Dom André Louf

La joie vive

"Consentir à la grâce".

(Homélie pour le 4e dimanche de l'Avent, Année B.)

"Ce n'est pas la Vierge Marie [...] qui a pris les devants. Elle n'a dû prendre aucune initiative. Attendait-elle seulement quelque chose de particulier de la part de Dieu ? Elle est surprise par la salutation de l'ange, et au premier abord elle ne comprend pas le message que celui-ci lui adresse, et demande des explications. [...]

Ce n'est pas elle qui a pris l'initiative, c'est Dieu. C'est auprès de lui que Marie a trouvé grâce, et c'est à cause de lui qu'elle est bénie entre les femmes. Sa première réaction n'est pas d'être flattée par une telle salutation ; c'est, au contraire, d'être troublée, tellement tout cela est inattendu pour elle, et inespéré. [...]

Et quand Dieu a tout expliqué par la bouche de l'ange, il attend une réaction de la part de Marie, une réponse dont il a besoin. Bien sûr, il aurait pu forcer un peu la situation, gentiment d'ailleurs, mettre Marie, et l'humanité entière, devant le fait accompli, et ne donner les explications qu'après coup. Mais il a voulu avoir besoin du consentement explicite de Marie. Saint Bernard, dans un passage célèbre de l'un de ses sermons [Homélie à la louange de la Vierge Marie, 4, 9], décrit l'incertitude de Dieu, son angoisse même, pendant le suspense entre sa proposition et l'acquiescement de Marie dont dépendrait son Dessein de salut. Après tout, Dieu avait voulu Marie libre de refuser son offre. Au contraire, elle accueille et comment : "Me voici, je suis la servante du Seigneur, [...] qu'il m'arrive selon ta Parole."
Peut-être le consentement de Marie est-il un premier fruit de l'Esprit Saint qui doit venir sur elle, et de la force du très-Haut qui doit désormais la couvrir de son ombre ; le premier fruit tout intérieur dont le petit Jésus sera bientôt le fruit à l'extérieur, le fruit de ses entrailles.
Le consentement de Marie a rendu possible tous les nôtres. Comme David [2 Samuel 7, 1-5.8.14-16], comme la Vierge, nous n'avons guère d'initiative à prendre dans les desseins de Dieu à notre sujet, au risque d'ailleurs de les brouiller passablement. Il suffit d'attendre son heure, l'heure de sa grâce. A notre tour, nous serons un jour couverts de l'ombre de la force du Très-Haut, et nous recevrons la grâce de consentir à ce que lui aura choisi pour nous dans son amour."

Dom André Louf : "Consentir à la Grâce", in La joie vive Méditaations à Sainte-Lioba II, Salvator, 2017, pp. 22-23.

Dom André Louf (1929-2010) a été Abbé de la trappe du Mont des Cats pendant trente-cinq ans. Ses écrits sont devenus des classiques de la vie intérieure, et l'ont fait connaître comme l'un des maîtres spirituels du christianisme contemporain. En 1998, il s'établit à Sainte-Lioba (Monastère à Simiane, près d'Aix-en-Provence et de Marseille) pour vivre enfin dans la solitude et le silence d'un ermitage, l'attente de toute sa vie : un face-à-face dans l'intimité avec Dieu.

Dans cet ouvrage préparé par Charles Wright, avec une préface de Benoît Standaert (Ermitage Saint-Antoine, Malmedy, Belgique) et une postface ("André Louf, mon ami et mon maître...") d'Enzo Bianchi (le Fondateur de Bose), sont livrés, pour la méditation de tous, plusieurs sermons de l'année B, recueillis quand il prêchait parfois le dimanche parmi les moines et moniales du Monastère de Sainte-Lioba (Simiane, dans les Bouches-du-Rhône en France). Une nourriture spirituelle majeure pour tous les temps...