Clément d'Alexandrie : un extrait des Stromates pour méditer sur la vérité

Clément d'Alexandrie (v. 140-v.220), païen de naissance, né à Athènes, lors d'un voyage rencontre Pantène à Alexandrie : celui-ci est à la tête de l'Ecole théologique (Didascalée). Celui-ci devient son maître et Clément lui succèdera à la tête de l'Ecole. En 202, Clément du fait des persécutions de Septime Sévère, doit se réfugier en Cappadoce. Quand il revient, Origène est alors à la tête de l'Ecole. Clément ne cherche pas à reprendre sa place et disparaît. Son oeuvre, importante, montre son désir de concilier philosophie et foi chrétienne. Il donne une place importante à la raison.

Un court extrait des Stromates qui pose le problème de la vérité. Y a-t-il plusieurs routes pour trouver Dieu ?

"Il n’y a, certes, qu’une route de la vérité, mais elle est comme un fleuve intarissable, vers lequel débouchent les autres cours d’eaux venus d’un peu partout, d’où ces paroles inspirées : Ecoute, mon fils, et reçois mes paroles pour avoir beaucoup de chemins vers la vie. Je t’enseigne les voies de la sagesse pour que les sources ne te manquent pas (Pr 4, 10-11.21), les sources qui jaillissent toutes de la même terre. Et ce n’est pas seulement pour un seul juste qu’il dit qu’il y a plusieurs voies de salut, il ajoute qu’il y a pour des foules de justes, des foules d’autres routes ; il le fait entendre ainsi : Les sentiers des justes brillent comme la lumière (Pr 4, 18). Eh bien, les préceptes et les instructions préparatoires sont sans doute des routes, des mises en train de notre vie.
Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule ses poussins ! (Mt 23, 37). Or, "Jérusalem" veut dire "vision de paix". Donc, le Seigneur nous indique en langage inspiré que ceux qui auront eu la vision de paix auront été préparés de cent façons à cette vocation. J’insiste ; il a "voulu" il n’a pas pu. Combien de fois ? où ? deux fois, par les prophètes et par sa venue. Donc l’expression "combien de fois" indique la sagesse multiforme qui, par tous les moyens de qualité et de quantité, sauve les âmes de toutes les manières, dans le temps et dans l’éternité, parce que l’esprit du Seigneur remplit la terre (Sg 1, 7)".
(Les Stromates I, 5, 29, 1-5 (SC 30, 1951, p. 66).

Ce texte est écrit, me semble-t-il, pour tous ceux qui doutent encore que Dieu veut le salut de tous les hommes, et pas seulement de ceux qui mènent une vie morale selon les normes strictes énoncées particulièrement par l’Eglise (mais on en trouve de semblables dans des religions non-chrétiennes). Il ne s’agit pas d’ailleurs d’évoquer seulement le salut de ceux qui ont reconnu le Christ historique du christianisme et s’efforcent de le suivre. Peut-on imaginer que les routes du salut sont- bien définies, et une fois pour toutes, par ceux qui se réclament du Christ ? Le Christ lui-même insiste sur l’universalité du salut, en raison de l’amour du Père. C’est une grave question qui s’est posée souvent dans les évolutions de l’Eglise et du monde, mais qui se pose encore plus sans doute aujourd’hui avec la diffusion générale et souvent tronquée des propos et informations, avec les contacts entre tous les hommes, toutes les croyances, toutes les religions, et où l’on est certes, de plus en plus tenté de "tolérer" l’autre, mais non pas de l’"aimer" - ce qui est beaucoup plus exigeant - et finalement de dire "A chacun sa vérité". Dans ce cas, on reprend cette formule à la mode sans comprendre tout à fait ce que l’on dit alors, en oubliant qu’il faut d’abord "être" pour être "sauvé". Ce texte de Clément d’Alexandrie peut nous aider à méditer, et probablement à avancer dans l’amour de tous les hommes, par une véritable compréhension des routes apparemment différentes qui tiennent compte de la spécificité et du caractère unique de chaque homme. La Vérité transforme toutes ces routes pour qu’elles se rencontrent dans le fleuve intarissable qu’évoque Clément et qui n’est la propriété d’aucun privilégié à qui reviendrait de faire payer un "droit d’entrée".

N'est-ce pas ainsi qu'il faut comprendre "Je suis le Chemin, la Vérité, la Vie" (Jn 14, 6) ?

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