"... un trésor est caché dans le champ du coeur : comme le marchand de l'évangile, il faut vendre tout pour acheter
le champ et déterrer le trésor !
Parfois, Dieu nous donne de surprendre comme un éclat de ce trésor. Il faudra, à grand-peine, travailler le champ.
Non seulement défricher le sol matériel : cette tâche confiée par le Créateur au premier homme s'impose toujours,
mais encore à la sueur de notre front, défricher notre propre intérieur, mettre en culture cette jachère.
Nous serons payés de nos peines. Mieux encore : ce travail spirituel sera lui-même une joie ; il procure la paix
véritable.
L'homme dont le coeur est ainsi devenu libre peut se mettre à son écoute : le coeur prie déjà sans que nous le
sachions. Nous pouvons le surprendre comme en flagrant délit de prière. Car l'Esprit de Jésus, le premier, y balbutie
en nous la prière. Pour nous livrer à cette prière, il suffit de nous renoncer nous-mêmes et de ne plus dresser de
mur entre notre coeur et notre moi. Nous ne sommes pas cette image de nous-mêmes que nous
avons construite avec tant de peine. quand nous aurons jeté bas ce masque devant Dieu, nous découvrirons notre vrai
moi. Nous regarderons, stupéfaits : comment n'avions-nous jamais soupçonné ce que nous étions en réalité
et ce que Dieu avait choisi pour nous ? Comme elle est belle, notre véritable image, celle que Dieu porte toujours en
Lui et qu'Il désire tant nous révéler ! Dans son amour, Il a respecté notre liberté, et Il a préféré attendre.
Cette image ne peut être rien d'autre que la ressemblance de son Fils qui d'avance a vécu pour nous la vraie filiation,
obéissant à la volonté du Père, jusqu'à la mort sur la croix. De sa prière à Lui, de son combat, de sa vie et de sa
mort, nous apprenons la prière.
Mais allons plus loin sur le chemin de la prière. C'est toujours la même technique. Débarrasser notre coeur de sa
gangue ; l'écouter là où il prie déjà ; nous livrer à cette prière jusqu'à ce que la voix de l'Esprit en nous devienne
notre propre prière..."
(Seigneur, apprends nous à prier, Artège-Poche, "Les Classiques de la vie spirituelle", rééd. 2019, pp. 51-52).
Dom André Louf (1929-2010) a été Abbé de la trappe du Mont des Cats pendant trente-cinq ans. Ses écrits sont devenus des classiques de la vie intérieure, et l'ont fait connaître comme l'un des maîtres spirituels du christianisme contemporain. En 1998, il s'établit à Sainte-Lioba (Monastère à Simiane, près d'Aix-en-Provence et de Marseille) pour vivre enfin dans la solitude et le silence d'un ermitage, l'attente de toute sa vie : un face-à-face dans l'intimité avec Dieu.