Petite retraite pour le temps de l'Avent (2018)

Pour ce temps de l'Avent, temps de l'attente, de l'espérance et du désir, avant la célébration de la Nativité du Christ, nous proposons un temps de retraite à nos visiteurs : une ou deux fois par semaine, le dimanche et souvent le mercredi, ils trouveront une nouvelle méditation en lien avec la liturgie, mais aussi avec les Pères de l'Eglise dans leurs commentaires de l'Ecriture.

Noël 2018

Ce n'est pas sans raisons que, lorsque l'on a choisi de célébrer la fête de la Nativité de Jésus à partir du IVe siècle, on a retenu une date proche du solstice d'hiver, c'est-à-dire au moment où les jours qui sont les plus courts de l'année dans notre hémisphère Nord, peuvent accueillir avec le plus de joie Celui qui est "la lumière du monde". C'est alors que les jours s'allongent doucement et que la lumière se répand sur le monde.

Grégoire de Nazianze, le grand théologien du IVe siècle, écrit dans un de ses nombreux poèmes :

"Tu as dissipé les ténèbres, tu as produit la lumière, afin de tout créer dans la lumière et de rendre stable l'instable matière, en lui donnant forme dans le monde et sa belle harmonie d'aujourd'hui.
Tu as illuminé la pensée de l’homme par la raison et la sagesse, en plaçant ici-bas l’image de la splendeur d’en haut, afin que par la lumière il voie la lumière et devienne tout entier lumière.
C’est toi qui as fait briller le ciel de mille feux, toi qui as fait céder doucement la nuit au jour et le jour à la nuit selon ton ordre, rendant honneur à la loi de la fraternité et de l’amour.
Grâce à la nuit, tu mets fin à la fatigue de la chair qui peine tant ; grâce au jour, tu l’éveilles pour son ouvrage et pour les œuvres que tu aimes, afin qu’en fuyant les ténèbres, nous devancions le jour, ce jour que la triste nuit ne fera pas sombrer…
(Grégoire de Nazianze : Hymne du soir, Poèmes, 1, 1, 32).

Aujourd'hui naît dans une simple étable la "Lumière des Nations". Si le soleil éclaire et fait vivre, la lampe, plus modestement, guide et permet de s'orienter : c'et le rôle des "fils de lumière", et le premier parmi eux est Jean Baptiste qui a montré Jésus, le Messie, le Soleil du monde, aux apôtres et aux foules qui cherchaient. Jean l'Evangéliste dit dans son Evangile :

"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu. C'est par lui que tout est venu à l'existence, et rien de ce qui s'est fait ne s'st fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée."

En cette nuit de Noël, éclairée par la venue de Dieu dans la lumière, nos ténèbres seront éclairées, nos peines effacées... Sortons avec le Christ, mais ne nous dispersons pas dans les ténèbres extérieures : au contraire, avec lui rejoignons tous ceux qui le cherchent et formons avec eux ce Corps qui est l'Eglise et dont nous ne connaissons pas les limites ; nous ne pouvons les connaître car ce sont celles du coeur du Christ ! Désormais, la lumière habite tous ceux qui le veulent bien : partageons-la, c’est là le message de Noël. Dieu, Lumière, s’est fait chair.

"Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !
Jouez pour le Seigneur sur la cithare,
sur la cithare et tous les instruments ;
au son de la trompette et du cor,
acclamez votre roi, le Seigneur !"
(Ps 97 (98), 4-6).

Heureux Noël à tous.

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4e Dimanche de l'Avent, 23 décembre 2016

"Ô Emmanuel, Dieu avec nous : Viens Seigneur Jésus !"

C'est effectivement en grande hâte que nous célébrons ce 4e dimanche de l'Avent, immédiatement suivi de Noël. Nous faisons ainsi l'expérience qu'a faite Marie quand elle est "partit en hâte" dans le haut pays, dans une ville de Juda (nous dit Luc, 1, 39) rendre visite à sa cousine Elisabeth. C'est encore le cas des bergers qui informés par les anges, "allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire" (Luc 2, 16).

Que signifie cette hâte ? Sans doute notre désir de voir ce que Dieu nous accorde et qui comme toujours est une suprise, quelque chose que nous n'osions espérer. Elisabeth, avancée en âge et stérile se retrouve enceinte, les bergers, eux, reçoivent des anges une "bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple". "Il vous est né aujourd'hui dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ-Seigneur..." : un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire".. (Lc 2, 10-12). On peut comprendre que les bergers se hâtent pour voir cette merveille : un petit enfant qui est le Sauveur du monde ! La foi ne tarde jamais... Elle nous saisit brusquement, et c'est sans hésiter que l'on se rend au lieu de la rencontre.

Il s'agit aussi de recevoir les grâces qui atteignent tous ceux qui s'approchent du foyer brûlant de l'amour de Dieu. Comment pourrait-on rester immobile, dans une vie quotidienne un peu routinière quand le Seigneur nous appelle si manifestement pour nous donner part à l'amour qu'il donne à tous le peuple ? Comment pourrions-nous rester en retrait ? Marie, elle, a tout de suite compris, prête à méditer cela dans son coeur... Quant aux bergers, dont on sera peut-être tenté de dire qu'ils ont "la foi du charbonnier" (mais on comprend bien que cette expression est inappropriée : ils ont la foi des bergers !), ils ne peuvent et ne veulent différer : Ils entendent bien Dieu leur dire "Lève-toi" comme Jésus le dira si souvent au cours de sa vie publique. Ce n'est pas toutes les nuits que l'on est réveillé par le chant des Anges "Hosanna au plus haut des cieux !".

Mais n'anticipons pas, en ce 4e dimanche de Carême : courons simplement "en hâte" vers ce Dieu qui s'est fait si proche de l'homme (cf. Dt 4,7) ; Jésus n'est pas encore né, même si l'on découvre lors de la visite de Marie à Elisabeth, que les deux enfants dans les ventres de leurs mères, se reconnaissent et tressaillent... Nous sommes déjà dans le temps de la foi. Marie qui a cru la parole de l'ange, entraîne la foi d'Elisabeth, la foi de Jean-Baptiste avant sa naissance même... Nous savons que le Seigneur nous forme dès le sein de notre mère (Psaume 138, (139), 13). Et dans la suite des temps, ce sont tous les hommes qui croiront et attendront le "Messie". Au delà de sa première venue (dans la chair), nous attendons tous et nous croyons qu'il vient rejoindre notre désir, qu'il est capable de changer notre vie.

Ambroise de Milan au 4e siècle, l'affirme dans un Sermon sur l'Evangile de Luc, 2, 19-23 :

"Lorsque l'ange annonce à Marie le mystère de sa maternité virginale, il lui apprend, pour éclairer sa foi par un exemple, qu'une femme âgée et stérile a conçu, ce qui fait comprendre que Dieu peut accomplir tout ce qu'il a décidé.
Dès que Marie l'eut appris, elle partit vers la montagne de Judée. Ce n'était de sa part ni incrédulité en la prophétie, ni incertitude sur cette annonce, ni doute sur l'exemple proposé. Elle partait dans l'allégresse de son désir, pour l'accomplissement d'un service, avec l'empressement de sa joie.
Elle qui était maintenant remplie de Dieu, où pouvait-elle se rendre avec empressement, sinon vers les hauteurs ? La grâce du Saint-Esprit ne connaît pas les hésitations ni les retards. [...] l'arrivée de Marie et la présence du Seigneur manifestent aussitôt leurs bienfaits, car, au moment même où Elisabeth entendit la salutation de Marie, l'enfant tressaillit en elle, et elle fut remplie de l'Esprit Saint.

Alors, nous aussi, courons en toute hâte, et vers les hauteurs. Nous sommes toujours en retard pour Dieu, car Lui, est toujours là, toujours prêt pour nous ; commme le disait Augustin dans une belle prière :

Bien tard, je t'ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t'ai aimée !

Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors,
et c'est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !

Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix.

[...]
(Confessions X, xxvii, 38)

"Alléluia ! Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !
Je veux louer le Seigneur tant que je vis,
chanter mes hymnes pour mon Dieu tant que je dure.
Ne comptez pas sur les puissants,
des fils d'homme qui ne peuvent sauver !
Leur souffle s'en va : ils retournent à la terre ;
et ce jour-là, périssent leurs projets.
Heureux qui s'appuie sur le Dieu de Jacob,
qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu,
lui qui a fait le ciel et la terre et la mer
et tout ce qu'ils renferment !
Il garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.
Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l'étranger.
Il soutient la veuve et l'orphelin,
il égare les pas du méchant.
D'âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !"
(Ps 145 (146))

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Mercredi 19 décembre 2018

Tout au long de cette 3e semaine de l'Avent, nous découvrons certaines histoires de stérilité dans l'Ancien Testament, destinées à montrer la toute-puissance de Dieu. S'il a pu par son action donner à Abraham un fils de Sarah, pourtant âgée de 90 ans, et qui en outre, même plus jeune était considérée comme stérile, c'est aussi le cas de la femme de Manoah qui, après la visite et l'annonce d'un ange, va engendrer Samson alors qu'elle est stérile (récit que nous raconte le livre des Juges, au chapitre 13), ou encore d'Anne, l'épouse stérile d'Elqana à qui le Seigneur accordera un fils, Samuel, après qu'elle a, dans sa tristesse, adressé au Seigneur une prière pleine d'amertume" (1 Samuel, 1 sq), Dieu peut bien donner un fils à celle qu'il a choisie de toute éternité, Marie, en qui Dieu va s'incarner, prendre chair, devenir homme, semblable en tout à un homme, excepté le péché. C'est bien ainsi, par celui qui s'est fait homme que l'homme sera sauvé, par Jésus-Christ homme qui est aussi totalement Dieu. Ceci nous dit beaucoup de choses sur ce qu'est Dieu pour nous, mais aussi de ce que nous sommes pour Lui. Irénée dit bien :

Telle est la mission du Verbe de Dieu :
"Le Verbe de Dieu qui a habité dans l’homme […] s’est fait Fils de l’homme pour accoutumer l’homme à saisir Dieu et accoutumer Dieu à habiter dans l’homme, selon le bon plaisir du Père."
(Irénée : Contre les Hérésies, III, 20, 2).

Sur la route de ces femmes, il y a toujours un envoyé de Dieu qui vient annoncer à celle qui, à vue d'humain, ne peut enfanter, qu'elle va être enceinte et avoir un fils - peu importe qu'on appelle cet envoyé "ange" ou "homme" : la femme de Manoah, précise à son mari : "Un homme de Dieu et venu me trouver ; il avait l'apparence d'un ange de Dieu tant il était imposant. Je ne lui ai pas demandé d'où il venait, et il ne m'a pas fait connaître son nom." (Jg 13, 6-7).

Pendant ce temps de l’Avent, où nous attendons Dieu, nous attendons aussi beaucoup de Marie, comme le dit Bernard de Clairvaux (XIIe siècle) : nous attendons sa réponse à l’Ange : "il est temps pour lui de retourner vers celui qui l’a envoyé" :

"Ta réponse, ô douce Vierge, Adam l’implore tout en larmes, exilé qu’il est du paradis avec sa malheureuse descendance ; il l’implore, Abraham, il l’implore, David, ils la réclament tous instamment, les autres patriarches, tes ancêtres, qui habitent eux aussi au pays de l’ombre de la mort. Cette réponse, le monde entier l’attend, prosterné à tes genoux. Et ce n’est pas sans raison, puisque de ta parole dépendent le soulagement des malheureux, le rachat des captifs, la délivrance des condamnés, le salut enfin de tous les fils d’Adam, de ta race entière. […]
Heureuse Vierge, ouvre ton cœur à la foi, tes lèvres à l’assentiment, ton sein au Créateur. Voici qu’au dehors le Désiré de toutes les nations frappe à ta porte. Ah ! si pendant que tu tardes il allait passer son chemin, t’obligeant à chercher de nouveau dans les larmes celui que ton cœur aime. Lève-toi, cours, ouvre-lui : lève toi par la foi, cours par l’empressement à sa volonté, ouvre-lui par ton consentement."
(Bernard de Clairvaux, Homélie à la louange de la Vierge Marie, 4, 9).

A l’humilité de Dieu répond l’humilité de Marie. Mais comment peut-on seulement oser comparer à Dieu, une femme, même celle qui est grande entre toutes ? Bernard, quant à lui, ose la comparaison entre l'âme et Dieu, et ce passage de son sermon 83 sur le Cantique des cantiques s’applique admirablement à Marie dans le rôle de l'âme : "Que craindrait-elle de la majesté divine, elle qui dès l’origine s’est vu accorder la confiance du Maître ?" Ne partage-t-elle pas cette beauté céleste, elle qui a été créée par le souffle de Dieu (cf. Gn 2, 7) ?

Et Bernard continue :

"Cette conformité marie l’âme au Verbe ; déjà semblable à lui par sa nature, elle le devient aussi par sa volonté, lorsqu’elle l’aime comme elle en est aimée. […] Pas de bien plus désirable que cet amour grâce auquel l’âme, ne se contentant plus d’écouter les enseignements des hommes, ose s’adresser au verbe lui-même, s’attacher directement à lui, le questionner, l’interroger sur toutes choses, et montrer d’autant plus d’audace dans ses désirs qu’elle sent son intelligence plus capable de comprendre. […] Ne craignons pas que l’inégalité des personnes ne rendent boiteuse l’harmonie de leurs volontés : l’amour ignore cette sorte de respect craintif. […] L’amour est à lui-même suffisant : lorsqu’il survient, il attire à lui et absorbe toutes les autres passions. Il aime parce qu’il aime et ne sait rien de plus"
(Homélies sur le Cantique des cantiques 83, 3).

Dieu, époux de l’âme, "n’est pas seulement un amant : il est l’Amour", ajoute Bernard :

"L’amour se suffit, il plaît par lui-même, il est son propre mérite et sa propre récompense. L’amour ne se veut pas d’autre cause, pas d’autre fruit que lui-même. Son vrai fruit, c’est d’être. J’aime parce que j’aime. J’aime pour aimer. C’est une grande chose que l’amour, si du moins il remonte à son principe, retourne à son origine et s’en revient toujours puiser à sa propre source les eaux dont il fait son courant. De tous les mouvements de l’âme, de ses sentiments et de ses affections, l’amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son créateur, sinon d’égal à égal, du moins de semblable à semblable […]
Car s’il est vrai que la créature, dans la mesure où elle est inférieure au créateur, aime moins que lui, elle peut encore l’aimer de tout son être, et rien ne manque là où il y a totalité." (ibid. 83, 4-6).

Nous voilà prêts à nous demander comment Dieu fait irruption dans nos vies, à nous : nos vies d'hommes et de femmes, ces vies au quotidien banal. Se pourrait-il que, à nous aussi, le Seigneur nous réserve des surprises, qu'il vienne s'adresser à nous, comme Jésus s'est adressé aux hommes de son temps, mais aussi à Paul sur le chemin de Damas, et à combien d'autres qui nous racontent des récits aussi étonnants qu'improbables quand on connaît leurs comportements ; serions-nous "dignes", nous aussi, de découvrir et saisir la grâce que Dieu nous a promise : "Et moi je suis avec vous, tous les jours jusqu'à la fin des temps." (Mt 28, 20) ?

Les Pères de l'Eglise, de diverses façons évoquent volontiers "les trois avènements du Seigneur" : le premier c'est bien son incarnation, sa venue dans la chair ; le dernier, c'est son retour en gloire, la parousie, quand il reviendra à la fin des temps ; le deuxième est beaucoup plus silencieux : lors de l'annonciation, Marie, comme avant elle, Anne ou la femme de Manoah, qui ont cru et ont compris que Dieu se manifeait ainsi en elles, sont un modèle pour nous de ces irruptions de Dieu auxquelles nous peinons à adhérer - suivant en cela plutôt Zacharie : lui a douté et ne sera libéré de son mutisme que lorsqu'il dira au moment de la naissance de son fils : "son nom est Jean". Puisse ne pas nous arriver la même mésaventure qu'à lui, nous qui voulons ignorer cette présence de Dieu qui nous transforme jusqu'au plus profond de nous-mêmes, qui fait de nous, qui ne pouvions enfanter, "une mère heureuse au milieu de ses fils" (Psaume 112 (113), 9).

On pourrait encore, et bien des Pères orientaux l'ont fait, rapprocher de cette "annonciation" accordée à tous, l'annonciation que Jésus fait de sa divinité, à ses disciples (il est vrai à un petit nombre de privilégiés : Pierre, Jacques et Jean), lors de la Transfiguration. On peut lire une belle homélie d'Anastase du Sinaï pour la transfiguration), qui parle clairement d'avènement. Ne peut-on pas encore évoquer la rencontre de Paul avec le Christ sur le chemin de Damas ? Cette rencontre n'est-elle pas aussi une "annonciation" - qui rend Paul aveugle (un lecteur assidu de la Bible ne peut s'empêcher de noter la parenté avec ce qui est arrivé à Zacharie : les hommes sont-ils plus incrédules que les femmes ?).

Dieu vient ainsi surprendre et saisir les hommes et les femmes, en quête de ses dons ; chacun de nous, si nous voulons prêter attention à sa venue, ne pouvons-nous pas nous poser cette question : Quelle est aujourd'hui mon "annonciation" quand Dieu fait irruption en moi ?

"Maranatha !" "Viens Seigneur, viens nous sauver !" - phrase que disaient les premiers chrétiens en attendant le retour du Christ...

"Heureux les habitants de ta maison :
ils pourront te chanter encore !
Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s'ouvrent dans leur coeur !

Quand ils traversent la vallée de la soif, ils la changent en source ;
De quelles bénédictions la revêtent les pluies de printemps !"
(Ps 83, 5-7).

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3e Dimanche de l'Avent, 16 décembre 2018

Dimanche de la joie, en ce temps de l'Avent. Pour s'en convaincre il suffit de regarder les deux premières lectures : D'abord le texte du prophète Sophonie (So 3, 14-18).

"Pousse des cris de joie, fille de Sion !
Éclate en ovations, Israël !
Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie,
fille de Jérusalem !
Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi,
il a écarté tes ennemis.
Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi.
Tu n’as plus à craindre le malheur." (14-15).

Mais aussi l'extrait de la lettre aux Philippiens, bien connu (Ph 4, 4-7) :

"Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ;
je le redis : soyez dans la joie.
Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes.
Le Seigneur est proche.
Ne soyez inquiets de rien..."
(ici 4, 4-6)

Nous voudrions que ces paroles soient vraies, et nous avons parfois du mal à les entendre, au milieu des difficultés, voire des souffrances de la vie quotidienne. Arrivons-nous à être dans la joie ? nous qui continuons à ployer sous le fardeau ? Comment ne pas craindre, ne pas être inquiets quand tout nous semble aller si mal, en nous et autour de nous ? Un passage d'Isaïe prenait cette question très au sérieux car nous connaissons tous des moments de profond découragement. Et que répondait alors le Seigneur :

"Ne crains pas, moi, je viens à ton aide. Ne crains pas, Jacob, pauvre vermisseau, Israël, pauvre mortel. Je viens à ton aide - oracle du Seigneur ; ton rédempteur, c'est le Saint d'Israël. J'ai fait de toi un traîneau à battre le grain, tout neuf, à double rang de pointes : tu vas briser les montagnes, les broyer, tu réduiras les collines en menue paille ; tu les vanneras, un souffle les emportera, un tourbillon les dispersera. Mais toi, tu mettras ta joie dans le Seigneur ; dans le saint d'Israël, tu trouveras ta louange. Les pauvres et les malheureux cherchent de l'eau, et il n'y en a pas ; leur langue est desséchée par la soif. Moi, le Seigneur, je les exaucerai, moi, le Dieu d'Israël, je ne les abandonnerai pas. Sur les hauteurs dénudées je ferai jaillir des fleuves, et des sources au creux des vallées. Je changerai le désert en lac, et la terre aride en fontaine. Je planterai dans le désert le cèdre et l'acacia, le myrte et l'olivier ; je mettrai ensemble dans les terres incultes le cyprès, l'orme et le mélèze, afin que tous regardent et reconnaissent, afin qu'ils considèrent et comprennent que la main du Seigneur a fait cela, que le Saint d'Israël en est le créateur." (Is 41, 14-20).

Qu'il est difficile de saisir que nos souffrances sont souvent simplement liées à une accumulation de désirs, comme s'ils nous étouffaient de leur trop grand nombre, de leur trop grande intensité. Lorsqu'un désir, pour un instant, semble apaisé, c'est ailleurs qu'il surgit ; nous avions soif, maintenant nous avons faim, nous voulions du gâteau et maintenant c'est du pain, du simple pain qui nous manque ; nous désirions l'entente, la bonne entente avec un ami, mais nous désirons alors l'amour sans limite ! Et certains veulent même, comme on le dit parfois, le beurre, et "l'argent du beurre" ! Nous ne sommes pas prêts à payer le prix de notre désir d'éternité, même si nous ne lui donnons pas ce nom...
Et pourtant c'est bien cela que nous dit le prophète Isaïe, en rapportant les paroles du Seigneur. Comprenons-nous qu'alors, Lui, nous a entendu, que Lui nous donnera tout, qu'il nous transformera en instrument pour préparer le terrain, briser les montagnes qui nous arrêtent ("Si vous avez de la foi grosse comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne : Déplace-toi d'ici à là, et elle se déplacera", Mt 17, 20 : C'est ce que nous affirme Jésus). Le Seigneur saura percevoir notre langue desséchée, et il transformera "le désert en lac et la terre aride en fontaine". Tout, et même ce à quoi nous ne pensons pas, il nous le donnera : "le cèdre et l'acacia"..., "l'orme et le mélèze"... C'est cette accumulation de désirs en nous - dont nous ne devons pas avoir peur - qui nous fait avancer vers Dieu, l'unique désir de notre coeur même si nous ne le savons pas encore... Ce désir de vie en Dieu, de "vie éternelle" - si nous voulons l'appeler ainsi - se manifeste avec force dans nos vies quotidiennes, car l'homme, fait à l'image de Dieu, cherche l'image à quoi il correspond. C'est ce que Jean dans sa première épître explique ainsi : "Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est" (1 Jn 3, 2).

Oui, toutes les merveilles qui accompagnent la découverte intime de Dieu pour chaque homme, ne sont pas plus impossibles que ce que nous attendons avec un cœur empli de désir – même si nous ne savons pas toujours à quels objets renvoie ce désir.

Grégoire de Nysse, au IVe siècle, présente les Béatitudes comme autant de degrés à franchir pour posséder le royaume de Dieu, mais pas avec n’importe quel statut alors : comme fils de Dieu ! Voilà une réalité encore qui nous dépasse infiniment, même si nous savons que ce royaume est déjà commencé, et que nous sommes "fils" par notre baptême. Mais ce but est tellement grand et tellement au-dessus de nos forces humaines qu’il nous faut du temps pour comprendre qu'il nous est nécessaire, pour l'obtenir, et même seulement pour le désirer ! Il s'agit ensuite de l’accueillir quand il nous est donné. Acceptons de monter, sans nous lasser, les degrés de cette échelle que sont les Béatitudes (cf. Grégoire de Nysse : Les béatitudes, Migne, coll. "Les Pères dans la foi", 1995, 125 p.). Nous comprendrons alors que, plutôt que de faire des efforts dans la voie de la morale, le plus urgent est de monter dans la joie. C'est la rencontre de Dieu qui nous rend saints, et non pas d'être saints qui nous permet de le rencontrer !

"A cette chose si belle et si grande, qui n’est accessible ni à la vue ni à l’oreille, ni à la pensée, l’homme qui est réputé sans valeur parmi les êtres, lui, la cendre, l’herbe, la vanité, est uni intimement : il est pris comme fils par le Dieu de l’univers. Que peut-on trouver de convenable pour rendre grâce de ce bienfait ? Quel langage, quelle pensée, quel mouvement de réflexion, pour célébrer cette surabondance de la grâce ? L’homme sort de sa propre nature, de mortel il devient immortel, de périssable impérissable, d’éphémère éternel, et en somme, d’homme il devient Dieu. Car l’homme, qui a été jugé digne de devenir fils de Dieu, aura assurément en lui la dignité de son Père, et devient l’héritier de tous les biens paternels…"
(Grégoire de Nysse : Commentaire de la Septième béatitude, 1).

Avons-nous compris qu’en devenant fils, nous verrons Dieu ? Lui seul peut faire advenir en nous cette réalité inconcevable et insurpassable.

"Quel est le but que nous poursuivons ? Quelle est la récompense ? Quelle est la couronne ? Il me semble que chaque objet de notre espérance n’est rien d’autre que le Seigneur lui-même. Car il est lui-même tout ensemble l’arbitre des combattants, et la couronne des vainqueurs ; c’est lui qui partage l’héritage ; c’est lui le bon héritage ; c’est lui la bonne part ; c’est lui qui te donne ta part ; c’est lui qui enrichit ; c’est lui la richesse, lui qui te montre le trésor, et qui est ton trésor… "
(Grégoire de Nysse : Commentaire sur la Huitième Béatitude, 5).

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Mercredi 12 décembre 2018

Nous sommes encore accompagnés par Isaïe pendant ce temps de l’Avent ! Que ce soit au cours de l’Office des prières (Laudes) ou lors de la messe quotidienne, les références et les lectures de ce grand prophète sont nombreuses ; hier nous lisions un passage du chapître 40 (1-11) :

"Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est expiée. Une voix proclame : "Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé." Une voix dit : "Proclame !" Et je dis : "Que vais-je proclamer ?" Toute chair est comme l’herbe, toute sa grâce, comme la fleur des champs : l’herbe se dessèche et la fleur se fane quand passe sur elle le souffle du Seigneur. Oui, le peuple est comme l’herbe : l’herbe se dessèche et la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu demeure pour toujours. Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : "Voici votre Dieu !" Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent." (Is 40, 1-11).

Alors que Dieu appelait à consoler son peuple, à combler les ravins et abaisser les montagnes et collines, et que le prophète nous rappelle que, même si l'homme passe comme une herbe qui se dessèche, la parole de Dieu est de toujours à toujours. Il ne nous abandonne jamais et Jésus-Christ, dans l'évangile de Mathieu, lui, l'envoyé, le fils de Dieu, va même expliquer comment il console le peuple : à tous ceux qui peinent sous le poids du fardeau, il montre qu'il le porte avec eux !

Jésus prit la parole : "Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger." (Mt 11, 28-30).

Qu'est-ce qu'un joug exactement ? La pièce de bois qui permet d'attacher ensemble des animaux pour effectuer un travail dur, comme par exemple tirer une charrue. Dans les expressions où nous utilisons encore ce mot, bien oublié à l'heure des machines agricoles qui remplacent de plus en plus les animaux, nous pensons surtout à la tâche pénible qui est demandée à ceux qui sont attachés ensemble. Dans le texte évangélique, c'est surtout la référence à un "attelage" qui domine : porter à deux soulage car l'effort est partagé. Mais Jésus va plus loin ! Ici c'est lui qui se fait porteur avec nous. Son joug - celui qu'Il porte, Lui, d'abord - et qu'il nous demande de partager, est alors un joug léger, et nous découvrons la puissance de l'amour qui transforme l'attelage, que nous pensions de servitude, en un attelage d'amour et de force.

C'est là, oui, ce que propose Jésus quand il nous invite à porter son "joug", c'est-à-dire à nous unir à lui pour supporter ce qui nous fait peiner, tout le poids de la vie qui pèse sur nous : "Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour votre âme." (Mt 11, 29). Jésus propose un joug léger, car il le porte avec nous. Il est avec nous chaque jour dans les épreuves de la vie. L'amour du Christ rend "le joug facile à porter" et "le fardeau léger".

L'amour du Christ nous tire vers le haut, et c'est alors la légèreté qui domine. L'explication la plus saisissante est d’Augustin quand il veut montrer le rôle de l’amour en l’homme :

"Un corps, en vertu de son poids, tend à son lieu propre.
Le poids ne va pas forcément en bas mais au lieu propre.
Le feu tend vers le haut, la pierre vers le bas :
Ils sont menés par leur poids, ils s’en vont à leur lieu.
L’huile versée sous l’eau s’élève au-dessus de l’eau ;
L’eau versée sur l’huile s’enfonce au-dessous de l’huile :
Ils sont menés par leur poids, ils s’en vont à leur lieu.
S’il n’est pas à sa place, un être est sans repos :
Qu’on le mette à sa place et il est en repos.

Mon poids, c’est mon amour ;
C’est lui qui m’emporte où qu’il m’emporte.
Le don de toi nous enflamme et nous emporte en haut ;
Il nous embrase et nous partons
Nous montons les montées qui sont dans notre cœur
Et nous chantons le cantique des degrés.

Ton feu, ton bon feu nous embrase et nous partons,
Puisque nous partons en haut vers la paix de Jérusalem,
Puisque j’ai trouvé ma joie dans ceux qui m’ont dit :
Nous partirons pour la maison du Seigneur.
Là nous placera la bonne volonté
De sorte que nous ne voulions plus autre chose
(Les Confessions, XIII, ix, 1).

Guillaume de St-Thierry ose évoquer la suavité du joug et et du fardeau et, dans sa prière, fait dire à Dieu : "Tu es incapable de portr seul mon fardeau et mon joug, mais si l'amour se joint à toi pour le porter, à ton grand étonnement, tu goûteras tout de suite leur suavité." (Oraison méditative, cité in Magnificat n° 313, décembre 2018).

"Heureux les habitants de ta maison :
ils pourront te chanter encore !
Heureux les hommes dont tu es la force :
des chemins s'ouvrent dans leur coeur !
Quand ils traversent la vallée de la soif, ils la changent en source ;
de quelles bénédictions la revêtent les pluies de printemps !"
(Ps 83, 5-7)

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2e dimanche de l'Avent, 9 décembre 2018 (Année C)

Il est question aujourd'hui de chemins aplanis, de montagnes et de collines abaissées, mais aussi de la gloire de Dieu ! Pour Paul dans sa lettre aux Philippiens, il fait tout de suite le passage : les obstacles qu'évoquent les prophètes, sont bien plus des obstacles liés à nos insuffisances psychiques ou morales : tout ce qui retarde le chrétien dans sa progression : "que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance" (Ph 1, 9).

Nous comprenons bien ainsi que les belles images de la nature moins agressive, moins dangereuse, où le peuple (Israël, dans le texte de Baruc) peut se promener sous les ombrages, dans des chemins qui lui offrent la sécurité, représentent ce que Dieu veut pour son peuple, pour ses amis :

"...Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu'Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. Sur l'ordre de Dieu, les forêts et les arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ; car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice." (Baruc 5, 8-9).

Très souvent la Bible nous montre ce Dieu attentionné qui veille sur nous, qui nous accompagne, comme un père ou une mère surveille son nouveau-né qui fait ses premiers pas. Le texte de Baruc nous présente même le lieu où le Seigneur nous entraîne comme un "paradis terrestre" : des arbres qui sentent bon, des chemins où l'on ne risque pas de se tordre les pieds, car les collines elles-mêmes ont été aplanies... L'homme, la femme, peuvent ainsi s'avancer dans la lumière, et se reposer à l'ombre des forêts que le Seigneur a créées pour eux, afin que ne les écrase pas l'ardeur du soleil en plein midi.

Nous savons bien, par expérience, que nos chemins vers Dieu ne sont pas toujours paradisiaques ! Dans un "Sermon pour l'Avent", Guerric d'Igny prend une belle image pour évoquer notre chemin de conversion ; il rappelle d'abord que "C'est surtout pour les impurs que le Christ l'a tracé, lui qui est venu chercher et sauver ceux qui, sur les voies du siècle, s'étaient perdus (voir Lc 19, 10)". Et il continue :

"Mais quoi ? L'impur passera donc par la voie sainte ? A Dieu ne plaise ! Quelque souillé qu'il soit en y venant, ce n'est pourtant pas souillé qu'il y passera ; car, dès lors qu'il y passe, aussitôt il n'est plus souillé. La voie sainte, en effet, est ouverte à l'homme encore souillé ; mais, aussitôt introduit, elle le purifie en effaçant tout ce qu'il a commis, tel un second baptême de pénitence. Ici, en vérité, ce n'est pas Jean, mais Jésus qui baptise (Jn 1, 33) du baptême de pénitence. Ici nous est accessible la source de la maison de David pour l'ablution du pécheur et de la femme souillée (voir Zacharie 13, 1). Cette voie accueille donc celui qui est souillé, mais elle ne le laisse point passer ainsi, car elle est la voie étroite (Mt 7, 14) et, pour ainsi dire, le trou resserré où le serpent en mue peut s'engager avec sa vieille peau, mais dont il ne peut sortir avec elle : il ressort de l'étroit passage renouvelé et mieux vêtu de sa nudité même, débarrassé de son ancienne saleté. C'est donc avec raison qu'on nous demande d'imiter la prudence du serpent, puisque nous ne pouvons être renouvelés autrement qu'en étant mis à l'étroit dans un passage resserré."
(Guerric d'Igny : Cinquième sermon pour l'Avent, 4, in Sermons I, SC 166, p. 161).

Dieu a toujours soin de nous, et comme le dit Paul dans l'Epître aux Ephésiens, "celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus." Ce que Dieu aplanit, ces collines qui empêchent de marcher avec liberté, ce sont aussi nos aspérités multiples, tout ce qui contribue, au quotidien, à enlever le sens de notre vie. Il s'agit pour nous qui détournons le regard, ou qui sommes aveugles, de "progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important." (Philippiens, 1, 9). C'est là un beau conseil en ce temps de l'Avent quand nous nous complaisons dans la recherche de ce qui favorise notre ennui, notre lassitude de vivre, notre abandon de Dieu, quand nous oublions tout ce que Dieu nous donne : les dons gratuits de son amour. Voilà qui est un salutaire rappel : au lieu de nous perdre dans des méandres déroutants, au lieu de nous complaire dans un chemin qui ne mène qu'à la déception, pour une fois suivons le serpent de Grégoire de Nysse sur ce chemin décapant qui écarte notre peau morte et inutile. Dégageons nos pieds et nos chevilles fragiles qui se blessent sur des chemins tortueux. C'est alors que nous avancerons libre dans la voie que le Seigneur trace pour chacun d'entre nous...

Pas d'excuse effectivement : le Christ s'est fait chemin pour nous, et ce chemin pare à tous nos blocages et comble les limites que nous établissons dans nos vies. Augustin le dit clairement lorsqu'il parle du Christ-Chemin :

"J'aime, dis-tu, mais par quel chemin dois-je suivre ? Si le Seigneur ton Dieu t'avait dit : Je suis la Vérité et la Vie, dans ton désir de la Vérité, dans ta poursuite de la Vie, tu chercherais de suite le chemin pour parvenir à ces biens et tu te dirais : C'est un grand bien que la Vérité, c'est un grand bien que la Vie ; si seulement il existait un chemin pour mener mon âme jusque-là ! Tu cherches par où aller ? Ecoute celui qui dit en premier lieu : Je suis le Chemin. Avant de te dire où aller, il a commencé par te dire par où aller : Je suis, dit-il, le Chemin ; où mène ce Chemin ? Et la Vérité et la Vie [Jn 14, 6]. Il t'a dit d'abord par où aller, il t'a dit ensuite où aller : Je suis le Chemin, je suis la Vérité, je suis la Vie. Demeurant auprès du Père, il est la Vérité et la Vie ; en se revêtant de la chair, il s'est fait le Chemin. Il ne t'est pas dit : Travaille pour chercher le chemin qui te mènera à la Vérité et à la Vie ; non, ce n'est pas là ce qui t'est dit. Lève-toi, paresseux, le Chemin est venu lui-même jusqu'à toi et il t'a réveillé de ton sommeil, toi qui dormais, si du moins il t'a réveillé ; Lève-toi et marche [Jn 5, 8]. Tu essaies peut-être de marcher et tu ne peux pas parce que tes pieds te font mal. Pourquoi les pieds te font-ils mal ? Ont-ils couru sous les ordres de l'avarice à travers des terrains raboteux ? Mais le Verbe de Dieu a guéri aussi les boiteux. Regarde, dis-tu, j'ai les pieds en bon état, mais je ne vois pas le chemin. Il a aussi illuminé les aveugles."
(Augustin : Homélies sur l'Evangile de Jean, Tr. 34, 9, pp. 139-141 ; Bibliothèque Augustinienne, 73A).

"Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d'être sauvé ; que l'esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j'enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés [...]"
(Ps 50, 12-15).

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Mercredi 5 décembre 2018

Après la prière : le repas !

Aujourd'hui, le prophète Esaïe nous annonce le repas pour tous les peuples : un festin qui rassemblera tous ceux qui veulent partager... Et la mort ayant alors disparu (on comprend qu'on est dans l'éternité de Dieu), le Seigneur essuiera toutes larmes de nos yeux, les visages exulteront de joie.

Tous sont invités car personne n'est indigne, personne n'est rejeté. Dans un monde où l'exclusion, la séparation sont si souvent la règle, tous sont accueillis pour ce repas festif ! Nos Pères comparent le don que Dieu nous fait de sa Parole à un repas... Dans l'évangile d'ailleurs sa parole est suivie parfois d'un repas partagé (la multiplication des pains qui est rapportée à diverses reprises dans les évangiles). La Parole est offerte à tous, tous peuvent la goûter, la savourer. C'est ainsi que Jésus prend la parol sur la montagne pour déclarer à ceux qui sont réunis :

"Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
Heureux ceux qui pleurent, : ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux: il leur sera fait miséricorde.
Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu.
Heureux ceux qui font oeuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux."
(Matthieu 5, 3-10)

A nous de savourer ces paroles, à nous de nous situer parmi tous les malheureux que Jésus évoque, car nous y avons notre place ; sommes-nous parmi les pauvres (pauvres de coeur : qui peut se dire riche quand la soif est si intense dans notre monde ?), désirons-nous avoir le Royaume des cieux ou même notre part de terre, rêvons-nous d'être consolés ? Avons-nous faim et soif de la justice, souffrons-nous de notre péché alors que nous attendons l'amour infini du Seigneur ? Savons-nous ce qu'il veut nous dire quand il nous promet d'être appelés "fils de Dieu"...? Ce festin qui nous est promis et dépeint en termes si concrets et désirables par le prophète Isaïe, c'est bien l'amour de Dieu qui ne cesse de nous sauver !

"Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé. Et ce jour-là, on dira : "Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés !" Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne." (Es 25, 6-10a).

C'est aussi ce qu'annonce la multiplication des pains, évangile bien connu, rapporté un peu plus loin dans l'Evangile de Matthieu (Mt 15, 29-37). Cette double lecture du jour nous renvoie ainsi d'un festin à un autre pour comprendre la profusion de Dieu qui n'est jamais chiche : ne faisons-nous pas partie de ces hommes et femmes prudents, pour avoir été si souvent été "échaudés" (par les promesses non tenues), ceux qui ne veulent pas croire que la source est intarissable ? Le temps de l'Avent, de l'attente, du désir, c'est aussi ce temps où nous pouvons découvrir que Dieu ne déçoit jamais : ouvrons nos yeux à sa grâce, au lieu de les tenir baissés sur nos malheurs, ceux que nous ne voulons pas cesser de voir et qui nous cachent l'amour de Dieu. Il est toujours à nos côtés pour lever le voile ! Ne serait-ce qu'en nous montrant les malheurs bien plus grands de ceux qui sont près de nous, et qui attendent de notre main, un peu d'eau vive !

Dans les premiers temps de l'Eglise, existait la coutume d'une repas en commun après la célébration eucharistique proprement dite - qui elle-même était marquée par les prières consécratoires et le partage du pain et du vin. Jean Chrysostome, commentant la première Lettre aux Corinthiens de Paul, explique par là les reproches que l'apôtre fait aux habitants de Corinthe qui mangent sans attendre les autres convives :

"...quand vous vous réunissez en commun, ce n'est pas le repas du Seigneur que vous prenez. Car, au moment de manger, chacun se hâte de prendre son propre repas, en sorte que l'un a faim, tandis que l'autre est ivre. N'avez-vous donc pas de maisons pour manger et pour boire ? Ou bien méprisez-vous l'Eglise de Dieu et voulez-vous faire affront à ceux qui n'ont rien ? Que vous dire ? Faut-il vous louer ? Non, sur ce point je ne vous loue pas. (1 Corinthiens 11, 20-22).

Ainsi Jean Chrysostome montre comment les Corinthiens, les plus riches, oubliaient la fraternité et comment le repas qui devait les rapprocher, attisait les séparations en suscitant des discordes :

"De cette loi et de cette coutume naquit alors dans l'Eglise un usage admirable : les fidèles assemblés, après les instructions, les sermons et la participation aux mystères, quand finissait la sainte réunion, ne se retiraient point aussitôt chez eux ; les plus riches et les plus opulents portaient de chez eux des aliments et des mets, et appelaient les pauvres. Ils s'asseyaient avec eux à table ; c'étaient des repas et des festins communs dans l'Eglise même ; la communauté de la table, la sainteté du lieu, tout enfin resserrait les liens de la charité, c'était pour tous un plaisir en même temps qu'un avantage. Les pauvres étaient efficacement consolés, les riches s'attiraient l'amour de ceux qu'ils nourrissaient, celui de Dieu pour qui ils le faisaient, et s'en retournaient pleins de grâces. De la découlaient mille biens, et d'abord l'amour croissant à chaque réunion entre les bienfaiteurs et les obligés, assis à la même table. Les Corinthiens, avec le temps, perdirent cette coutume : les riches mangeaient à part, ils dédaignaient les pauvres, ils n'attendaient pas les retardataires, ceux que retenaient les nécessités où sont soumis les pauvres et qui n'arrivaient point à temps. Et quand ils venaient enfin, la table éait levée, ils se retiraient tout honteux. Les uns s'étaient trop hâtés, les autres avaient trop tardé. Paul, voyant les maux qu'avait causée cette désunion et ceux qu'elle devait causer encore, car les riches méprisaient et dédaignaient les pauvres, les pauvres souffraient et détestaient les riches, et tous les maux enfin qui devaient sortir de cette source, essaya de corriger cette vicieuse et funeste coutume. Et voyaez avec quelle prudence et quelle modération il entreprend cette correction."
(Jean Chrysostome, Homélies sur la première Epître aux Corinthiens, XXVII, 1).

Comment prenons-nous nos repas ? Que ce soit nos simples repas quotidiens, ou bien "le repas du Seigneur", autre nom de l'Eucharistie [mot grec qui veut dire "action de grâce", ne l'oublions pas]. Le "repas du Seigneur", c'est bien le nom que l'on donnait à ce "repas" dans l'Antiquité, alors que les chrétiens partageaient ce repas, qui avait d'ailleurs pleinement le sens de ce que nous appelons "communion"... Ce repas nous "conformait" tous ensemble à être le Corps du Christ (voir la 1ère lettre aux Corinthiens, 12, 12-31).

Pierre Teilhard de Chardin, dans "La messe sur le monde" [pour en lire un court extrait], souligne que le sacrement que l'on appelle eucharistie est "Consécration du monde" car par lui, c'est le monde entier qui devient Corps du Christ. Au cours de chaque eucharistie passe la Vie du Christ dans le Sacrement du Monde, et Teilhard avoue : "[...] je goûterai, avec une conscience accrue, la forte et calme ivresse d'une vision dont je n'arrive pas à épuiser la cohérence et les harmonies" (Teilhard de Chardin, "La messe sur le monde", in Le coeur de la matière, Oeuvres complètes, Seuil, t. 13, p. 149.

En ce temps de l'Avent, apprenons à "rendre grâce", à dire gratuitemen merci à Dieu pour ses dons gratuits. Cherchons-les auprès de nous, en nous, chez nos frères proches ou lointains. Quels dons Dieu nous fait-il et y songeons-nous quand nous lui "rendons grâce", au milieu de l'Assemblée ? Ces "dons" devant lesquels nous restons si souvent "aveugles" ?

"Le Seigneur est mon berger :
Je ne manque de rien.
Sur des prés d'herbe fraîche,
Il me fait reposer..." (Ps 22(23), 1-2).

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1er dimanche de l'Avent, 2 décembre 2018 (année C)

Seigneur, apprends-nous à prier !

Que serait le chrétien sans prière ? Certes nous sommes invités par Jésus lui-même à "aimer notre prochain comme nous-même", et le magnifique texte du Bon Samaritain (Luc 10, 25-37) en témoigne. Mais précisément pour être un "bon samaritain", il est indéniable que l’exemple de Jésus, la connaissance des évangiles, leur lecture et leur méditation quotidienne est ce qui peut "déclencher" le passage à l’acte. Rejoints dans nos multiples activités quotidiennes, par une parole, tirée de la Bible, au petit matin, nous voyons ce que nous n’aurions pas vu autrement, alors que nous sommes si souvent aveugles.

Beaucoup de livrets publiés pour un mois de prière (Magnificat, Prions en Eglise et d’autres encore…) peuvent nous aider à trouver cette parole du jour. De fait, elle nous saisit par rapport à ce que nous sommes, et dans les lectures que nous faisons le matin, qui peuvent aussi bien être prises directement dans la Bible, quelques mots ou phrases résonnent plus fort que d’autres. Si nous entreprenons de lire un livre de la Bible en continu (pourquoi pas des passages larges d'Esaïe/IsaÏe, ou de Jérémie, comme nous le propose la liturgie de l'Avent ?), selon un chapitre par jour (quand notre emploi du temps le permet), ou même quelques versets quotidiens, nous saisirons vite qu’une phrase – on ne sait pourquoi celle-ci – seul le Seigneur le sait – nous retient plus que les autres. Acceptons de la ruminer, peut-être même en nous demandant tout simplement pourquoi c’est elle, parmi tant d’autres, qui nous a ainsi arrêtés. En la retournant dans notre tête, dans notre cœur, nous trouverons vite quantité de raisons à cette "séduction" qu’elle a exercée sur nous… Ce peut être d’ailleurs des raisons qui relèvent de plusieurs états d’âme : "cette phrase me plaît, elle me parle, elle me rappelle… " : et un événement, une personne vient nous rejoindre dans notre prière. "Cette phrase m’irrite, me gêne, me pose problème parce que…" et là, c’est la "contrariété" qui nous interroge et nous fait nous arrêter… Mais notre question trouvera sa réponse, soyez-en sûrs !

Parfois - et c’est une autre méthode possible pour trouver sa "phrase du jour" : de grands spirituels l'ont volontiers pratiquée –, on ouvre la Bible au hasard, on laisse ses yeux se poser sur un paragraphe, un passage… Et voilà que celui-ci nous retient précisément : pourquoi est-ce celui là que j’ai vu dans toute une page… ? On commence à essayer de comprendre cette phrase, ce qu’elle nous dit… et c’est là qu’alors commence la petite interrogation qui va sans doute nous reprendre plusieurs fois dans la journée. Cette phrase dont nous nous sommes saisis (il vaudrait mieux dire "qui nous a saisis" !), va occuper notre cœur au milieu des tâches quotidiennes, nous apaiser souvent…

Alors, si l’on profitait du temps de l’Avent pour prendre l’habitude d’un petit instant avec le Seigneur chaque matin ? Un cœur à cœur, où nous nous parlons tous les deux ? Parfois je n'entends rien car je fais trop de bruit : le bruit intérieur qui m'empêche même de commencer à prier... Mais pourquoi ne pas commencer en disant : "Je t’aime Seigneur, apprends-moi à prier… ". Nul doute qu’il ne va nous répondre !

En ce premier dimanche de l’Avent : « Redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance et proche » (Lc 21, 28). Voilà que cette phrase demeure en nous... Parfois les traductions varient selon les Bibles - c’est le cas pour cette phrase de la traduction de la Bible de la liturgie : on dit maintenant "votre rédemption est proche" : un mot bien difficile... Lequel préférons-nous ? Et de quoi avons-nous besoin d’être délivrés, si c’est cela la rédemption… ?

On retrouve une phrase très semblable en Romains 3, 24 « Tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, mais sont gratuitement justifiés par sa grâce en vertu de la délivrance accomplie en Jésus-Christ".

Ou encore en Rm 8, 22-23 : "… la création tout entière gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement. Elle n’est pas la seule : nous aussi, qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons intérieurement, attendant l’adoption, la délivrance pour notre corps."

Et en Colossiens 1, 12-14 : "Avec joie, rendez grâce au Père qui vous a rendus capables d'avoir part à l'héritage des saints dans la lumière. Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a transférés dans le royaume du Fils de son amour ; en lui nous sommes délivrés, nos péchés sont pardonnés."

Voilà ce que nous dit Paul, celui qui a été rencontré par Jésus sur le chemin de Damas !"

Attendre Dieu, chercher Dieu, celui qui nous délivre de tout esclavage, celui qui nous permet de devenir "libres", toute entrave écartée, libres "de la liberté des enfants de Dieu". C'est ainsi que nous pouvons converser avec lui, dans le secret :

"Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu'on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra."
"Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N'allez pas faire comme eux; car votre Père sait bien ce qu'il vous faut, avant que vous le lui demandiez." (Matthieu 6, 5-8).

Une prière d’Augustin à Dieu :

"Bien tard je t'ai aimée,
ô beauté si ancienne et si nouvelle,
bien tard je t'ai aimée !

Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors
et c'est là que je te cherchais,
et sur la grâce de ces choses que tu as faites,
pauvre disgracié, je me ruais !
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi ;
elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant,
si elles n'existaient pas en toi, n'existeraient pas !

Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix."

(Confessions, X, xxvii, 38).

"Je veux chanter au Seigneur tant que je vis ;
je veux jouer pour mon Dieu tant que je dure.
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur." (Ps 103 (104), 33-34).

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