"Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho (Lc 10, 30). Le passage concerne toute l'humanité. Celle-ci,
par suite de la prévarication d'Adam, quitta le séjour élevé, calme, sans souffrance et merveilleux du paradis, nommé à
bon droit Jérusalem - nom qui signifie la Paix de Dieu - et descendit vers Jéricho, pays creux et bas, où la chaleur est
étouffante. Jéricho, c'est la vie fiévreuse de ce monde.
Enfin un Samaritain vint à passer le Samaritain voyageur qui était le Christ - car il voyageait vraiment - vit celui qui
gisait. Il ne passa pas outre, car le but propre qu'il avait donné à son voyage était de nous visiter
(Lc 1, 69), nous pour qui il est descendu sur la terre et chez qui il a logé. Sur les plaies il versa du vin, le vin
de la Parole. Puis il chargea le blessé sur une bête de somme - signifiant par là qu'il nous élève au-dessus des passions
bestiales, lui qui, également, nous porte en lui-même, faisant de nous les membres de son corps. Ensuite, il conduisit
l'homme jusqu'à l'hôtellerie. Il donne ce nom d'hôtellerie à l'Eglise, devenue le lieu d'habitation et le réceptacle de
tous. Nous ne lui entendons pas dire, en effet, au sens restreint de l'ombre légale et du culte en figure :
L'Ammonite et le Moabite n'entreront pas dans l'assemblée de Dieu (Dt 23, 4), mais bien : Allez,
enseignez toutes les nations (Mt 28, 19).
(Homélie cathédrale 89, cité in H. de Lubac, Catholicisme, Cerf, Paris, 1947 p. 377-379)
Dans ce commentaire de Lc 10, 30, l'histoire du "bon Samaritain", il n'y a pas loin pour l'homme d'aujourd'hui entre
l'hôtellerie (lieu où les pauvres, les blessés qui voyageaient étaient soignés : hôtel et hôpital viennent du même mot
latin : hospitalem) et "l'hôpital de campagne" du pape
François qui dépeint ainsi l'Eglise :
"Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le coeur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures…" ("Interview du Pape François aux revues culturelles jésuites", réalisée par le P. Antonio Spadaro, sj, in Etudes, octobre 2013, p. 14***).
Qui était Sévère d'Antioche ? un Père de l'Eglise du Ve-VIe siècle, né en Pisidie vers 465, et mort à Xoïs
en Égypte le 8 février 538. Il fut patriarche d'Antioche du 18 novembre 512 au 29 septembre 518, période de grands troubles
du fait du monophysisme (réponse au nestorianisme ?) qui alors agitait l'Eglise.
Sévère qui avait fait de très bonnes études, notamment à Alexandrie - comme c'était l'usage pour les fils de bonne famille -
renonce à la carrière mondaine et brillante qui lui était promise pour devenir moine, d'abord dans un couvent fondé par
l'évêque monophysite Pierre l'Ibère à Maïouma (port de Gaza). Mais, très vite il se retire avec un seul compagnon
dans le désert entre Gaza et Jérusalem où il se livre à une ascèse rigoureuse. Recueilli dans un
état de très grande faiblesse du fait de la rigueur de ses jeûnes (il gardera toute sa vie des séquelles de ces excès),
après un séjour dans un monastère de la région, il retourne à Maïouma, où il vit alors en solitaire. Lorsqu'il reçoit son
héritage, il consacre celui-ci à la fondation d'un monastère dont il devient le supérieur (toujours à
Maïouma). Il est alors appelé et ordonné prêtre par l'évêque monophysite de Magydos en Pamphylie, Epiphane.
Dans cette Eglise du VIe siècle, Sévère et ses compagnons furent accusés de monophysisme et chassés de leurs murs.
Il se rendit à Constantinople en 508 avec 200 moines pour défendre sa cause devant l'empereur Anastase. Il obtint d'être
reçu par celui-ci et acquit un grand ascendant sur lui. Il resta dès lors à Constantinople jusqu'à la fin de l'année 511 et ne
revint en Orient que pour assister au concile provincial de Sidon. Finalement, Sévère fut élevé au patriarcat
d'Antioche en 512 après la déposition de Flavien II, qui était lui soupçonné de nestorianisme. On perçut nettement cette
protection dont Anastase entoura de nombreux moines monophysites comme signe de son ralliement au monophysisme. De fait,
le patriarcat de Sévère ne dura guère ; à la mort d'Anastase le nouvel empereur était dans la ligne de Chalcédoine et Sévère
dut s'enfuir et retourner à Alexandrie, grande ville du monophysisme. Il tenta brièvement de retourner à Antioche, mais arrêté, il put
s'échapper et retourner en Egypte, grâce à la protection de l'impératrice. C'est là qu'il termina sa vie, mais il fut
longtemps considéré par de nombreux habitants d'Antioche comme leur patriarche légitime.Il est considéré comme l'un des
principaux théologiens et un saint par l'Église syriaque orthodoxe et par l'Église copte.