Petit parcours pour la semaine sainte

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Lundi Saint

La Semaine Sainte commence aujourd’hui, ce temps avant Pâques qui, dans l’Antiquité chrétienne, était préparation intense pour les catéchumènes. La célébration de la Résurrection du Christ, est, dès l’origine, privilégiée comme moment pour le baptême. Les sacrements qui marquent l’entrée des nouveaux baptisés dans la vie nouvelle leur sont donnés au cours de la nuit pascale : résurrection avec le Christ.

Notre méditation portera tout au long des cinq jours qui viennent (le samedi saint est le jour du silence de Dieu), sur des mots et des gestes que les Pères ont commentés, permettant à l'Eglise d'approfondir des significations essentielles. Ils encouragent ainsi toutes les communautés chrétiennes à faire de cette semaine un temps particulier de prière, de jeûne, de partage, pour accompagner dans leur démarche les nouveaux chrétiens, ceux qui ont entendu résonner la Parole de Dieu – c’est ce que signifie le mot "catéchumène".

Aujourd’hui, nous évoquerons la remise du Notre Père aux catéchumènes, la prière qu’ils redonneront en la récitant solennellement après leur baptême, priant avec toute la communauté assemblée, avant le partage du pain.

Jésus nous a invités à dire "Notre Père" et non pas "mon Père" ! En disant "Notre Père" nous nous reconnaissons "frères" les uns des autres, car nous avons tous le même "Père" ! L’évêque, Cyprien de Carthage, au 3e siècle, insiste :

"Avant toutes choses, le Dieu qui nous a si fortement recommandé la paix et l’unité n’a pas voulu que nos prières eussent un caractère personnel et égoïste; il n’a pas voulu, quand nous prions, que nous ne pensions qu’à nous-même. Nous ne disons pas : mon père qui es dans les cieux, donne-moi aujourd’hui le pain dont j’ai besoin. Nous ne demandons pas seulement pour nous-mêmes le pardon de nos fautes, l’exemption de toute tentation et la délivrance du mal. Notre prière est publique et commune, et quand nous prions, nous ne pensons pas seulement à nous, mais à tout le peuple ; car tout le peuple chrétien ne forme qu’un seul corps. Le Dieu qui nous a enseigné la paix, la concorde et l’unité veut que notre prière embrasse tous nos frères, comme il nous a tous portés lui-même dans son sein paternel."
(Cyprien de Carthage : De l’oraison dominicale, 2).

Alors, quand la distraction nous guette et que nous sommes tentés de réciter trop machinalement une prière que nous connaissons par cœur, souvenons-nous, en disant "Notre Père", que nous prions alors avec tous ceux qui, même absents, sont fils comme nous du seul et unique Père de tous.

Occasion magnifique en cette semaine sainte de re-découvrir la fraternité !

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Mardi Saint

Au début de la Semaine Sainte, on célèbre ce que l’on appelle la "messe chrismale" : c’est là que l’évêque bénit ou consacre les huiles qui vont servir tout au long de l’année pour les sacrements dans les diverses paroisses d’un diocèse. Ainsi en est-il tout d’abord de l’huile des catéchumènes (qui va marquer ceux qui se préparent au baptême) et l’huile des malades, qui est utilisée dans le sacrement des malades.

L’Evêque consacre enfin "le saint-chrême", cette huile parfumée qui marquera au cours de l’année les sacrements du baptême, de la confirmation (appelé aussi "chrismation") et de l’ordre.

Tous les chrétiens sont invités à participer à ce temps diocésain majeur, qui aide chacun à entrer dans une compréhension plus grande des significations sacramentelles : le saint-chrême, ainsi consacré, servira dès la nuit pascale pour les sacrements donnés aux nouveaux baptisés. Et on voit déjà, lors de la messe chrismale, la joie sur les visages de ceux qui portent devant l’évêque les jarres d’huile pour leur bénédiction et leur consécration...

Le mot grec chrisma, qui a donné chrême en français, signifie "onction". Il est en relation avec le mot "Christ"… Le "Christ" est "l’oint de Dieu", celui qui a reçu l’onction. Par dérivation de "Christ", on a formé le mot de "chrétiens".

Dans l’Ancien Testament, l’onction est donnée au roi, au prêtre, signe du choix de Dieu, et de sa présence toute particulière en celui qui est oint. Cette onction est la marque reçue de la puissance et de la force de Dieu. C’est le cas, par exemple, de David, choisi par Dieu et oint par Samuel (1 Samuel 16, 13).

Cette huile parfumée est signe pour nous de la présence de Celui qu’on ne voit ni n’entend, et nous sommes ainsi invités à notre tour à être "la bonne odeur du Christ" comme le dit St Paul (2 Cor 2,15).

Le recours à ce rite de l’onction, très ancien dans l’Eglise, déploie toutes les significations de l’huile : force, richesse, nourriture, guérison, mais aussi légèreté, douceur, intimité, joie… c’est pourquoi l’huile se prête tout particulièrement à souligner les "dons de l’Esprit Saint".

Irénée de Lyon (au IIe siècle) parle en ces termes de la révélation pour nous du Dieu Un : partant du sens du mot Christ, Irénée nous dit que le Fils est sacré par le Père de l’huile d’onction, tandis que l’huile de l’onction… c’est l’Esprit ! (Cf. Irénée : La prédication des apôtres et ses preuves, n° 47).

- magnifique formulation trinitaire d’un mystère insondable, qui nous fait saisir plus profondément les significations de l’huile d’allégresse et exulter quand, à notre tour, nous en sommes marqués.

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Mercredi Saint

La préparation des catéchumènes oriente le "carême" des chrétiens et rappelle à tous qu’au cours de cette semaine sainte, ceux qui se préparent au baptême sont invités à renforcer jeûne, aumône, prière. Y songeons-nous pour nous-mêmes ?

Les obligations du jeûne dans l’Eglise contemporaine, même s’il s’agit d’une invitation qui concerne tout le carême, ont été considérablement réduites : officiellement le mercredi des Cendres, et le vendredi saint pour les catholiques...

Pourtant au-delà des obligations explicitées, les significations du jeûne demeurent et il est peut-être bon d’y réfléchir avant d’entrer dans la profusion des dons à Pâques.

Le jeûne est d’abord un temps pour se consacrer à Dieu seul, en abandonnant, un moment, les séductions de la nourriture, les satisfactions habituelles pour en découvrir d’autres, plus profondes, plus définitives… On peut abandonner aussi, des addictions parfois plus prenantes, pour redécouvrir le sens du goût : "Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur" nous suggère le Ps 33 : phrase qui résonne très fort lorsque les chrétiens reçoivent le pain et le vin, le "corps et le sang du Christ"…

Le jeûne est aussi l’occasion de donner ce que nous ne consommons pas, de moins consommer pour partager… Dans nos pays riches, si nous donnons, c’est souvent notre superflu que nous cédons… Comment prendre, par exemple, un peu de notre temps pour ceux qui ont besoin d’attention, de disponibilité, d’amitié ?

Le troisième aspect caractéristique du Carême, c’est bien la prière : jeûne et aumône ne sont rien s’ils sont gestes uniquement rituels, sans renouvellement de notre cœur. C’est la prière qui nous donnera la force et l’intelligence pour trouver les gestes qui poursuivront la transformation commencée dans la miséricorde de Dieu.

Une petite phrase, un peu étonnante, d’Augustin, l’évêque d’Hippone, sur la prière : "Si tu ne veux pas cesser de prier, ne cesse pas de désirer" (Discours sur les Psaumes, 37, 14).

Elle se comprend sans doute mieux avec un autre texte d’Augustin qui met tous nos sens au service de la rencontre de Dieu :

"Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ;
tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ;
tu as embaumé, j'ai respiré et haletant j'aspire à toi ;
j'ai goûté, et j'ai faim et j'ai soif ;
tu m'as touché et je me suis enflammé pour ta paix."
(Confessions. X, xxvii, 38).

Que notre prière en ces derniers jours de Carême soit une prière animée par le désir : l’attente du véritable repas et l’espérance du vin nouveau…

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Jeudi Saint

En ce Jeudi saint, on pourrait parler de ce que les chrétiens appellent "l’institution de l’eucharistie", la Cène, au cours du dernier repas partagé par Jésus avec ses disciples, qui a donné lieu à tant de commentaires, d’homélies et de représentations artistiques…

Mais un autre geste est aussi marqué dans l’Eglise : c’est le "lavement des pieds".

Dans l’Evangile de Jean, au cours du repas pascal, Jésus lave les pieds de ses disciples - à leur grand étonnement ! Et Pierre commence par protester tant qu’il n’a pas compris le sens de cet acte de la part de celui en qui il voit "le Seigneur et le maître".

Dans l’Antiquité chrétienne, ce geste est repris par l’évêque de Milan, Ambroise, d’une façon particulière : il l’accomplit lui-même sur ceux qui viennent de recevoir le baptême, au cours de la Vigile pascale. Ambroise avoue d’ailleurs que ce geste lui est propre et ne se pratique pas partout. Mais il y tient, et tout au plus s’étonne-t-il qu’il soit omis à Rome alors que, comme il le dit, en agissant ainsi "C’est l’apôtre Pierre lui-même que nous suivons" (Des sacrements, 4 – 7).

Nous voyons, quant à nous, comment, ces dernières années, à l’occasion du jeudi saint, l’évêque de Rome, François, a mis l’accent sur ce geste qu’il accomplit sur des prisonniers, des pauvres, des migrants, ceux qui sont souvent très loin de l’Eglise, et qu’il accueille ainsi, avec un signe quasiment baptismal, dans la grande famille des aimés de Dieu.

Des significations multiples ont été données à ce geste de Jésus : beaucoup de Pères insistent sur l’humilité du Christ. (ainsi en est-il d’Ambroise qui lui aussi se dépouille de ses vêtements pour s’agenouiller devant les tout nouveaux baptisés).

En méditant sur ce geste, empli de significations, nous penserons encore à la Samaritaine, à qui Jésus promet l’eau vive et qui découvre "tout ce qu’elle a fait"… Cyrille de Jérusalem, au IVe siècle, commente:

"Pour quelle raison le don de l'Esprit est-il appelé une "eau" ? C'est parce que l'eau est à la base de tout ; parce que l'eau produit la végétation et la vie ; parce que l'eau descend du ciel sous forme de pluie ; parce qu'en tombant sous une seule forme, elle opère de façon multiforme. [...] Elle est différente dans le palmier, différente dans la vigne, elle se fait toute à tous. […] La pluie ne se transforme pas quand elle descend ici ou là mais, en s'adaptant à la constitution des êtres qui la reçoivent, elle produit en chacun ce qui lui convient."
(Catéchèse 16 sur le Symbole de la Foi, 23-25).

Présence de Dieu dans le monde, l’Esprit Saint, par l’eau, nous marque déjà des symboles de la vie nouvelle, de la Résurrection…

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Vendredi Saint

Vendredi Saint : aujourd’hui nous célébrons la mort de Jésus en Croix. Pour entrer plus profondément dans ce mystère d’un Dieu qui meurt pour le salut de tous, les Pères de l’Eglise interprètent pour nous ce moment où le soldat, trouvant Jésus déjà mort, perce son côté pour s’en assurer.

Oui, sans doute, car à la veille de la Pâque, chacun était pressé de rentrer chez soi, et il fallait détacher les corps des condamnés. Mais alors qu’on coupe les jambes de ceux qui entourent Jésus, pour lui c’est son côté qui est transpercé, et il en sort "de l’eau et du sang" nous dit Jean l’évangéliste. Jean Chrysostome nous explique que "cette eau et ce sang étaient les symboles du baptême et des mystères" : c’est-à-dire ce que nous appelons aujourd’hui l’eucharistie, le partage du pain et du vin. Et il ajoute que "l’Eglise est née de ces deux sacrements" (Jean Chrysostome : Catéchèse baptismale, 3, 13-19 in Sources Chrétiennes, vol. 50, pp. 174-177).

Augustin d’Hippone, dans la même perspective précise que, lorsque l’on dit qu’"un des soldats ouvrit le côté [de Jésus]", c’est :

« … pour nous apprendre qu'il ouvrait d'une certaine manière la porte de la vie. De là coulèrent les sacrements de l'Eglise sans lesquels on n'accède pas à la vie qui est la vie véritable. Ce sang a été versé pour la rémission des péchés. Cette eau se mêle à la boisson salutaire. […]
C'est en vue de ce même mystère que la première femme fut faite du côté d'Adam endormi, et qu'elle fut appelée vie et mère des vivants. Elle était figure d'un grand bien avant d'être le signe d’un grand mal…. Ici le second Adam ayant incliné la tête s'est endormi sur la croix afin que son épouse soit formée à partir de ce qui coulait de son côté…"
(Augustin : Homélies sur l'Evangile de Jean, Tract. CXX, 2).

Alors aujourd’hui, en méditant sur la mort de Jésus, qui donne sa vie pour notre salut, rappelons-nous que notre foi est reçue de cette Eglise, qui est née du côté du Christ, nouvel Adam.

Et surtout, retenons ce que nous apprennent la mort et la résurrection du Christ : dans nos propres vies, c’est souvent de la souffrance même que jaillit la grâce. Cherchons cette grâce, les manifestations de cet amour gratuit de Dieu dans nos vies ou dans la vie de nos proches : nous n’aurons jamais à nous repentir de ce regard nouveau qui transforme, transfigure notre vie.

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Samedi Saint