher qui est le portier. Que dit-il du portier ?
Le portier lui ouvre. A qui ouvre-t-il ? Au Pasteur ? Qu'ouvre-t-il au Pasteur ? La porte.
Et qui est cette porte ? Le Pasteur lui-même. Si le Seigneur Christ n'avait pas expliqué, s'il
n'avait pas dit lui-même : Je suis le Pasteur et : Je suis la porte,
est-ce que quelqu'un
d'entre nous oserait dire que le même Christ est à la fois le Pasteur et la porte ? S'il disait
en effet : Je suis le Pasteur sans dire : Je suis la porte, nous aurions cherché quelle est
la porte et peut-être en pensant à autre chose, serions-nous demeurés devant la porte. Par
sa grâce et sa miséricorde, il nous a expliqué quel est le Pasteur, il a dit que c'était lui,
il a expliqué quelle est la porte, il a dite que c'était lui ; il nous a laissé le soin de
chercher quel est le portier.
De qui allons-nous dire qu'il est le portier ? Quel que soit celui que nous découvrirons, il
faut prendre garde de ne pas l'estimer supérieur à la porte sous prétexte que dans les maisons
des hommes le portier est supérieur à la porte : en effet, c'est le portier qui est préposé à
la garde de la porte, non la porte à la garde du portier. Je n'ose pas dire que quelqu'un est
supérieur à la porte car j'ai déjà entendu expliquer quelle est la porte ; je ne l'ignore plus,
je n'ai pas été abandonné à mes conjectures, les liens qui laisseraient libre cours à mes
suppositions humaines n'ont pas été desserrés : c'est Dieu qui a parlé, c'est la Vérité qui
a parlé, ce que l'Immuable a dit ne peut pas être changé.
Je vais donc dire ce qui me semble sur cette question profonde ; que chacun choisisse ce
qui lui plaît ; qu'il ait néanmoins des sentiments religieux selon qu'il est écrit : Ayez
sur le Seigneur des pensées conformes à la bonté et dans la simplicité du cœur cherchez-le.
[Sg 1, 1]
Peut-être devons-nous regarder le Seigneur lui-même comme le portier. Dans les choses humaines
en effet, il y a beaucoup plus de différence entre le pasteur et la porte qu'entre le portier
et la porte, et pourtant le Seigneur a déclaré qu'il était tout ensemble le Pasteur et la porte.
Pourquoi ne comprendrions-nous donc pas qu'il est aussi le portier ? Si nous considérons en
effet ce qui est propre à chacun, le Seigneur Christ n'est pas un pasteur comme les pasteurs
que nous avons l'habitude de connaître et de voir ; il n'est pas non plus une porte, car il n'a
pas été fabriqué par un artisan ; mais si, selon quelque similitude, il est à la fois la porte
et le Pasteur, j'ose le dire, il est aussi une brebis ; la brebis sans doute est soumise au
pasteur, lui pourtant est tout ensemble pasteur et brebis. Où voyons-nous qu'il est pasteur ?
Tu le vois dans ce passage, lis l'Evangile : Je suis le bon Pasteur. Où
voyons-nous qu'il est brebis ? Interroge le prophète : Comme une brebis, il a été mené
à l'immolation, interroge l'ami de l'Epoux : Voici l'Agneau de Dieu, voici celui
qui enlève le péché du monde. Je vais encore vous dire quelque chose de plus étonnant
dans la ligne de ces similitudes. L'agneau, la brebis et le pasteur sont en effet amis entre
eux, mais les pasteurs sont habitués à garder les brebis contre les lions, et cependant nous
lisons qu'il est dit du Christ bien qu'il soit brebis et pasteur : Le lion de la tribu de
Juda a remporté la victoire. Prenez tout cela, frères, comme des similitudes, ne le
prenez pas au sens propre. Nous sommes habitués à voir les pasteurs s'asseoir sur une pierre
et garder de là les bêtes qui leur sont confiées ; le pasteur vaut mieux assurément que la
pierre sur laquelle il est assis, et pourtant le Christ est à la fois le Pasteur et la
Pierre [I Co, 10, 4]. Tout cela est dit en similitude. Mais si tu me demandes ce qui
lui appartient en propre, au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de
Dieu, et le Verbe était Dieu. Si tu me demandes ce qui lui appartient en propre,
il est le Fils unique engendré du Père de l'éternité à l'éternité, égal à celui qui
l'engendre, par qui tout a été fait, immuable avec le Père et qui n'a pas été
changé par la forme d'homme qu'il a prise, devenu homme de par son incarnation, Fils de
l'homme et Fils de Dieu. Tout ce que je viens de dire n'est pas une similitude, mais la
réalité.
Ne faisons donc point de difficulté, frères, pour admettre que, selon certaines similitudes,
il est la porte et il est le portier. Qu'est-ce que la porte en effet ? Ce par quoi nous
entrons. Qu'est-ce que le portier ? Celui qui ouvre. Quel est donc celui qui s'ouvre lui-même
sinon celui qui s'explique sur lui-même ? Vous le voyez, le Seigneur ayant parlé de la porte,
nous n'avions pas compris ; quand nous ne comprenions pas, la porte était fermée ; celui qui
a ouvert, c'est le portier. Il n'y a donc aucune nécessité de chercher quelque autre
explication, il n'y a pas de nécessité, mais peut-être y a-t-il volonté.
S'il y a volonté, ne sors pas du chemin, ne t'éloigne pas de la Trinité. Si tu cherches une
autre personne pour le portier, que le Saint-Esprit se présente à ta pensée : l'Esprit Saint
ne dédaignera pas en effet d'être le portier quand le Fils a daigné être lui-même la porte.
Regarde peut-être le Saint-Esprit comme le portier : le Seigneur lui-même dit à ses disciples
au sujet du Saint-Esprit : Il vous enseignera toute la Vérité [Jn 16, 13].
Quelle est la porte ? Le Christ. Qu'est-ce que le Christ ? La Vérité
[cf. J n, 14, 6]. Quel est celui qui ouvre la porte sinon celui qui enseigne toute la Vérité ?"
(Tract. XLVI, 2-4)
On aimerait lire tout l'admirable Tract. 34, commentaire à la fois de "Je suis la Lumière du monde : qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie" (Jn 8, 12), mais aussi de "Je suis le chemin, la vérité, la vie" (cf. ci-dessous).
Augustin, après avoir dénoncé les croyances des Manichéens (Le soleil = le Christ), souligne les rapports entre le passage de Jn et le Ps 35 :
"Seigneur ton amour est fondé dans les cieux
Et ta fidélité s'étend jusqu'aux nuées du ciel.
Ta bonté est forte comme les montagnes de Dieu
Et ta bienveillance profonde comme le grand abîme.
Tu viens sauver l'homme et tout ce qui vit :
Seigneur, qu'il est précieux ton amour !
Les anges et les fils des hommes
Cherchent refuge à l'ombre de tes ailes.
Tu les rassasies d'un grand festin dans ta maison ;
Au torrent du paradis Tu les abreuves.
Auprès de Toi est la source de la vie,
En ta lumière, nous voyons la lumière."
A propos de "il aura la lumière de la vie" [c'est nous qui soulignons], Augustin précise que ce temps est celui du désir : temps où nous devons brûler du désir de la Lumière du Seigneur :
Augustin file la métaphore : le Christ est la lumière et il éclaire la lampe de ceux qui lui rendent témoignage (Jean-Baptiste, par exemple, et les prophètes), il éclaire notre lampe ; à cause de notre faiblesse, nous avons besoin du témoignage des lampes :
En comparaison de cette Lumière à laquelle nous viendrons, le jour où nous sommes est encore nuit, mais :
Parmi les autres similitudes offertes pour notre avancée dans la compréhension du mystère du Christ, Augustin commente ce passage de Jean :
(Jn 14, 6) "Jésus lui dit : Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père sinon par moi."
La Lumière incarnée est le Chemin vers la Vérité et la Vie :