1) St Augustin (354-430)
Augustin fut l'un des plus grands saints de tous les temps. Evêque d'Hippone (correspond à la ville d'Annaba, maintenant en Algérie). Père de l'Eglise. Converti et baptisé tard (387) qui a beaucoup écrit.
Augustin naît à Tagaste (Numidie) : actuel Souk-Ahras, Algérie. Sa mère était Ste Monique. Jeunesse dorée, vie brillante : de nombreux épisodes bien connus qu'on peut lire dans les Confessions.
Augustin à la recherche d'une vérité religieuse : il adhère au Manichéisme à 19 ans. Recherche d'une explication au problème du mal. Déçu par cette doctrine dont il perçoit les incohérences et les insuffisances. Faustus se révèle incapable de répondre aux objections d'Augustin.
Grande intelligence d'Augustin. Deux tendances complémentaires : tendance spéculative, exigence critique. Il est épris de vérité. Grande liberté intellectuelle. Formation de philosophe, de rhéteur.
Départ pour Rome. Il s'intéresse de plus en plus à la foi catholique. S'il a du mal à adhérer aux Ecritures (anthropomorphisme de l'idée de Dieu, origine du mal, la personne de Jésus dont il ne peut admettre la réalité divine...), Augustin voudrait se les faire expliquer. Nommé professeur de rhétorique à Milan, il va connaître l'évêque Ambroise.
Etapes de la conversion d'Augustin (Conf. VI, VII, VIII). St Ambroise, les néo-platoniciens, découverte du Christ médiateur, prise de conscience de son péché et de la nécessité de la grâce ("le docteur de la grâce").
"Bien tard je t'ai aimée,
ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard je t'ai aimée !
Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c'est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !
Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix."
(Conf., X, xxvii, 38)
Des changements radicaux se font jour dans la vie d'Augustin : il a perdu le goût des honneurs, de la vie mondaine. Découverte du monachisme (St Antoine). Reçoit le baptême en 387 en même temps que son fils Adéodat. Embrasse la vie monastique en 388 en repartant pour l'Afrique. L'évêque d'Hippone, Valère, l'ordonne prêtre et lui confie le ministère de la prédication. Cinq ans plus tard (396), Augustin lui succède sur le siège épiscopal. Il y restera jusqu'à sa mort en 430.
L'Œuvre d'Augustin est considérable ; elle a été écrite en latin.
Comme il est précisé par le Cardinal M.J. Congar (Histoire de l'Eglise), site de Tradere qui donne de larges extraits de l'ouvrage :
"Saint Augustin a élaboré sa théologie de l'Église : 1) par la nécessité, comme prêtre (391)
puis évêque (395), d'en expliquer le mystère aux fidèles, surtout en exposant les Écritures qui
sont toutes relatives au Christ et à l'Église, 2) en répondant aux questions posées par le
donatisme, 3) en assumant dans son ecclésiologie les exigences de ses positions sur la grâce."
(http://www.tradere.org/biblio/histeg/frame.htm)
)
Les œuvres qui nous retiendront tout spécialement cette année sont :
2) St Jean
St Jean, dès la première page de son Evangile, nous entraîne à la contemplation de Dieu dans son mystère éternel : évangéliste de la quête mystique.
Quelques citations de Pères de l'Eglise :
Différences importantes de l'Evangile de Jean avec les Synoptiques :
On ne peut ignorer la signification symbolique de l'agencement proposé par Jean. Des éléments se répondent entre le début et la fin. Edouard Cothenet propose le plan (simple) suivant ("Présentation littéraire du IVe Evangile", in Les écrits de saint Jean et l'Epitre aux Hébreux, Desclée, Petite bibliothèque des Sciences bibliques, 1984), p. 23 :
Toujours pour situer St Jean : une petite étude lexicale avec les "mots-clefs" chez St Jean :
3) St Augustin et "le disciple que Jésus aimait".
Dans le Tract. 61, 4, Augustin souligne que pour les auteurs des Saintes Ecritures parler de soi à la 3e personne est normal :
"C'était en effet la coutume de ceux qui nous ont donné les saintes
Ecritures : quand l'histoire divine était racontée par l'un d'entre eux, lorsqu'il en arrivait
à lui-même, il en parlait comme d'un autre et il se situait dans le déroulement de son récit
comme rapportant ce qui s'était passé, non comme se prêchant lui-même. Car c'est aussi ce qu'a
fait saint Matthieu qui, en arrivant à lui-même dans la suite de son récit, écrit : Il vit
assis au bureau de la douane un publicain, du nom de Matthieu, et il lui dit : Suis-moi [Mt 9,9]
; il n'écrit pas : Il m'a vu et il m'a dit. C'est encore ce qu'a fait le bienheureux Moïse ;
il a tout raconté de lui-même comme s'il s'agissait d'un autre et il a dit : Le Seigneur dit
à Moïse [Ex 6, 1]. D'une manière plus inhabituelle, l'apôtre Paul a fait de même, non pas dans
une histoire où le récit a pour but d'expliquer ce qui s'est passé, mais dans une épître, car
c'est de lui-même qu'il dit : Je connais un homme dans le Christ qui, il y a quatorze
ans, - était-ce dans son corps ou hors de son corps, je ne sais, Dieu le sait, - a été ravi
de cette manière jusqu'au troisième ciel [II Co, 12, 2].
C'est pourquoi ici encore, si le bienheureux Evangéliste ne dit pas : Je reposais sur le sein
de Jésus, mais dit : L'un des disciples reposait [Jn 13, 23], nous avons à
reconnaître l'habitude de nos écrivains plus qu'à nous étonner."
St Augustin dit d'abord de Jean l'Evangéliste qu'il est un "mont" (Tr. 1, 2 ; 4 ; 6…) :
"Car ce Jean, mes très chers frères, était l'un de ces monts dont il est écrit : Que les monts reçoivent la paix pour ton peuple et les collines la justice. [Ps 71, 3] Les monts, ce sont les âmes élevées ; les collines, ce sont les âmes ordinaires. Mais les monts reçoivent la paix pour que les collines puissent recevoir la justice. Et quelle est cette justice que reçoivent les collines ? La foi, car le juste vit de la foi [Habac, 2, 4 ; Rm 1, 17]. Or les âmes du commun ne recevraient pas la foi si les âmes d'élite, qui sont appelées des monts, n'étaient éclairées par la Sagesse en personne pour qu'elles puissent transmettre aux petits ce que les petits sont capables de comprendre et que les collines puissent vivre de la foi parce que les monts reçoivent la paix. C'est par ces mêmes monts qu'il a été dit à l'Eglise : la paix soit avec vous, et, en annonçant la paix à l'Eglise, ces monts ne se sont pas séparés en prenant parti contre celui dont ils avaient reçu la paix afin d'annoncer la paix en vérité, et non avec hypocrisie. […]
Ceux qui ont reçu la paix pour l'annoncer au peuple ont contemplé la Sagesse elle-même, autant qu'il a été possible à des cœurs humains d'atteindre ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme [I Co, 2, 9]. Mais, si la Sagesse n'est pas montée au cœur de l'homme, comment est-elle montée au cœur de Jean ? Jean n'était-il pas un homme ? Ou bien peut-être, n'est-elle pas montée non plus au cœur de Jean, mais c'est le cœur de Jean qui est monté jusqu'à elle ? […]
Voyez donc, mes frères, si Jean ne fait pas partie de ces monts, dont nous avons chanté peu auparavant : J'ai levé mes yeux vers les monts, d'où me viendra le secours [Ps 120, 1]. Par conséquent, mes frères, si vous voulez comprendre, levez vos yeux vers ce mont, je veux dire : élevez-vous jusqu'à l'Evangéliste, élevez-vous à la hauteur de sa pensée. Mais parce que ces monts reçoivent la paix et qu'ils ne peut pas être dans la paix, celui qui place son espérance dans l'homme [Jér, 17, 5], n'élevez pas vos yeux vers le mont en croyant qu'il faille placer votre espérance en l'homme ; dites : J'ai levé mes yeux vers les monts, d'où me viendra le secours, mais pour ajouter aussitôt : Mon secours vient du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre [Ps, 120, 2]. Levons donc les yeux vers les monts d'où nous viendra le secours, et cependant ce n'est pas dans les monts eux-mêmes qu'il faut placer notre espérance, car les monts reçoivent ce qu'ils ont à nous transmettre ; aussi faut-il placer notre espérance en celui dont les monts eux-mêmes reçoivent."
Mais surtout, Jean est "celui que Jésus aimait" :
"Mais que signifie : celui que Jésus aimait ? comme s'il n'aimait pas les autres, dont le même Jean a dit plus haut : Il les aima jusqu'à la fin [Jn 13, 1] et dont le Seigneur lui-même a dit : Personne n'a de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis [Jn 15, 13] ? Et qui pourrait énumérer tous les témoignages des pages divines dans lesquelles il est montré que le Seigneur Jésus aime, non seulement celui-ci ou ceux qui étaient alors ses membres, mais encore ceux qui le seront plus tard, et toute son Eglise ? Mais assurément il y a ici quelque chose de caché et qui se rapporte au sein sur lequel reposait celui qui racontait ce fait, car par le sein qu'est-il signifié d'autre que le secret ?" (Tr. 61, 5, p. 149)
"Il reposait à la Cène sur la poitrine du Seigneur pour indiquer par là en signe qu'il buvait les plus profonds secrets à l'intime de son cœur" (Tr 18, 1)
"L'évangéliste Jean ne reposait pas sans cause sur la poitrine du Seigneur, mais pour y boire les secrets de sa plus haute sagesse et reprêcher dans son Evangile ce qu'il avait bu dans son amour." (Tr 20, 1)
Augustin remarque enfin que le geste de Jean répondait à une initiative du Seigneur et il y découvre une indication nouvelle :
"En le faisant reposer sur sa poitrine, je crois que le Seigneur recommandait plus fortement de cette manière l'excellence divine de cet Evangile qui serait prêché par lui." (Tr 119, 2)
Dès 400, (De consensu Evangelistarum, 1, 4, 7-6), Augustin expliquait :
"Les trois premiers Evangélistes se sont arrêtés avant tout aux choses que le Christ a opérées temporellement par sa chair d'homme ; quant à Jean, il a regardé avant tout la divinité même du Seigneur par laquelle il est égal au Père et c'est elle qu'il a pris soin de mettre en relief dans son Evangile… Les premiers marchent pour ainsi dire sur la terre avec le Christ homme ; Jean a dépassé la nuée qui couvre toute la terre et, du ciel limpide où il est parvenu, il a vu, de la pointe pénétrante et ferme de son esprit, le Verbe Dieu auprès de Dieu dès le principe, par lequel tout a été fait, et il a reconnu que c'est ce même Verbe qui s'est fait chair afin d'habiter parmi nous (cf. Io., 1, 1, 3 et 14), ayant pris la chair sans pour autant se transformer en chair… Aussi ne trouve-t-on que chez lui les affirmations du Seigneur sur son unité d'être et d'opération avec le Père et il est presque le seul à rapporter dans son Evangile les témoignages qui font reconnaître la divinité du Christ : c'est qu'il était celui qui avait bu à la poitrine même du Seigneur (cf. Io., 13, 23-25) le secret de sa divinité avec plus d'abondance et, pour ainsi dire, plus de profonde intimité que les autres."
Augustin parle, en reprenant les mêmes arguments, de la "sublimité" de l'Evangile de Jean (Tr 36, 1) :
"Dans les quatre Evangiles, ou plutôt dans les quatre livres de l'unique Evangile, le saint apôtre Jean, qui a été à juste titre comparé à l'aigle au sens spirituel, a élevé sa prédication à une hauteur et à une sublimité plus grandes que les trois autres et il a voulu que nos cœurs, à nous aussi, s'élèvent dans le sillage de son élévation. Les trois autres Evangélistes, en effet, marchaient pour ainsi dire sur la terre avec le Seigneur considéré en tant qu'homme, ils ont dit peu de choses de sa divinité ; lui au contraire, comme s'il lui en coûtait de marcher sur la terre, faisant retentir sa voix dès le début de sa prédication, s'est élevé non seulement au-dessus de la terre et de tous les espaces de l'air et du ciel, mais au-dessus même de toute l'armée des anges, au-dessus de toute la hiérarchie des puissances invisibles, il est parvenu à celui par qui tout a été fait et il a dit : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ; il était dès le commencement auprès de Dieu. Tout par lui a été fait, et sans lui rien n'a été fait (Io., 1, 1-3). Bien plus, tout ce qu'il a prêché par la suite se tient en harmonie avec la sublimité d'un pareil début et il a parlé de la divinité du Seigneur comme aucun autre ne l'avait fait. Il proclamait ce qu'il avait bu, car ce n'est pas sans raison qu'il est raconté de lui, dans ce même Evangile, qu'à la dernière Cène il reposait sur la poitrine du Seigneur. A cette poitrine il puisait donc un secret breuvage. Mais ce qu'il a bu en secret, il l'a proclamé au grand jour, afin que soient enseignés à toutes les nations non seulement l'incarnation du Fils de Dieu, sa passion et sa résurrection, mais encore ce qu'était avant l'incarnation l'Unique du Père, le Verbe du Père, coéternel à celui qui l'engendre, égal à celui qui l'a envoyé, devenu dans sa mission inférieur au Père et moindre que lui."