La joie est présente dans la Parole de Dieu (la Bible) ; elle est aussi chez les Pères qui commentent la Bible : ils sont ainsi témoins et interprètes de la "joie de Dieu". Cette joie est ainsi révélée par exemple dans les Psaumes :
"En lui, la joie de notre cœur, en son nom de sainteté notre foi" (Ps 33, 21)
ou
"Joie pour tous ceux que tu abrites, allégresse à jamais ; tu les protèges, en toi exultent
ceux qui aiment ton nom." (Ps 5, 11)
et beaucoup d'autres passages des Psaumes ou d'autres livres…
Il convient dès lors d'étudier les propriétés, les spécificités de cette joie en Dieu : d'où l'objet de ce cours, qui est aussi l'occasion, en outre, de faire connaître les Pères, trop souvent méconnus.
Docteurs | Dates |
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Athanase | 295-373 |
Basile le Grand | 330-379 |
Grégoire de Nazianze | 329-389 |
Jean Chrysostome | 349-407 |
Ambroise | 339-397 |
Augustin | 354-430 |
Jérôme | 340-420 |
Grégoire le Grand | 540-604 |
Hilaire | 315-368 |
Ephrem | 306-373 |
Cyrille de Jérusalem | 315-386 |
Cyrille d'Alexandrie | 370-444 |
Pierre Chrylologue | 380-451 |
Léon le Grand | 395-461 |
Isidore | 560-636 |
Bède le Vénérable | 673-735 |
Jean Damascène | 676-750 |
Pierre Damien | 1007-1072 |
Anselme | 1033-1109 |
Bernard | 1090-1153 |
Antoine de Padoue | 1195-1231 |
Thomas d'Aquin | 1225-1274 |
Bonaventure | 1221-1274 |
Albert le Grand | 1206-1280 |
Catherine de Sienne | 1347-1380 |
Thérèse d'Avila | 1515-1582 |
Jean de la Croix | 1542-1591 |
Pierre Canisius | 1521-1597 |
Laurent de Brindisi | 1559-1619 |
Robert Bellarmin | 1542-1621 |
François de Sales | 1567-1622 |
Alphonse-Marie de Liguori | 1696-1787 |
Thérèse de Lisieux | 1873-1897 |
C'est ainsi effectivement que l'an dernier nous avons traité successivement :
Nous poursuivrons cette année (peut-être en modifiant l'ordre) avec :
Nous parlons bien ici de "langages" et non pas de "langues" : il ne s'agit pas de discuter des langues utilisées par les Pères et docteurs, de nous arrêter sur le choix d'un mot ou d'un autre ; nous en serions bien empêchés puisque ce qui vous est livré ici vous est toujours livré en traduction française, et nous n'avons pas l'intention de discuter de syriaque, de grec ou même de latin !
Mais les Pères pour se faire comprendre, pour commenter la Bible, recourent à différents procédés langagiers et à des symboles utilisés pour faire passer le sens : c'est à ces "langages", à ces procédés linguistiques que nous nous intéresserons pour mieux comprendre leur valeur et leur signification. Effectivement, en matière de découverte de la Bible, Parole de Dieu, on a toujours affaire à des questions de sens particulièrement complexes : sens infini, infiniment nouveau, toujours nouveau... Il conviendra toujours de rappeler la radicale nouveauté de la Parole de Dieu : les difficultés pour la transmettre sont perçues dès les débuts de l'Eglise, dès l'Evangile (cf. les paraboles du Christ).
Quatre questions retiendront particulièrement aujourd'hui notre attention.
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Au cœur de tout cela : les symboles.
"… il faut comprendre la parabole comme la mise en scène de symboles, c'est-à-dire d'images tirées des réalités terrestres pour signifier les réalités révélées par Dieu […] nécessitant la plupart du temps une explication en profondeur. […] Dès le début de son histoire, Israël se trouvait devant cette gageure de parler, avec une mentalité très concrète, du Dieu transcendant qui n'admettait aucune représentation sensible. Il fallait donc sans cesse évoquer la vie divine à partir des réalités terrestres qui prendront valeur de signes." (Daniel Sesbouë, "Parabole", in Vocabulaire de théologie biblique, Cerf, 1995, p. 891).
[En ce qui concerne l'Evangile, et l'enseignement du Christ] "le mystère du Royaume et de la personne de Jésus est si neuf qu'il ne peut, lui aussi, que se manifester graduellement, et suivant la réceptivité diverses des auditeurs. C'est pourquoi Jésus, dans la première partie de sa vie publique, recommande à son sujet le "secret messianique", si fortement mis en relief par Marc (Mc 1, 34-44 ; 3, 12 ; 5, 43…). C'est pourquoi aussi il aime parler en des paraboles qui, tout en donnant une première idée de sa doctrine, obligent à réfléchir et ont besoin d'une explication pour être parfaitement comprises." (Daniel Sesbouë, "Parabole", in Vocabulaire de théologie biblique, Cerf, 1995, p. 893).
Réfléchir par exemple à la parabole du semeur, au bon samaritain, etc.
"… le langage symbolique a la force et la capacité inouïe et mystérieuse de dire autre chose que ce qu'il exprime littéralement ! Pour l'être humain, le monde des significations est aussi vital que le monde des choses : il lui est essentiel de donner du sens à la réalité. On peut parler à cet égard de la force de symbolisation du langage humain dans la mesure où le symbole est moins le mot que le mouvement même de la signification littérale qui offre le sens évoqué. Le symbole rend présent ce qui est impossible à percevoir. Il redécrit la réalité sous des aspects qui ne sont pas immédiatement perceptibles, il la recrée et l'invente. Il permet de décoller de l'univers des choses et de faire venir au langage ce que les êtres humains éprouvent, ressentent ou croient." (Villepelet, 2003b, p. 23-24).
Ces définitions et explications nous permettent de comprendre l'importance nécessaire des symboles dans la recherche de Dieu : les symboles comme moyen pour atteindre plus de sens, notamment dans la lecture biblique, telle qu'elle est faite dans les commentaires des Pères…
Le paradoxe rend présents en même temps une chose et son contraire : nous avons déjà des exemples dans les expressions paradoxales du Christ : "Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera." (Mt 10, 39). Mais ce que le Christ a fait pendant sa vie publique, sert aussi à maintes reprises dans l'histoire de l'Eglise, dès qu'il s'agit d'essayer de mieux faire percevoir les exigences de Dieu et Tenter d'approcher un peu le mystère de Dieu : celui qui, infiniment grand, s'est fait le plus petit", et nous invite à "aimer nos ennemis", en nous expliquant que "les premiers seront les derniers ", C'est encore les paroles de St Paul, qui sait attirer notre attention sur les paradoxes fondamentaux : "Mais ce qu'il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages; ce qu'il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort…" (1 Corinthiens 1, 27) ou encore : "C'est pourquoi je me complais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses endurées pour le Christ ; car, lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort." (2 Corinthiens 12:10 )
Les Pères recourent très souvent à ce langage. Exemples chez Augustin :
"Bien tard je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle", Conf., Ch. X)
Confessions I, iv, 4 :
"Qu'est-ce donc que mon Dieu ?O très grand, très bon,
très puissant, tout-puissant,
très miséricordieux et très juste,
très retiré et très présent,
très beau et très fort ;
stable et insaisissable,
ne pouvant changer et changeant tout ;
jamais neuf, jamais vieux,
mettant tout à neuf et conduisant à vétusté les superbes
et ils l'ignorent ;
toujours en action, toujours en repos,
amassant sans avoir de besoin,
portant et remplissant et protégeant,
créant et nourrissant et parachevant,
cherchant bien que rien ne te manque ;
tu aimes et ne brûles pas ;
tu es jaloux et plein d'assurance ;
tu te repens et ne souffres pas ;
tu t'irrites et restes calme ;
tu changes d'oeuvre, sans changer de dessein ;
tu reprends ce que tu trouves et n'as jamais perdu ;
jamais sans ressources, tu te réjouis de tes gains ;
jamais avare, tu réclames les intérêts ;
on te donne en trop si bien que tu es en dette,
et qui possède rien qui ne soit à toi ?
tu acquittes les dettes, sans devoir à personne ;
tu remets les dettes sans perdre rien.
Et qu'avons-nous dit, mon Dieu,
ma vie, ma sainte douceur ?
Ou que dit-on, quand on dit quelque chose sur toi ?
Et malheur à ceux qui se taisent sur toi
puisque, bavards, ils sont muets."
[On parle aussi de "typologie"]
"Le principe des préfigurations, esquissé dès l'AT, exploité constamment dans le NT, défini explicitement (avec des nuances appréciables) par saint Paul et l'épitre aux Hébreux, est donc essentiel à la révélation biblique, dont il permet de comprendre le développement. De l'un à l'autre Testament, il met en lumière la continuité d'une vie de foi menée par le peuple de Dieu à des niveaux différents, dont le premier annonçait, "par mode de figures", celui qui devait le suivre." (Pierre Grelot, "Figure" in Vocabulaire de Théologie biblique, Cerf, 1995 p. 466).
Cf. le nouvel Adam, la nouvelle Eve, la Jérusalem céleste…
"Le terme du dessein de Dieu ne sera révélé en clair que lorsqu'il prendra corps dans l'Evénement eschatologique. Pourtant, Dieu a déjà commencé d'en donner obscurément connaissance à son peuple à partir des événements de son histoire. Des expériences comme l'exode, l'alliance sinaïtique, l'entrée en terre promise, etc., n'étaient pas des accidents dénués de sens. Actes de Dieu dans le temps humain, ils portaient en eux-mêmes la marque de la fin que Dieu poursuit en dirigeant le cours de l'histoire, ils en esquissaient progressivement les traits. C'est pourquoi ils peuvent déjà nourrir la foi du peuple de Dieu. C'est pourquoi aussi les prophètes, évoquant dans leurs oracles eschatologiques la fin du dessein de Dieu, y montrent la reprise plus parfaite des expériences passées : nouvel exode (Is 43, 16-21), nouvelle alliance (Jr 31, 31-34), nouvelle entrée en terre promise vers une Jérusalem nouvelle (Is 49, 9-23), etc." (Pierre Grelot, ibid., pp. 460-461).
Un exemple significatif d'utilisation des figures par un Père de l'Eglise : St Epiphane (évêque de Salamine à Chypre, mort en 403) : Homélie III pour la Sainte Résurrection du Christ :
"En ce jour, le Seigneur accomplit tous les types, toutes les ombres, toutes les prophéties : notre Pâque, la Pâque véritable, le Christ, a été immolé, et dans le Christ est une création nouvelle, une foi nouvelle, une nouvelle loi, un nouveau peuple de Dieu : non le vieil Israël, mais la Pâque nouvelle : une nouvelle circoncision dans l'Esprit, un nouveau sacrifice non sanglant, une nouvelle et divine alliance. Renouvelez-vous aujourd'hui et renouvelez en vos cœurs un esprit ferme afin de recevoir les sacrements de la fête nouvelle et véritable, de jouir aujourd'hui de la joie du vrai ciel, de repartir dans la lumière de la nouvelle Pâque qui ne passe pas, et dont l'ancienne Pâque qui passe était la figure. Voyez la différence des figures et de la réalité : Dans l'ancienne Pâque, Moïse a lavé son peuple d'un baptême nocturne et la nuée recouvrait le peuple ; ici la puissance du Très-Haut recouvre de son ombre le peuple du Christ. Alors Marie, sœur de Moïse, conduisait les chœurs lors de la libération du peuple, maintenant, pour la libération du peuple des païens, l'Eglise du Christ est en fête en toutes les Eglises. Là, Moïse va vers un rocher, ici le peuple se confie dans le rocher de la foi. Alors le veau d'or était fondu pour le châtiment du peuple, maintenant l'Agneau de Dieu est immolé. Alors Moïse frappait la pierre de son bâton, maintenant le Christ, qui est la pierre, a le côté percé. Là, l'eau jaillit de la pierre, ici du côté percé coulent l'eau et le sang. Alors, ils mangeaient la manne qui ne se conservait pas et ils sont morts ; nous, nous mangeons le pain de vie, pour la vie éternelle." (Lectionnaire pour les dimanches et pour les fêtes de Jean René Bouchet, Cerf, 1994, pp. 196-197).
Chapitre 5e : Joie et soufrance
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