"Selon le récit de l'évangile, il semble que ce soit d'abord le petit Jean-Baptiste qui reconnut Jésus dans sa mère.
C'est lui qui le premier bouge dans le sein d'Elisabeth, qui sursaute de joie, dira celle-ci, lorsqu'_il perçoit la présence de Jésus.
Et c'est alors seulement qu'Elisabeth est à son tour remplie de l'Esprit Saint, pour être en mesure de reconnaître le mystère qui
s'approche d'elle, et pour saluer en sa cousine "la mère de mon Seigneur". Alors que, laissée à elle-même, elle n'aurait sans doute
été capable que de reconnaître et de saluer une gentille petite cousine attendant son premier bébé.
[...] comme Elisabeth d'ailleurs, laissés à nous-mêmes, nous ne sommes guère capables de déchiffrer le sens de ce qui nous arrive,
de reconnaître la profondeur des rencontres que nous faisons, de discerner ce qu'il y a de Dieu en nous et en tout ce qui nous
entoure. Il faut que ce qu'il y a de Dieu en nous se mette soudain à bouger, nous surprenne de l'intérieur, sursaute en nous comme
un fruit des entrailles proche de sa mise au monde. Et, comme pour Elisabeth encore, il faut souvent que quelque chose ou quelqu'un
nous arrive de l'extérieur. Encore que ce Dieu qui nous vient de l'extérieur, nous ne pouvons le reconnaître que parce qu'il est
aussi au-dedans de nous, parce qu'il nous habite et nous fait signe de l'intérieur.
C'est un peu à la fois que nous apprenons cela, et que le Saint-Esprit, en sursautant au-dedans de nous, nous guérit progressivement
de cette insensibilité intérieure qui nous fait si souvent manquer les plus beaux moments, les plus belles expériences de notre
vie sur terre, ou tout, absolument tout, est rencontre avec Dieu et révélation de son amour. Tout a été créé pour nous parler
de lui : les splendeurs de la nature, les paroles de l'Ecriture qu'il habite tout particulièrement, les mystères et les symboles
de la liturgie, le pain et le vin dans lesquels l'Esprit nous donne de reconnaître le corps et le sang du Christ, sans oublier
la moindre, la plus humble de nos rencontres avec des frères et des soeurs en Jésus. N'est-il pas vrai que c'est par ce qui
de Dieu habite en chacun de nous, par le fruit de nos entrailles spirituelles, que nous communions le plus profondément ?"
(Dom André Louf : "Les âmes enceintes de Dieu". 4e dimanche de l'Avent, in La liturgie du Coeur, Méditations à Sainte-Lioba III, Salvator, 2018, pp. 34-36).
Dom André Louf (1929-2010) a été Abbé de la trappe du Mont des Cats pendant trente-cinq ans. Ses écrits sont devenus des classiques de la vie intérieure, et l'ont fait connaître comme l'un des maîtres spirituels du christianisme contemporain. En 1998, il s'établit à Sainte-Lioba (Monastère à Simiane, près d'Aix-en-Provence et de Marseille) pour vivre enfin dans la solitude et le silence d'un ermitage, l'attente de toute sa vie : un face-à-face dans l'intimité avec Dieu.
Dans cet ouvrage préparé par Charles Wright, sont livrés, pour la méditation de tous, plusieurs sermons de l'année C, recueillis quand il prêchait parfois le dimanche parmi les moines et moniales du Monastère. Une nourriture spirituelle majeure...