Méliton de Sardes : extrait de l'Homélie sur la Pâque

Méliton, évêque de Sardes en Lydie (Asie Mineure), est mort avant 190. Il est intervenu dans de nombreux débats de son temps, notamment a dénoncé fortement le gnosticisme.

Cette magnifique homélie est remplie d'images pour essayer de dire un grand mystère, un mystère toujours nouveau, celui de la Résurrection du Christ, prémices de notre propre résurrection déjà commencée...

"Comprenez-le, mes bien aimés : le mystère de la Pâque est ancien et nouveau, provisoire et éternel, corruptible et incorruptible, mortel et immortel.

Il est ancien en raison de la Loi, mais nouveau en raison du Verbe ; provisoire en ce qu'il est figuratif, mais éternel parce qu'il donne la grâce ; corruptible puisqu'on immole une brebis, mais incorruptible parce qu'il contient la vie du Seigneur ; mortel, puisque le Seigneur est enseveli dans la terre, mais immortel par sa résurrection d'entre les morts.

Oui, la Loi est ancienne, mais le Verbe est nouveau ; la figure est provisoire, mais la grâce est éternelle : la brebis est corruptible, mais le Seigneur est incorruptible, lui qui a été immolé comme l'agneau, et qui ressuscita comme Dieu.

Car il a été conduit comme une brebis vers l'abattoir, alors qu'il n'était pas une brebis ; il est comparé à l'agneau muet, alors qu'il n'était pas un agneau. En effet, la figure a passé, et la vérité a été réalisée : Dieu a remplacé l'agneau, un homme a remplacé la brebis, dans cet homme, le Christ, qui contient toute chose.

Ainsi donc, l'immolation de la brebis et le rite de la Pâque et la lettre de la Loi ont abouti au Christ Jésus en vue de qui tout arriva dans la loi ancienne et davantage encore dans l'ordre nouveau.

Car la Loi est devenue le Verbe, et, d'ancienne, elle est devenue nouvelle (l'une et l'autre sorties de Sion et de Jérusalem), le commandement s'est transformé en grâce, la figure en vérité, l'agneau est devenu fils, la brebis est devenue homme et l'homme est devenu Dieu. [...]

Le Seigneur, étant Dieu, revêtit l'homme, souffrit pour celui qui souffrait, fut enchaîné pour celui qui était captif, fut jugé pour le coupable, fut enseveli pour celui qui était enseveli. Il ressuscita des morts et déclara à haute voix : Qui disputera contre moi ? Qu'il se présente en face de moi ! C'est moi qui ai délivré le condamné ; c'est moi qui ai rendu la vie au mort ; c'est moi qui ai ressuscité l'enseveli. Qui ose me contredire ? C'est moi, dit-il, qui suis le Christ, qui ai détruit la mort, qui ai triomphé de l'adversaire, qui ai lié l'ennemi puissant, et qui ai emporté l'homme vers les hauteurs des cieux ; c'est moi, dit-il, qui suis le Christ.

Venez donc, toutes les familles des hommes, pétries de péchés, et recevez le pardon des péchés. Car c'est moi qui suis votre pardon, moi la Pâque du salut, moi l'agneau immolé pour vous, moi votre rançon, moi votre vie, moi votre résurrection, moi votre lumière, moi votre salut, moi votre roi. C'est moi qui vous emmène vers les hauteurs des cieux ; c'est moi qui vous ressusciterai ; c'est moi qui vous ferai voir le Père qui existe de toute éternité ; c'est moi qui vous ressusciterai par ma main puissante."

(Homélie sur la Pâque, 2, 7, 65-71, Sources Chrétiennes n° 123, pp. 60-64, 120-122)

Dieu est bien au-delà de toutes les images, de tous les mots que l'on peut utiliser pour essayer de parler de Lui, pour essayer de se le représenter. Sitôt donnée, la comparaison se trouve déjà inutile, car Dieu n'est pas l'image qu'on donne pour essayer d'approcher Celui qui est infini. Comment comparer à un agneau Celui qui n'était pas un agneau, et comparer à une brebis Celui qui n'en était pas une ? La figure est dépassée : "le commandement s'est transformé en grâce, la figure en vérité, l'agneau est devenu fils, la brebis est devenue homme" et... "l'homme est devenu Dieu" ! La résurrection c'est précisément la terre nouvelle, le monde nouveau, l'homme nouveau, celui qui a reçu le commandement nouveau et qui est entré dans la nouveauté radicale de Dieu.

Ressusciter, au-delà de toutes les images fantastiques qui nous hantent, développées d'ailleurs par la peinture, la littérature apocalyptique, c'est se re-lever, se lever à nouveau, se lever homme nouveau, mais le "comment" importe peu : comment concevoir précisément ce qui est du mystère de Dieu ? Nous savons bien qu'il ne s'agit que d'images, bien imparfaites et insuffisantes, pour dire le désir de notre coeur, désir qui lui même est la trace la plus évidente de ce Dieu qui a aimé l'homme. Il faut bien toute une vie pour cela, pour trouver ce Dieu qui se laisse trouver en venant chercher l'homme, jusque dans son péché ; ce Dieu qui nous a aimés jusqu'à en mourir, qui s'est livré pour que nous ayons la vie en nous, la vraie vie, et que même alors que nous passons tous par la mort, nous vivions d'une vie qui n'a pas de fin...

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