Il n’est pas possible de traiter de la "résurrection de Jésus" sans évoquer tout ce qui lui est immédiatement lié dans la foi chrétienne. Comme le dit Bernard Sesboüé (chapitre XIV La résurrection de Jésus) :
Ajoutons que les Pères ne sont pas les derniers à avoir contribué aux "images" : effectivement, même si les efforts de Bernard Sesboüé et de nombreux contemporains qui dénoncent les images sont nombreux et louables, il faut reconnaître que l’homme a bien du mal à comprendre quoi que ce soit à ce qui est l’un des mystères profonds de notre condition humaine et de notre rapport à Dieu. Nous avons vu la dernière fois le mystère de l’incarnation. Avouons que celui de la résurrection n’est pas mal non plus ! Quand on ne comprend pas, on essaye de se raccrocher à des images, à de belles histoires.
Hans Urs von Balthasar dans un article suggestif "Il ressuscita le troisième jour…" propose un sous-titre tout aussi marquant : "La mort engloutie par la vie" (in Je crois en un seul Dieu, PUF-"Communio", sous la direction d’Olivier Boulnois, 2005). C’est vrai que l’homme contemporain aime souvent mieux se raccrocher à des mots, à des jeux de mots, à des jeux de langage, à des paradoxes, qu’à des "images" vite qualifiées de naïves. C’est précisément de "paradoxes" que nous entretient Hans Urs von Balthasar quand il parle pour la résurrection de "la mort engloutie par la vie" (pp. 193-199). Il souligne le premier paradoxe qui réside dans "une passivité qui dépasse toutes les limites de la capacité de souffrir et qui est rendue possible par un pouvoir actif dépassant les limites du dessaisissement possible." (p. 195) : le Christ prend en charge volontairement le péché du monde qui est mis sur ses épaules. Le deuxième paradoxe est que ce "pouvoir de poser de façon absolument volontaire l’acte du dessaisissement de soi-même est une mission reçue du Père : ici s’ouvre donc la dimension trinitaire." (id.) : cette expérience du péché qui est expérience de l’éloignement de Dieu est faite dans l’intimité la plus profonde avec le Père et l’Esprit.
C’est bien ce que dit Jean quand il souligne le caractère volontaire du don de sa vie par le Christ (ma vie, personne ne me l’enlève, je la dépose de moi-même).
Nombreux sont les commentaires de Jean 10, 17-18 ("c'est pour cela que le Père m'aime, parce que je dépose ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l'enlève ; mais je la dépose de moi-même. J'ai pouvoir de la déposer et j'ai pouvoir de la reprendre; tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père."), comme celui d’Augustin qui reprenant ce passage dans le Tract. 47 des Homélies sur l’Evangile de Saint Jean insiste sur le caractère volontaire de la mort du Christ : il donne sa vie, mais personne ne la lui prend. C’est en ce sens qu’il nous sauve (et que le Père l’aime) : il n’est pas une victime passive, mais ce Dieu d’amour qui veut restaurer l’homme dans son Amour. Ainsi St Basile de Séleucie (mort après 468) écrit :
Quand nous affirmons la résurrection, nous proclamons d’abord et avant tout la victoire de la vie sur la mort. La mort n’a pas le dernier mot : la vie triomphe, parce que le Christ est vie pour un monde nouveau et que le Christ, le premier, a vaincu la mort :
Par sa résurrection le Christ est celui qui ouvre la voie ; c’est aussi par la résurrection qu’il offre son corps vivant comme espace pour le péché du monde : c’est le don de l’Eucharistie. (développé par H. Urs von Balthazar, op., pp. 196-197) :
En-dehors de l’Eucharistie, précisément, il n’y a pas de représentation possible de la résurrection pour l’homme enfermé dans son univers spatio-temporel. Mais l’Eucharistie temps et lieu de la manifestation du Christ, présence réelle de Celui qui nous fait par là même "corps" tous ensemble, est symbole fort choisi par Dieu pour nous dire la résurrection : un peu de pain, un peu de vin, c’est-à-dire l’ordinaire de l’homme dans lequel Dieu a choisi de se manifester maintenant et toujours.
On a déjà souligné la difficulté des disciples devant l’acte de croire : beaucoup se dérobent. Le tombeau vide ne peut constituer une preuve (on a pu l’enlever) : mais il peut être – et c’est le cas pour Jean – le début d’un mouvement de foi : "il vit et il crut" (Jn 20, 8). C’est donc bien sur la foi des disciples – cette foi qui les amène à témoigner -, et non pas sur leur compréhension d’un mystère qui les dépasse autant que nous, qu’est fondée notre foi. Les disciples qui ont "vu "(cf. tombeau vide, théophanie avec les anges, apparitions de Jésus) ont du mal à croire ; il ne faut pas s’étonner que nous ne puissions pas adhérer par la compréhension (1), et par des représentations matérielles de la résurrection, mais uniquement par la foi qui est aussi notre espérance (espérance en notre résurrection) : "Il n’y a pas en effet de foi sans espérance, comme il n’y a pas d’espérance sans un minimum de foi" (Sesboüé, p. 314).
Sesboüé tente de nous mettre en garde contre toute représentation erronée et matérielle de la résurrection : "La tentation de rendre compte de la résurrection sur le plan matériel nous guette toujours" : la résurrection n’est pas un "phénomène" et ne doit pas être pensée à l’intérieur de notre continuum spatio-temporel ; "elle ne conduit pas à une vie du même ordre que la précédente", Sesboüé, ibid. p. 311).
Tout en affirmant que notre corps, qui est déjà "spirituel" à plus d’un titre, le sera complètement après la résurrection, Sesboüé reconnaît : "nous ne pouvons en dire plus parce que nul sur terre n’a encore ressuscité. Mais nous affirmons ainsi une réalité d’espérance et de foi qui va bien au-delà de la notion de l’immortalité de l’âme." (Sesboüé, p. 312)
La résurrection du Christ est bien différente de celle de Lazare : le Christ n’a pas retrouvé son corps ancien (notez comment les disciples ou Marie-Madeleine ne le reconnaissent pas ; St Paul parle de "corps spirituel"), même si Jésus trouve des moyens pour se faire voir de ses disciples qui sont toujours dans le temps et l’espace qui les limitent, qui en principe leur bouchent la vue et les oreilles à la présence de Dieu – ce qui est notre cas toujours bien sûr. Mais la réalité de Dieu qui est d’un autre ordre n’est pas pour autant à rejeter parce que nous ne le voyons pas. Ce n’est pas pour rien qu’Augustin reprend si souvent, après Paul (1 Co 2, 9) cette allusion à Isaïe "ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme" ; par exemple :
Ce que nous savons de la résurrection, au-delà de toutes les imaginations, c’est son effet sur les apôtres, leur transformation complète. La résurrection du Christ les a transformés en entrant dans leur vie : des hommes craintifs et désespérés du vendredi, elle fait des hommes hardis qui sortent à la Pentecôte et annoncent l’Evangile. L’Eglise "apparaît au regard de la foi comme l’œuvre du Ressuscité qui, en la construisant, s’est donné en elle l’organe visible destiné à maintenir sa vie transfigurée dans sa Résurrection." (Leo Scheffczik, "Ce sur quoi tout repose" in Je crois en un seul Dieu, Olivier Boulnois, éd., Communio, PUF, p. 205,).
Certes, le premier "effet" de la résurrection c’est la transformation des apôtres. Notons toutefois que la résurrection les atteint, plus ou moins vite, mais au plus profond d’eux-mêmes. Pour Jean, tout va très vite : "Il vit et il crut". Pour les autres, comme rapportée par exemple par Luc dans les Actes, la "conversion" est plus lente, mais elle est bien réelle : d’abord peureux, enfermés dans le Cénacle, ils sortent et annoncent la bonne nouvelle au grand jour. Ils s’adressent à tous, ils accomplissent des miracles, ils suscitent une vie de communauté parmi tous ceux qui les approchent. Comment s’étonner si certains des apôtres, qui, eux, ont connu le Christ, ont du mal à se laisser transformer, que nous, la transformation par la résurrection du Christ soit si lente en notre vie ?
Personne n’était présent au moment de la résurrection du Christ et personne donc ne peut raconter ce qui s’est passé. Mais nous pouvons et nous devons rapporter les "effets" de la résurrection, chez les apôtres, mais également en nous et chez ceux qui nous entourent. Si l’on peut "prouver" la résurrection c’est par les transformations qu’elle provoque en ceux qui ont été approchés par le Christ ressuscité. Le cas de Paul pour exemplaire qu’il soit n’est pas "unique" : combien dans l’histoire de l’Eglise et parmi nos contemporains n’ont-ils pas un jour rencontré le Christ ressuscité sur leur chemin de Damas ?
Maxime de Turin (évêque, mort en 423) prêche sur ce jour qui n’a pas de nuit, insistant sur cette résurrection qui poursuit son œuvre en nous tous :
On peut encore aller plus loin et mieux préciser la nouveauté de la résurrection, ce qui se passe quand le ressuscité s’adresse à nous et ouvre nos yeux comme les yeux des disciples d’Emmaüs. La résurrection se voit dans le changement de l’homme : l’homme ancien devient homme nouveau, les apôtres eux-mêmes en sont effectivement témoins dans leur comportement. Mais ne faisons pas simpliste (comme par exemple dans le film Mary de Ferrara) : les changements sont d’ordre divers : si le pécheur découvre son péché, ce n’est pas la seule façon d’être "homme nouveau" : ce n’est pas non plus simplement en partant à Jérusalem et changeant de vie ; c’est peut-être aussi pour le saint de devenir pécheur, c’est en tout cas pour le Christ de porter le péché du monde : "Dieu l’a fait péché pour nous" (2 Co 5, 21). Notons quelques transformations visibles dans les Evangiles, ou bien dans les récits des Actes, ou bien chez Paul : signes de cette résurrection inconcevable mais si réelle dans nos vies :
Devant la richesse de tant de symboles, sans cesse renouvelés, comment peut-on encore souhaiter voir la résurrection comme un grand tremblement de terre ou une pierre renversée ? La résurrection est présente tous les jours et en chacun de nous. Ce temps dont nous faisons mémoire et que nous nous plaignons de n’avoir pas vu, nous oublions de le regarder dans nos vies et dans les vies de ceux qui nous entourent.
La nouveauté de la résurrection est encore affirmée par St Epiphane (évêque de Salamine à Chypre, mort en 403) : Homélie III pour la Sainte Résurrection du Christ :
Nous ne saurions "comprendre" la résurrection sans en voir les figures. Nous affirmons vouloir vivre de la résurrection mais nous sommes englués dans la mort et le péché. Pour ressusciter nous-même et ainsi vivre de la résurrection du Christ, communions tous ensemble au pain et au vin, sources pour nous de cette vie même du Christ, de cette vie de "ressuscité" parce qu’il l’a voulu ainsi.
Les femmes, avec Eve occasion de chute, sont les premières à être témoins de cette résurrection du Christ : marque délicate de ce pardon donné par le Christ précisément dans sa résurrection (dont on voit une autre marque avec la triple interrogation à Pierre "m’aimes-tu ?", alors que Pierre a renié trois fois).
Les femmes porteuses d’aromates envoyèrent en avant Marie-Madeleine au sépulcre selon
le récit de Jean le Théologien. Il faisait noir, mais l’amour l’éclairait : aussi aperçut-elle la grande pierre
roulée de devant la porte du tombeau et elle retourna dire : "Disciples, sachez ce que j’ai vu : la pierre ne
recouvre plus le tombeau. Auraient-ils enlevé mon Seigneur ? Pas de gardes en vue : serait-il ressuscité, celui qui
offre aux hommes déchus la résurrection ?"
A ces mots Céphas et le fils de Zébédée partirent aussitôt en courant comme s’ils luttaient de vitesse… Or, ils
ne trouvèrent pas le Seigneur… Marie qui les suivait leur dit : "Mystes du Seigneur, vous qui l’aimez d’amour
vraiment brûlant, ne pensez pas ainsi… Car ce qui s’est passé c’était une disposition divine pour que les femmes,
premières dans la chute, fussent les premières à voir le ressuscité ; c’est nous que veut gratifier de son
"Réjouissez-vous", nous qui sommes en deuil, celui qui offre aux hommes déchus la résurrection."
Le Seigneur qui voit tout, voyant Madeleine vaincue par les sanglots, accablée de tristesse, en eut le cœur touché
et se montra à la jeune fille ; il lui dit : "Femme pourquoi pleures-tu, qui cherches-tu dans le tombeau ?"
Alors Marie se retourna et lui dit : "Je pleure, car on a enlevé mon Seigneur du tombeau et je ne sais où il
repose… Il est mon maître, il est mon Seigneur, lui qui offre aux hommes déchus la résurrection."
Celui qui sonde les reins et les cœurs, sachant que Marie reconnaîtrait sa voix, appela la brebis, lui, le pasteur véritable : "Marie", dit-il et aussitôt elle le reconnut : "C’est bien lui mon bon pasteur qui m’appelle pour me compter désormais avec les quatre-vingt-dix-neuf brebis. Car je sais bien qui il est, celui qui m’appelle : je l’avais dit, c’est mon Seigneur, c’est celui qui offre aux hommes déchus la résurrection."
Le Seigneur dit à Marie : "Que ta bouche désormais publie ces merveilles, femme, et les explique
aux fils du Royaume qui attendent que je m’éveille, moi le Vivant ; va, Marie, rassemble mes disciples…
éveille-les tous comme d’un sommeil afin qu’ils viennent à ma rencontre avec des flambeaux allumés. Va dire :
l’Epoux s’est éveillé… celui qui offre aux hommes déchus la résurrection."
"Mon deuil s’est soudain transformé en liesse, tout m’est devenu joie et allégresse", s’écrie Marie. "Je n’hésite
pas à le dire : j’ai reçu la même gloire que Moïse ; j’ai vu, oui, j’ai vu, non sur la montagne, mais dans le
sépulcre… le maître des incorporels et des nuées, celui qui est, qui était et qui vient, me dire : hâte-toi Marie,
va révéler à ceux qui m’aiment que je suis ressuscité… Il est revenu à la vie, celui qui offre aux hommes déchus
la résurrection." (Hymne 40 sur la résurrection de saint Romain le Mélode, prêtre (6e siècle), in Bouchet,
op. cit., pp. 455-457)
Quant à Marie, la Vierge, la mère de Dieu, St Vincent Ferrier, prêtre (1357-1418), la montre confiante et assurée, attendant la résurrection de son Fils tout au long de la Grande Nuit (image qui va assez largement à l’encontre – autre paradoxe - de notre vision d’une Marie éplorée) :
"La Vierge était absolument certaine de la résurrection de son Fils puisqu’il l’avait si ouvertement prédite ; mais elle en ignorait l’heure qui, en effet, ne se trouve nulle part déterminée. Elle passa donc la nuit du Grand Samedi, qui lui parut bien longue, à réfléchir sur l’heure possible de la résurrection. Sachant que David a, plus que les autres Prophètes, parlé de la Passion du Christ, elle parcourut le psautier, mais n’y trouva nulle indication de l’heure. Cependant, au psaume 56, David, parlant en la personne du Père à son Fils, dit : "Eveille-toi, ma gloire, éveille-toi ma harpe et ma cithare." Et le Fils répondit : "Je m’éveillerai à l’aurore…" Quand la Vierge Marie sut l’heure de la résurrection, je vous laisse penser avec quel empressement elle se leva pour voir si l’aurore venait. Elle constata que non et acheva le psautier. Puis elle voulut s’assurer si d’autres Prophètes n’avaient pas mentionné l’heure de la résurrection et elle trouva au chapitre six d’Osée ce texte : "Après deux jours il nous rendra la vie, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence. Appliquons-nous à connaître le Seigneur, sa venue et certaine comme l’aurore."
La Vierge se leva et dit : "Ces témoins de l’heure où mon Fils doit ressusciter me suffisent…" puis elle regarda par la fenêtre et vit que l’aurore commençait à poindre. Sa joie fut grande : "Mon Fils va ressusciter", dit-elle. Puis, fléchissant les genoux, elle pria : "Réveille-toi, sois devant moi et regarde, et toi, Seigneur Dieu Sabaoth, réveille-toi." Et, aussitôt, le Christ lui envoya l’ange Gabriel disant : "Toi qui as annoncé à ma Mère l’incarnation du Verbe, annonce-lui sa résurrection." Aussitôt l’Ange vola vers la Vierge et lui dit : "Reine du ciel, réjouis-toi, car celui que tu as mérité de porter dans ton sein est ressuscité comme il l’a dit." Et le Christ salua sa Mère en disant : "La paix soit avec toi…" Et Marie dit à son Fils : "Jusqu’ici, mon Fils, je rendais mon culte le samedi, pour honorer le saint repos après la création du monde ; désormais, ce sera le dimanche, en mémoire de ta résurrection, de ton repos et de ta gloire. Et le Christ approuva.
Le Christ raconta à Marie ce qu’il avait fait aux enfers, comment il avait enchaîné Satan, et présenta à sa Mère les patriarches qu’il en avait amenés. Et tous la saluèrent d’une inclination profonde. Je vous laisse à penser quels furent les sentiments d’Adam et d’Eve lorsqu’ils dirent à la Vierge Marie : "Bénie sois-tu notre fille et notre Dame, toi dont parlait le Seigneur lorsqu’il dit au serpent : je mettrai une hostilité entre toi et la femme." Eve ajouta : "J’ai fermé par ma faute le paradis, mais toi, pleine de grâce, tu l’as ouvert à nouveau." Et chaque Prophète lui disait tour à tour : "J’ai prophétisé de toi ici ou là dans mon livre", puis tous la saluèrent en disant : "Tu es la gloire de Jérusalem, la joie d’Israël et l’honneur de notre peuple." Et la Vierge leur rendit leur salut par ces mots : "Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis pour annoncer les louanges de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière." Et les anges chantèrent à nouveau : "Reine du ciel, réjouis-toi." (Sur la Sainte Pâque cité in Bouchet, pp. 411-413).
La mort de Jésus était marquée par la présence trinitaire : conformité à la volonté du Père et appel terrible : "Mon Dieu mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné", mais également "il rendit l’esprit" et c’est presque à ce moment que s’écoulent du côté du Christ l’eau et le sang qui fondent l’Eglise désormais habitée par l’Esprit.
Il fallait s'attendre à ce qu'Augustin souligne la présence trinitaire lorsque, le soir de Pâques, Jésus retrouve ses disciples et souffle sur eux :
Pour Jean il n’y a pas d’Ascension : le retour au Père s’accomplit dans la résurrection, et il n’a pas éprouvé la nécessité de distinguer deux temps comme Luc pour permettre à nos esprits de petite capacité de s’imprégner, successivement, de chacun de ces mystères (qui d’ailleurs n’en font qu’un) : comme Luc nous y invite, ce n’est donc que la prochaine fois que nous examinerons les autres articles du Credo ("est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu…") ! mais nous devions insister aujourd’hui déjà sur l’unité de la résurrection et de la session à la droite du père, en même temps que sur cette présence trinitaire à la résurrection : en Dieu, il n’y a pas successivement le Fils qui ressuscite dans la solitude de Pâques, puis, retour au Père dans l’Ascension et enfin don de l’Esprit à la Pentecôte. Cette chronologie toute humaine tente de comprendre, en étalant dans le temps l’infini et l’éternité du don de Dieu. Mais Dieu est unique et en Lui il n’y a pas de temps et de chronologie ; il se manifeste selon des visages différents pour nous permettre d’accéder progressivement à ce qui est en Lui plénitude : s’il y a pour nous des temps de la révélation, c’est parce que nous ne pouvons recevoir Dieu dans sa plénitude en raison de notre capacité. N’oublions jamais cela et essayons de faire de cette conscience de nos limite s un tremplin pour atteindre chaque jour un peu mieux, certes seulement comme dans un miroir, cette splendeur de notre Dieu.
(1) On pourrait proposer de donner au présent chapitre le sous-titre : "comment passer de la recherche de preuves à la vision des signes".
Ce site a été réalisé et est remis à jour par Marie-Christine Hazaël-Massieux.