"Comme le premier Adam, avant la chute, pouvait donner à tous les êtres un nom qui traduisait leur identité
avec précision, ainsi le chrétien peut à son tour, dans la prière, exprimer quelque chose du nom
nouveau que Jésus, le second Adam, donne à toutes choses (Ap 3, 12). Le nom nouveau est en effet
enfermé dans le Nom de Jésus que nous pouvons poser comme une bénédiction sur tout ce qui passe par nos mains,
sur tout homme que nous rencontrons, sur chaque visage qui se tourne vers nous. Il est possible de
reconnaître ainsi, avec Jésus, la nouvelle identité de l'homme et du monde. Chacun de nous a pu rencontrer
un jour, dans sa vie, un homme de Dieu dont il a reçu le même don : son regard nous a pénétrés comme un feu,
chargé de la tendresse de Dieu et de sa puissance purifiante."
Celui qui est capable de prononcer sur le monde la prière d'action de grâce peut aussi, à présent, faire
usage de ce monde sans se laisser tenter par lui et sans périr par lui. Saint Paul appelle cela : "user du
monde sans en user" (1 Co 7, 31). Car, dans la prière, on peut jauger exactement la valeur de la création,
don et reflet de Dieu, offrande de l'homme. Tout y fleurit en action de grâce qui ne fléchit jamais..."
(Dom André Louf :"...sur le nom nouveau" in Seigneur, apprends nous à prier, Artège, réédition 2019 [1ère éd.1974], pp. 239-240).
Dom André Louf (1929-2010) a été Abbé de la trappe du Mont des Cats pendant trente-cinq ans. Ses écrits sont devenus des classiques de la vie intérieure, et l'ont fait connaître comme l'un des maîtres spirituels du christianisme contemporain. En 1998, il s'établit à Sainte-Lioba (Monastère à Simiane, près d'Aix-en-Provence et de Marseille) pour vivre enfin dans la solitude et le silence d'un ermitage, l'attente de toute sa vie : un face-à-face dans l'intimité avec Dieu.
