"Je me demande parfois si j'attends encore que quelqu'un vienne ainsi déposer ton fils entre mes mains.
Je me demande si je l'attends suffisamment, si ma soif est intacte, ou si le temps l'a émoussée. Tu as dû
être bien émue, Marie, de voir ainsi la réaction de ce vieil homme qui attendait la consolation d'Israël.
C'est peut-être cet état d'âme qu'il convient d'avoir pour recevoir le fils unique entre ses mains :
attendre la consolation du monde, la guetter comme si notre vie en dépendait. Attendre la consolation comme
des peuples meurtris attendent la paix, comme des malades attendent la fin de la douleur, comme des
prisonniers attendent le jour de leur libération. Attente ardente, vive, toute tendue vers l'avenir. Et
voilà qu'entre ses bras, Syméon contemple son avenir dans le visage de ton enfant. Jésus est notre avenir ;
il est celui qui vient à nous, qui ne cesse de venir. Il n'est pas seulement l'avenir d'Israël, mais
celui des nations, de tous les peuples, d'hier et d'aujourd'hui. Et cela Syméon le voit. Et toi tu le vois
dans ses yeux. Et Joseph le voit dans les tiens. Ainsi commence la longue chaîne des témoins, qui répètent
le soir avant de se coucher les mots de Syméon. "Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton
serviteur s'en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des
peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël."
(Anne Lécu : A Marie. Lettres, "Le 27 décembre", Cerf, 2020, pp. 78-79).
Anne Lécu, Dominicaine, Docteur en philosophie et en médecine, est médecin en milieu carcéral.
Elle est auteur de magnifiques petits ouvrages publiés au Cerf, tous d'une profonde spiritualité.