L’Age d’or des Pères de l’Eglise (IIIe Ve siècles)

Chapitre IIIe
Le contenu de la foi : dogmes et hérésies (les grands conciles)

Pendant tout ce temps que nous appelons "le siècle d’or", s’élabore de façon considérable le contenu de la foi chrétienne. Les apôtres sont partis d'abord sur les chemins du monde juif, puis ont progressivement porté la parole aux païens, à travers tout l’Empire romain. La foi reçue a été ainsi progressivement confrontée à toutes les doctrines, croyances, cultures de ce monde déjà si vaste… Le message n’a pas toujours été bien reçu, mais quand il a été reçu, il a été interprété, repris, développé selon d’autres dimensions, d’autres principes, d’autres sociétés. Le risque de s’écarter de la vraie foi, de ce qui en fait le fondement, était grand, mais il était aussi indispensable d’adapter, de compléter chaque jour un message (celui du Christ) nécessairement adressé à des hommes d’un lieu, d’un temps, d’une époque et qui pour toucher d’autres hommes, au fil des siècles, a dû - et doit d’ailleurs encore - recevoir des formulations renouvelées, mais fidèles - en vérité et non pas en surface, littéralement - à la source.

C’est pourquoi très vite, les chrétiens dans l’Eglise ont été confrontés à la nécessité de formuler plus explicitement, parfois plus nettement la doctrine fondamentale, qui certes peut se résumer à l’Amour de Dieu et du prochain, mais qui confrontée à la vie quotidienne d’hommes et de femmes, bien insérés dans leur époque et leur société, risque singulièrement d’apparaître vague et régulièrement inapplicable. Cela va être le but bien sûre de l’enseignement de l’Eglise au cours des siècles, avec les avatars qu’on sait, les tensions et séparations à l’occasion. A l’époque qui nous intéresse, on aura des mises au point régulières par les grands conciles œcuméniques, qui vont permettre à tous les "chefs" de l’Eglise – comme cela continue à notre époque selon des formes diverses – de se rencontrer, de mettre au point tout ce qui relève de la doctrine de la foi, de préciser des questions de "discipline" ou de pastorale (par les lois canoniques notamment, mais aussi par lettres, encycliques, etc.). On évoque toujours à l’origine le Concile de Jérusalem (cf. Actes des apôtres, 15) au cours duquel les apôtres confrontés déjà aux difficultés de faire adopter tous les préceptes juifs aux païens décident de les dispenser par exemple de la circoncision, mais cela va continuer régulièrement. On a conservé la liste des 21 conciles universels (dits "œcuméniques" (1)), qui réunissent les évêques du monde entier et représentent la plus haute autorité de l’Eglise. Les premiers conciles ont été toujours convoqués par les empereurs. Ce n'est que plus tardivement que le rôle de l'évêque de Rome s'est affirmé en les convoquant, mais c'est alors que, déjà, les séparations entre Orient et Occident s'étaient largement déclarées... Avec le Concile de Nicée II (en 787) s'achève pour l'Eglise byzantine la série des conciles oecuméniques.

ANNÉECONCILE ŒCUMÉNIQUE
325Concile de Nicée I
381Concile de Constantinople I
431Concile d'Éphèse
451Concile de Chalcédoine
553Concile de Constantinople II
680-681Concile de Constantinople III
787Concile de Nicée II
869-870Concile de Constantinople IV
1123Concile de Latran I
1139Concile de Latran II
1179Concile de Latran III
1215Concile de Latran IV
1245Concile de Lyon I
1274Concile de Lyon II
1311-1312Concile de Vienne
1414-1418Concile de Constance
1431-1445Concile de Bâle-Ferrare-Florence
1512-1517Concile de Latran V
1545-1563Concile de Trente
1869-1870Concile de Vatican I
1962-1965Concile de Vatican II

Les Conciles sont l’occasion fondamentale de préciser des points concernant la foi, le dogme, bien que l’on ait tendance à l’époque moderne à distinguer des conciles plus dogmatiques et des conciles plus pastoraux… Mais les uns et les autres se rejoignent en ce sens que même dogmatiques les conciles doivent tenir compte du concret et du vécu du peuple de Dieu, et pastoraux, ils aident considérablement à préciser le contenu de la foi. C’est une distinction qui peut donc sembler un peu artificielle – d’autant plus que c’est souvent à ses conséquences et donc avec le recul que l’on peut juger des fruits véritables d’un Concile (cf. exemple de Vatican II, d'abord considéré comme surtout "pastoral" !).

Nous ne pouvons ici que faire une courte introduction à ces questions des déviances de la foi, question assez complexe… N’oublions pas que l’élaboration de la foi s’est faite contre ces hérésies, et qu’elles relèvent bien sûr d’une tentation constante ; de ce point de vue elles sont encore, d’une certaine façon, représentée à notre époque ; mais l’Eglise en la personne du pape et des évêques, ne se manifeste pas comme dans les premiers temps, les dénonciations sont beaucoup moins vigoureuses, la tolérance plus grande… sauf s’il s’agit de détourner une partie importante du peuple chrétien. Alors : mises en garde, condamnations d’ouvrages… Cela existe bien sûr dans les milieux théologiques, mais cela ne touche pas réellement "Monsieur Toutlemonde" car c’est souvent peu médiatisé (!) et que par ailleurs le chrétien "lambda" ne tient guère compte des avis de la " hiérarchie", l’atmosphère générale étant à la "liberté d’expression" ! Mais le rejet du Dieu de l’Ancien Testament, la négation de la divinité de Jésus, le refus tout simplement de la foi et de ses dogmes est un phénomène constant - qui ne fait plus scandale.

On pourrait citer de très nombreux cas où des propos écrits dans la presse sont en contradiction flagrante avec le message de l'Eglise, mais sont présentés par des journalistes incompétents comme "lecture autorisée" d'un point de dogme, avec l'intention prétendue d'informer le grand public, qui n'est absolument pas en mesure de déceler l'erreur, et l'intention souvent perverse : il n'y a pas loin de la critique et de la caricature à la totale désinformation ! Cette remarque mériterait d'être développée avec des exmples, précisément pour nous aider à mieux cerner les contours de la foi chrétienne qui n’est pas une vague croyance en un Dieu lointain, mais une adhésion forte à une personne (Jésus-Christ), vrai Dieu et vrai Homme, qui change notre vie (cf. notion de conversion de toute la personne et de toute la vie, cf. les catéchumènes… La vie "morale" n’est pas avant le Christ mais en principe en découle naturellement : choisir d’aimer ses frères comme Jésus nous a aimés, cela n’est pas indifférent pour notre comportement et notre vie… si ce n’est pas une simple parole ressassée, comme un propos idéologique !

En ce qui nous concerne le chapitre présent, nous réfléchirons tout particulièrement aux grands conciles des IVe-Ve siècles. Après une courte présentation de ces quatre conciles et de leur apport, de leur organisation, nous présenterons les grands points de doctrines confrontés aux hérésies de l’époque et les avancées que cette confrontation va entraîner dans les formulations dogmatiques.

On dénombre donc au total vingt et un conciles œcuméniques. C'est à Chalcédoine en 451, que ce terme de concile oecuménique fut utilisé pour la première fois en l'appliquant rétrospectivement aux trois précédents et notamment au concile de Nicée qui en 325 fut donc le premier Concile oecuménique.

Il y eut plusieurs conciles importants pendant notre âge d’Or car de nombreuses questions se posent à la foi chrétienne, encore toute neuve, qu’il convient de préciser progressivement pour guider les chrétiens afin qu’ils ne succombent pas à l’attrait de certaines hérésies. Ceux qui vont nous concerner sont d’ailleurs parmi les plus importants de la chrétienté :

Globalement ce qui est d’abord en question c’est la doctrine trinitaire (que les hérésies obligent donc à préciser), et il en découle la formulation d’un Credo (cf. Credo dit « de Nicée-Constantinople »), dont nous nous servons toujours pour aider à la juste formulation de la foi.

Les Conciles de Nicée et Constantinople. Une réponse à Arius

Le IVe siècle est marqué profondément par la question de la Trinité. L'Eglise, dans son effort pour expliciter la Révélation, est amenée, à partir de la seconde moitié du IIIe siècle, à définir les relations des trois personnes divines à l'intérieur de l'être de Dieu. L’Ecriture atteste formellement l’existence du Père, du Fils et de l’Esprit. Comment faut-il comprendre cette triple manifestation d’un Dieu unique ? Comment distinguer les personnes tout en sauvegardant l’unité ?

Le Concile de Nicée, en 325, se réunit contre Arius(2) (un prêtre d’Alexandrie) qui, voulant préserver la spécificité du Père, "seul incréé, seul éternel, seul à être sans commencement, seul vrai Dieu...", aboutit à un Dieu non conforme à la Révélation et plus philosophique que chrétien.

D'abord condamné lors d'une "réunion contradictoire" en présence de l’évêque Alexandre (lors d’un Concile à Alexandrie), Arius part pour la Palestine et demande asile à Eusèbe de Césarée (l’auteur de l’Histoire Ecclésiastique), puis à Eusèbe de Nicomédie, (qui tous deux le défendent). De nombreuses lettres circulent où Arius expose sa doctrine, puis il écrit la Thalie : ouvrage en vers destiné à être appris et récité par les plus simples des croyants. L’évêque Alexandre écrit aussi de nombreuses lettres, portant ainsi des échos de la controverse dans le reste du monde catholique, ce qui entraîne en même temps une diffusion de la doctrine.

L’Empereur Constantin alors s’en mêle, ne comprenant d’ailleurs rien à la gravité de la crise : cf. lettre de Constantin à Alexandre (évêque d’Alexandrie) et à Arius :

"J’apprends que telle fut l’origine de ce différend. Vous, Alexandre, demandiez à vos prêtres ce que chacun d’eux pensait sur un certain texte de la Loi, ou plutôt sur un point de détail insignifiant. Vous, Arius, avez émis imprudemment une réflexion qu’il ne fallait pas concevoir, ou, l’ayant conçue, ne pas communiquer. De là, entre vous la discorde amenant le refus de communion, la scission du peuple saint, au détriment de l’harmonie du même corps. Eh bien ! que chacun de vous, montrant une égale indulgence, accueille la juste suggestion de votre co-serviteur. Qu’est-ce donc ? qu’il eût fallu commencer par ne pas poser de telles questions et par n’y point répondre. Car de telles recherches, qui ne sont prescrites par aucune loi, mais suggérées par l’oisiveté, mère des vaines querelles, peuvent bien servir d’exercice à l’esprit, mais doivent être renfermées en nous-mêmes et non lancées à la légère dans les réunions publiques, ou confiées inconsidérément aux oreilles du peuple… Vous savez bien que les philosophes en se rattachant à une doctrine, sont souvent en désaccord sur tel ou tel point particulier de leur système, et que ces dissentiments ne les empêchent pas de conserver entre eux l’unité de doctrine." (Fliche et Martin, t. III, p. 78)

L’empereur, de fait, renvoie dos à dos les deux "camps", et se montre clairement obscurantiste : mieux vaut ne pas parler de ce qui fâche ! Un Concile à Antioche, réunissant des évêques de Palestine, condamne Arius et envoie une lettre à Rome. On s’achemine alors vers un concile œcuménique (les précédents étaient locaux). L’unité de l’Eglise est alors en cause : elle doit se manifester par de solennelles assises où tout l’épiscopat siégerait pour définir la foi, et proposer un Credo sans ambiguïté. Comme il est d’usage à cette époque, c’est Constantin qui organise le concile, à Nicée. Eusèbe qui a assisté à ce Concile dit qu’il y avait 250 présents ; d’autres chiffres d’ailleurs sont avancés ; souvent on retient le nombre de 318 (cf. 318 serviteurs d’Abraham Gn 14, 14). Malgré la prédominance des Orientaux, toute l’Eglise est représentée, des évêques donc de formations et de cultures très diverses. Certains étaient exercés au maniement des arguments théologiques de longue date ; il y a des savants, il y a des saints (persécutés lors de la grande persécution…)

L’ouverture du Concile se fait le 20 mai 325 (ouverture par Constantin). Dans l’assemblée il y a de chauds partisans d’Arius comme Eusèbe de Nicomédie, ou Eusèbe de Césarée, etc. On lit des extraits de la Thalie. La condamnation d’Arius a lieu sans problème en rappelant que le Fils de Dieu est vraiment Dieu. Il est plus difficile toutefois de définir la foi traditionnelle en termes précis. Quantité de "symboles", plus ou moins ambigus sont proposés : on discute de "consubstantiel", "engendré", "non pas créé". Deux évêques refusent de signer, ils sont exilés ainsi qu’Arius et ses partisans. Il s’agit de Secundus de Ptolémaïs et de Théonas de Marmarique. Trois autres vont d’ailleurs aussi par la suite retirer leurs signatures – ce qui indique bien que la crise arienne n’est pas réglée(3).

D’autres questions sont soumises au Concile : le schisme de Mélèce par exemple, avec la question de la date de Pâques. Selon que le calcul est fait avec les Juifs ou non, on pouvait avoir parfois un mois de décalage dans la chrétienté : désormais l’usage d’Alexandrie et de Rome va dominer. On promulgue aussi 20 canons disciplinaires : par exemple on appelle à l’indulgence à l’égard des "faillis" qui demandent leur réintégration ; puis des canons concernant le clergé (aucun clerc ne doit avoir de femme dans sa demeure, sauf sa mère, sa sœur… des personnes au-dessus de tout soupçon – de fait le Concile s’en tient à l’ancienne tradition : on ne se marie pas après être entré dans les Ordres) - ; également : les diacres ne peuvent distribuer l’Eucharistie aux prêtres, etc.

L’arianisme ainsi donc représente une grave crise doctrinale qui aboutira cependant à une féconde élucidation du donné de la Révélation et à marquer un progrès dans l'exposition de la foi : Le Fils est déjà proclamé homoousios = de même substance que le Père. On rappellera les conclusions de Nicée (325):

"Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de toutes choses visibles et invisibles.
"Et en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils de Dieu, seul engendré du Père, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré mais non pas fait, de même substance que le Père, par qui toutes choses ont été faites, ce qui est au ciel et sur la terre, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu et s’est incarné, et s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux et viendra juger les vivants et les morts.
"Et au Saint-Esprit.
"Quant à ceux qui disent : ‘Il fut un temps où il n’était pas et avant d’être engendré il n’était pas’, ou bien : ‘Il a été tiré du néant’, ou qui prétendent que le Fils de Dieu est d’une autre substance, ou qu’il est créé, ou changeant, ou variable, ceux-là l’Eglise catholique et apostolique les déclare anathèmes." (Concile de Nicée, 325, cité dans Loew et Meslin, 1978, L’Histoire de l’Eglise par elle-même, Fayard, p. 40)

Mais le terme nouveau, a une acception bien matérielle (on l’utilisait pour signifier qu’un objet était du même métal qu’un autre). Ce progrès appelle donc encore des précisions… De fait Nicée ne parvient pas à enrayer les querelles. Ce Concile ouvre au contraire un demi-siècle de turbulences dans l’Eglise d’Orient, et l’Occident lui-même en ressent les contre- coups car la foi de Nicée est mal acceptée. Du vivant de Constantin, nul n’ose s’attaquer ouvertement à son Concile. Mais peu à peu Arius revient en grâce. Aussi les Empereurs qui suivirent se montrèrent tantôt réservés à l’égard de Nicée, tantôt prennent clairement position en faveur d’Arius dont les thèses continuent de se propager. L’arianisme se déploie ainsi dans tout l’Orient, menaçant l’unité de l’Eglise et le contenu de sa foi. Il va de soi qu’une telle affaire ne pouvait pas ne pas avoir de conséquences politiques. Athanase, avec le soutien de Rome et des clercs égyptiens, demeure inflexible dans son soutien au credo de Nicée et endure cinq fois l’exil – nous y reviendrons ci-dessous.

La querelle ne se dénoue que soixante-huit ans plus tard au Concile de Constantinople convoqué en 381 par l’empereur Théodose. Ainsi est parachevé le dogme de la Trinité avec la formulation de la divinité du Saint Esprit. Ce Concile montrera que Dieu peut être saisi comme un unique Etre objectif en trois objets de représentation : le Père, le Fils et l’Esprit, et qu’il est à la fois un seul objet en lui-même et trois objets pour lui. Le Concile de Constantinople (381) conclut :

"Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus Christ, fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même substance que le Père par qui toutes choses ont été faites, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu des cieux et s’est incarné de l’Esprit-Saint et de la Vierge Marie, et s’est fait homme, a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate et a été enseveli, et est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, et est monté aux cieux, et est assis à la droite du Père d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts, lui dont le royaume n’aura pas de fin.
Et à l’Esprit-Saint qui règne et vivifie, qui procède du Père et qui doit être honoré et glorifié avec lui et le Fils, qui a parlé par les prophètes…" (Symbole de Constantinople, 381, ibid., p. 41)

Athanase d'Alexandrie(4) (v. 296-373) – dont il faut maintenant dire deux mots - fut l'un des champions de la foi trinitaire à Nicée.

J. Liébaert, dans Les Pères de l'Eglise ("Bibliothèque d'Histoire du christianisme", n° 10, Desclée) écrit :

"[Athanase] avait fait de la reconnaissance du concile par toute l'Eglise l'objectif même de son action et du symbole la norme intangible de la foi, inculquant par là l'idée que la décision dogmatique d'un concile oecuménique a valeur de règle pour la foi. Sa politique religieuse à l'égard des diverses dissidences, qu'il s'agisse de l'arianisme lui-même ou de réticences à l'égard du symbole, n'a jamais varié : imposer comme condition à la communion la souscription sans réserve de la formule de Nicée, et rien que cela. [...] Ses écrits dogmatiques, notamment le traité Contre les Ariens, la lettre Sur les décrets du concile de Nicée, tout en réfutant longuement les thèses d'Arius et la lecture arienne de l'Ecriture, tendent inlassablement à défendre et expliquer le symbole. Ils le précisent aussi, dans la mesure où Athanase dégage clairement le fait que parler de l'identité absolue de substance ou de nature en Dieu, c'est nécessairement être amené à dire qu'il n'y a qu'"une seule substance" ou nature du Père, du Fils et du Saint Esprit. C'est ainsi qu'il explicite le "consubstantiel" et ce sera désormais la signification plénière du terme dans l'usage chrétien en Orient, comme ce l'était déjà en Occident [...] Un autre apport notable de la part d'Athanase à la théologie est la doctrine qu'il a esquissée dans ses Lettres à Sérapion, évêque de Thmuis en Egypte(5), au sujet du Saint Esprit. L'Eglise avait toujours cru à l'Esprit et vécu intensément cette foi, mais les Pères jusque là n'avaient pas théologisé celle-ci, même si Origène avait amorcé une réflexion sur les rapports de l'Esprit avec le Père et le Fils. Arius, logique avec lui-même, avait dénié au Saint Esprit la divinité ou la consubstantialité qu'il refusait au Fils. Mais la discussion s'était concentrée longtemps autour des relations des deux premières personnes et la troisième était demeurée dans l'ombre. Ce fut dans les années 350 que la divinité du Saint Esprit se trouva mise en cause avec virulence en différents milieux. Les Lettres à Sérapion, rédigées vers 360, sont la première réponse de la théologie orthodoxe et la première ébauche d'une doctrine de l'Esprit Saint dans la Trinité. Athanase veut y montrer que celui-ci est, par rapport au Fils, dans la même relation d'égalité que le Fils par rapport au Père. Son essai, qui exploite systématiquement les textes du Nouveau Testament, ouvre la voie aux théologiens cappadociens et à saint Augustin pour une réflexion plus poussée sur le mystère de l'Esprit."

Dans ses Lettres à Sérapion, Athanase expose la foi trinitaire (cf. I, 28) :

"Il y a donc une Trinité sainte et parfaite, reconnue comme Dieu dans le Père et le Fils et le Saint-Esprit ; elle ne comprend rien d’étranger, rien qui lui soit mêlé de l’extérieur ; elle n’est pas constituée de créateur et de créé, mais elle est tout entière vertu créatrice et productrice ; elle est semblable à elle-même, indivisible par sa nature, et unique est son efficience. En effet, le Père fait toutes choses par le Verbe dans l’Esprit , et c’est ainsi que l’unité de la Sainte Trinité est sauvegardée, ainsi que dans l’Eglise est annoncé un (seul) Dieu ‘(qui est) au-dessus de tous et (agit) par tous et (est) en tous’ : "au-dessus de tous" comme Père, comme principe et source, "par tous" par le Verbe, "en tous" dans l’Esprit-Saint. La Trinité existe, non pas limitée à un nom et à l’apparence d’un mot, mais (comme) Trinité en vérité et réalité. Car de même que le Père est l’Existant, ainsi son Verbe est l’Existant et Dieu par-dessus tout, et l’Esprit-Saint n’est pas dépourvu d’existence, mais il est et subsiste vraiment. […]
Que telle soit bien la foi de l’Eglise, que (les adversaires) l’apprennent par la manière dont le Seigneur, lorsqu’il envoya les Apôtres, leur enjoignit de donner ce fondement à l’Eglise, en disant : "Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit". De leur côté, les Apôtres, s’en étant allés, enseignèrent ainsi, et telle est la prédication (répandue) dans toute l’Eglise qui est sous le ciel." (Texte cité in Liebaert, p. 167)

La "divinisation" de l’être humain par le Christ sert de base à Athanase pour défendre la divinité du Verbe incarné (cf. Contre les Ariens, II ? 70) :

"La vérité montre que le Verbe n’appartient pas aux êtres créés, mais qu’il est bien plutôt lui-même leur Créateur. Ainsi a-t-il pris le corps humain créé pour le renouveler comme créateur et le diviniser en lui-même, et de cette façon nous introduire tous dans le Royaume des cieux à sa ressemblance. L’homme, solidaire de la création, n’aurait pas été divinisé si le Fils n’était pas Dieu véritable ; l’homme ne s’approcherait pas du Père si celui qui a revêtu le corps n’était pas par nature son Verbe véritable. De même que nous n’aurions pas été délivrés du péché et de la malédiction si ce n’était pas une chair humaine par nature que le Verbe avait revêtue, … ainsi l’homme n’aurait pas été divinisé si le Verbe fait chair n’était pas par nature né du Père, son Verbe véritable et propre. C’est pourquoi l’union s’est opérée de telle sorte qu’elle associe l’homme à Celui qui appartient par nature à la divinité et que son salut et sa divinisation soient fermement assurés… Car le Verbe était par nature Dieu véritable, en dépit du délire des Ariens, et il est devenu pour nous, dans cette chair, principe de la nouvelle création, lui-même étant créé homme pour nous et nous ouvrant cette voie (de la nouvelle création)." (cité in Liébaert, p. 169)

Au fur et à mesure que l’arianisme se répand dans l’Eglise (apogée vers 360)(6), alors que les défenseurs de la foi de Nicée sont un petit nombre (dont Athanase et Hilaire de Poitiers), Athanase va devoir vivre plus ou moins dans la clandestinité. Il multiplie les écrits polémiques et rédige la célèbre Vie de Saint Antoine qui devait contribuer à la diffusion de l’idéal monastique. Athanase est enfin réintégré définitivement à Alexandrie en 366.

Athanase mourut un peu trop tôt (373) pour voir la fin de la grande crise du siècle et la réunification de l’Eglise d’Orient (dans les années 380). Mais si la chrétienté a pu surmonter une des plus graves épreuves de son histoire, elle le doit pour une large part à cet homme intransigeant et indomptable, à ce croyant solide, à cet évêque avant tout soucieux du bien de l’Eglise. Athanase, notamment, a su, face à l’Empereur, sauvegarder l’espace d’indépendance indispensable à l’Eglise (nous verrons dans le chapitre suivant – quatrième – une lettre de l’évêque Ossius de Cordoue à l’empereur Constance à propos d’Athanase, son ami – lettre qui porte sur sur l’indépendance de l’épiscopat).

Avec Grégoire de Nazianze cf. Discours sur la divinité du Logos), prononcé à l'été 380 à Constantinople (peu avant le 2e concile oecuménique), on voit que la doctrine trinitaire est parvenue à maturité :

"La divinité est trois par les individualités, ou hypostases, si l’on préfère les appeler ainsi, ou par les personnes, car nous ne voulons pas nous quereller sur des noms aussi longtemps que les syllabes offrent le même sens ; mais elle est une par rapport à la substance. Car ces personnes sont divisées sans division, si je puis dire, et elles sont unies dans la division. En effet, la divinité est une en trois, et les trois sont un, en qui la divinité réside, ou, pour parler de façon plus précise, qui sont la divinité. Nous voulons éviter les excès et les défauts, ne pas faire de l’unité une confusion, ni de la division une séparation. Nous voudrions nous tenir aussi loin de la division d’Arius que de la confusion de Sabellius : ce sont des maux diamétralement opposés mais également pernicieux. Quel besoin en effet de faire comme ces hérétiques qui confondent Dieu ou le séparent de façon inégale ?..." (in Loew et Meslin, 1978, pp. 44-45)

Ou encore dans les Discours théologiques, 29, 16 :

"Le nom de Père n’est pas le nom d’une essence, ni d’une action. C’est le nom d’une relation : il désigne la manière d’être du Père à l’égard du Fils, ou du Fils à l’égard du Père."

ou 31, 9 :

"On nous demande : "Que manque-t-il donc à l’Esprit-Saint pour qu’il soit le Fils ? Car s’il ne lui manquait pas quelque chose il serait le Fils." Nous répondons qu’il ne lui manque rien, car il ne manque rien à Dieu. Mais c’est la différence de manifestation, si j’ose dire, ou mieux, c’est la différence des relations des trois personnes entre elles qui cause la différence de leurs noms. Les trois sont un au point de vue de la divinité, et l’unité est trinité du point de vue des propriétés. Il ne manque rien au Fils pour qu’il soit le Père, car la filiation ce n’est pas un manque. Mais cependant il n’est pas le Père. Ou bien, à ce compte-là, il manquerait quelque chose au Père pour qu’il soit le Fils, puisque le Père n’est pas le Fils ! Ainsi il n’y a point là un manque, ou une infériorité quant à l’essence ; mais les expressions être inengendré, être engendré, procéder, désignent le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Par là, on sauvegarde la distinction des trois personnes dans la nature unique, et la dignité unique de la divinité."

Certes les formulations restent complexes : nous sommes dans la théologie, et pas dans le langage de M. Toutlemonde, pour qui la discussion est peu accessible. Les prédicateurs vont dès lors s’efforcer d’expliquer, avec des images ou des expressions très différentes, adaptées à chaque public, ce que les Pères du Concile veulent ainsi rappeler. Et bien sûr les questions autour de la "Trinité" ne sont pas finies. St Augustin, St Hilaire de Poitiers et d’autres, vont écrire des "traités sur la Trinité"…

Une explication développée par Augustin peut peut-être nous éclairer un peu :

"… C’est la créature, de si loin disproportionnée et par-dessus tout corporelle, qui contraint [le Père, le Fils, le Saint-Esprit, inséparables dans leur action], à se séparer dans leur manifestation, de même qu’avec nos mots, sonorités corporelles bien entendu, le Père, le Fils, le Saint-Esprit ne peuvent recevoir leur nom, autrement que par des fractions de durée propres à chacun d’eux, séparées par une coupure nette et remplies par les syllabes de chaque mot." (De Trinitate, IV, xxi, 30)

Ephèse et Calcédoine. La question des deux natures du Christ

Le problème trinitaire contenait en germe le développement d’une question tout aussi importante : celle de savoir comment, dans le Verbe incarné, ce qui est de Dieu et ce qui est homme s’unissent en l’unique personne de Jésus-Christ et Seigneur… cf. Michel Meslin, in Jacques Loew et Michel Meslin, éd. L’histoire de l’Eglise par elle-même, Fayard, 1978, p. 45 sq. qui explique :

"Schématiquement on peut définir ainsi les deux pôles autour desquels oscillera la réflexion théologique. D’un côté, ceux qui affirment, tel Apollinaire, qu’"unique est la nature du Verbe divin qui s’est incarné", désirant ainsi arracher le Christ à la dualité chair / esprit qui déchire tout homme, et qui refusent de séparer les deux éléments unis dans l’Incarnation. De l’autre côté, ceux qui font partir leur réflexion théologique de l’existence historique de Jésus, et qui insistent sur la réalité des expériences humaines qu’il a connues, et enseignent la coexistence de deux natures formant "une conjonction sublime, ineffable, indissoluble" : tels les théologiens de l’école d’Antioche." (p. 46)

C’est ainsi que le Concile d'Ephèse en 431 valorise l'humanisation de Dieu tandis que le Concile de Chalcédoine en 451 établit le dogme de la double nature du Christ : pleinement homme et pleinement Dieu.

Une fois admise l’unité entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, les discussions théologiques rebondissent et obligent à pousser plus avant la réflexion. Ainsi, on s’interroge sur la personne de Jésus. Qu’en dire ? Jésus est-il Dieu avec une apparence humaine ? Est-il un homme favorisé par Dieu ?

C’est sur la personne du Christ que porte désormais la réflexion : Lui, le Verbe de Dieu, (Logos en grec), comment peut-il exister de toute éternité (puisqu’il est homme) et en même temps, être né, avoir souffert et être mort (puisqu’il est Dieu) ?

Deux tendances ou sensibilité théologiques s’affrontent alors.

A Alexandrie, en Egypte, on insiste sur l’unité du Christ en partant du Logos, ou Verbe. Le Christ est Dieu fait homme, Verbe fait chair. A Antioche on part des deux natures du Christ humaine et divine, car on ne veut rien perdre de son humanité. En découle la question : Qui est né de Marie : un homme ou un Dieu-Homme ?

Depuis 418, le patriarche de Constantinople, Nestorius refuse d’appeler la Vierge Marie, "Mère de Dieu", ce que font pourtant depuis longtemps nombre de chrétiens et de théologiens. Ce débat va dégénérer en conflit aigu entre deux personnalités : Nestorius de Constantinople et Cyrille d’Alexandrie.

Nestorius va s’attaquer à la piété populaire qui invoque Marie comme theotokos c’est-à-dire, mère de Dieu. Marqué par la tradition théologique de l’école d’Antioche, Nestorius insiste sur la dualité des natures humaine et divine, allant plus loin que ses maîtres au point de prétendre qu’on ne peut appeler Marie "mère de Dieu". En face de lui Cyrille (Ecole d’Alexandrie qui met l’accent sur l’union des deux natures) veut défendre l’unité du Christ et la croyance commune des chrétiens dans la divinité du Christ. Et Cyrille développe sa pensée : "Si Notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu, comment la Vierge sainte qui l’a enfanté ne serait-elle pas mère de Dieu, théotokos ?" Pour Cyrille, dans le Christ, Dieu et l’homme sont indissolublement liés.

La querelle s’envenimant, et alors même que la doctrine de Nestorius a été une première fois condamnée en 430 par un Concile romain, l’Empereur Théodose II décide de convoquer en 431 à Ephèse le 3e Concile oecuménique où il convie les représentants de toutes les provinces. Avec l’appui de quelque 200 évêques, Cyrille, évêque d’Alexandrie l’emporte : le Concile proclame "l’union réelle des deux natures dans le Christ et en conséquence, la maternité divine de Marie". Nestorius est déposé de sa charge, et le Concile d’Ephèse condamne ses thèses comme hérétiques.

Deux ans plus tard, en 433, Cyrille d’Alexandrie et Jean d’Antioche, dans un texte appelé le "symbole d’Ephèse", proposent une formule de réconciliation entre les deux grands courants antiochien et alexandrin sur la même profession de foi : "Des deux natures, l’union s’est faite... et à cause de cette union, nous confessons que la sainte vierge est theotokos, parce que le Verbe de Dieu s’est fait chair et s’est fait homme".

Le terme theotokos ne sera plus réellement contesté, même si dans les Eglises de Mésopotomie, les thèses nestoriennes continueront à avoir des adeptes.

La trêve dure peu. Eutychès, supérieur d’un monastère de Constantinople se met à propager l’erreur opposée à celle de Nestorius ! Eutychès voit les deux natures comme fondues en une seule dans la Christ, et il privilégie la nature divine, ce qui amène à vider de son contenu le mystère de l’Incarnation : c’est l’hérésie "monophysite" - comme on l’appellera par la suite. Flavien, l’évêque de Constantinople d’alors voit le danger, réunit un synode qui condamne en 448 la doctrine d’Eutychès, mais le patriarche d’Alexandrie, Dioscore, le successeur de Cyrille, défend Eutychès, sans doute aussi poussé par la jalousie envers l’évêque de Constantinople, dont le siège a reçu la prééminence sur l’antique siège d’Alexandrie. En 449, Théodose II, sous les intrigues de Dioscore et d’Eutychès, convoque à Ephèse un synode qui, en deux jours, usant de pressions et empêchant l’intervention des légats du pape Léon le Grand, qui s’enfuient pour ne pas signer sous la contrainte, favorise Dioscore qui obtient la réhabilitation d’Eutychès et la déposition de Flavien à Constantinople. Beaucoup d’évêques cependant se rebellent et Flavien, avant de mourir des suite des coups reçus à Ephèse fait appel au pape (Léon 1er le Grand, 440-461), qui condamne ce synode, désormais considéré comme le "brigandage d’Ephèse".

En 451, l’empereur Marcien, successeur de Théodose II convoque alors le 4e concile œcuménique à Chalcédoine. Ses 350 membres environ, alors que président les légats du pape (lui-même empêché de se déplacer comme beaucoup d’évêques occidentaux dans le trouble des invasions des Huns) confirment à l’unanimité la foi de Nicée et affirment croire aux deux natures du Christ en conformité avec la lettre que Léon le Grand avait écrite en 449 à Flavien :

"A la suite des saints Pères, nous enseignons d’une voix unanime qu’il faut confesser un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité et parfait en humanité, vrai Dieu et vrai homme avec une âme raisonnable et un corps ; de même nature que le Père selon la divinité et de même nature que nous selon l’humanité, en tout semblable à nous, sauf le péché (He 4, 15) ; né du Père avant les siècles selon la divinité, et… né de la Vierge Marie, Mère de Dieu, selon l’humanité ; un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique, qu’il faut reconnaître dans les deux natures, inséparablement unies, sans qu’elles soient confondues, transformées ou divisées – car la différence des natures n’est pas supprimée du fait de leur union, au contraire : ce qui est propre à chaque nature est sauvegardé et se rencontre avec l’autre dans l’unique personne ou "hypostase" ; un seul et même Fils unique, Dieu Verbe, le Seigneur Jésus-Christ, non partagé ou divisé en deux personnes. Ainsi les prophètes jadis et Jésus-Christ lui-même nous l’ont enseigné ; ainsi le symbole de nos Pères nous l’a transmis."

Les termes de Léon le Grand seront finalement retenus par l’Eglise dans sa définition du dogme christologique.

On peut considérer Chalcédoine, de fait, comme une étape-clé dans l’histoire de la séparation de l’Orient et de l’Occident, puisqu’il souligne l’abaissement d’Alexandrie et la volonté de Constantinople d’être l’égale de Rome, en se fondant sur son rôle politique (l’Empire en Occident, quant à lui est en train de s’effondrer du fait des envahisseurs goths et germains, puis les Huns – ce qui va expliquer aussi la prééminence croissante de Constantinople, et les conflits qui vont se succéder entre le patriarche de Constantinople et le pape à Rome, au cours des siècles qui suivent).

De ce fait, le Concile de Chalcédoine ne ramène pas totalement la paix. Les opposants à la formule de Chalcédoine, qui soutiennent la croyance en une nature unique du Christ, se séparent de l’Eglise officielle et fondent les églises monophysites(7).

D’autres questions se posent à l’Eglise, à côté de la question trinitaire. On peut évoquer bien sûr la question de la grâce (cf. débat d’Augustin avec le pélagianisme) qui pose tout à la fois la question de la liberté de l’homme, mais aussi celle du rôle central de l’Incarnation dans le Salut. C’est une question qui ne sera d’ailleurs jamais complètement réglée dans l’Eglise, qui resurgira notamment, sous divers avatars (cf. par exemple la doctrine de la prédestination : ses tenants au XVIIe siècle se réclameront d’Augustin, cf. l’Augustinus de Cornélius Jansen (1585-1638), dit Jansénius).

Il faudrait aussi parler de toute la question du mal (pullulent des sectes comme le manichéisme dans lesquelles Augustin lui-même cherche une solution au problème du mal) qui rend difficile déjà la croyance en un Dieu bon. Augustin devenu chrétien, évêque, théologien majeur de l’Eglise, contribuera ainsi à la définition du dogme du péché originel – sur lequel il y aurait beaucoup à dire ! (Cf. pour ceux qui veulent aller plus loin Le péché originel. Heurs et malheurs d’un dogme, sous la direction de Christophe Boureux et Christoph Theobald, Bayard, 2005, 215 p.)

Nous nous contenterons de ces évocations pour l’instant ; ces questions étant sans doute d’une immense complexité et ne relevant probablement pas pour leur détail d’un cours destiné à un public non spécialisé. Mais cette première approche nous permet de percevoir l’importance de ces siècles (IIIe – Ve) pour l’élaboration des contenus majeurs de la foi chrétienne.


(1) Les conciles œcuméniques représentent le rassemblement de tous les évêques de l'Église définie en relation avec "le monde connu" (oekuménè) ; le but d'un concile est en général de fournir une explicitation de la Révélation chrétienne et de faire une élaboration théologique collégiale de la foi chrétienne. L’Eglise catholique reconnaît vingt et un conciles œcuméniques, l’Eglise orthodoxe ne retient que les huit premiers conciles qui ont eu lieu avant la séparation de l’Eglise d’Orient et d’Occident en 1054 ; les Eglises protestantes et l’Eglise anglicane ne reconnaissent que les quatre premiers conciles – ceux dont nous allons parler ici.

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(2) Arius enseignait à ses nombreux disciples attirés par son âge avancé, sa vie ascétique que le Verbe avait été tiré du néant, qu’il y avait un temps où il n’existait pas (négation de son éternité). Pour Arius le Verbe est une "créature", une créature pas comme les autres, mais il n’est pas éternel, il n’est pas co-éternel au Père.

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(3) Pour plus de détail on peut se référer à un bon dossier du Monde de la Bible paru en 2002 ("Querelles sur la divinité de Jésus"), et en particulier à l'article d'Annick Martin, "Le fulgurant succès d'Arius", » in Le monde de la Bible, 2002, n° 147, pp. 22-29.

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(4) Un des diacres de l’évêque Alexandre, il l’a accompagné comme secrétaire à Nicée. Il lui succèdera en 328. Il sera évêque d’Egypte jusqu’à sa mort en 373. Défenseur de l’orthodoxie contre l’arianisme régnant, il devra quitter Alexandrie en 331. Déposé par le Concile de Tyr (composé d’évêques hostiles) et dénigré auprès de Constantin, il est exilé à Trèves. A la mort de Constantin en 337, il rentrera, pour être à nouveau chassé en 339.

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(5) Mort en 362, cet évêque de Thmuis en Egypte, est l'un des plus précieux témoins de la liturgie égyptienne au 4ème s. grâce à "l'euchologe" ou sacramentaire transmis sous son nom et découvert en 1899. Il se distingua par son opposition à l'arianisme et fut un grand ami de saint Athanase.

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(6) En particulier, l’Empereur Constance en 350 est pro-arien.

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(7) C’est de fait pour des raisons souvent très politiques que beaucoup de provinces refusent la formule "orthodoxe" de Chalcédoine : c’est une manière de manifester leur indépendance culturelle et religieuse face à l’impérialisme grec de Constantinople. Ainsi les chrétiens coptes d’Egypte choisissent-ils le monophysisme. De même que les Syriens : le monophysisme devient la religion des chrétiens de langue syriaque. Ce sont les provinces et groupes de culture grecque qui suivront Chalcédoine. En dehors de l’Empire aussi, ce sont des considérations politiques qui font pencher les régions en faveur de l’une ou l’autre doctrine : l’Empire perse adopte le nestorianisme, les Arméniens par opposition adoptent le monophysisme. Autant de sécessions qui perdurent jusqu’à aujourd’hui. (note reprise d’un texte de Laurence Monroe "Les grands conciles", sur Croire.com).

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