Paul Tillich

Un extrait de Les fondations sont ébranlées

"Celui qui attend, dans le sens le plus élevé, n’est pas loin de ce qu’il attend.
Celui qui attend avec un sérieux absolu est déjà saisi par ce qu’il attend.
Celui qui attend dans la patience a déjà reçu la puissance de ce qu’il attend.
Celui qui attend passionnément est déjà puissance d’action, et même la plus grande puissance de transformation possible dans sa vie intérieure et extérieure.
La réponse divine à cet effort est le vide absolu. L’attente n’est pas le désespoir. Attendre c’est accepter de n’avoir point, au nom de ce que nous avons déjà.
Notre temps est un temps d’attente ; l’attente est son destin particulier. Tout temps d’ailleurs est un temps d’attente, il attend l’irruption de l’éternité. Le temps court toujours en avant. Le temps, dans l’histoire comme dans la vie personnelle, est toujours attente. Le temps est attente en soi, attente non pas d’un autre temps, mais de ce qui est éternel."
(Les fondations sont ébranlées, Morel, 1967, p. 206)

L'Avent : temps de l'attente. Temps de l'attente de Celui qui doit venir, temps de l'attente de Celui qui ne cesse de venir, de Celui qui vient en nous pour transformer le monde, pour faire éclore un monde nouveau, le monde de l'homme nouveau.

Si nous savions vraiment ce que Jésus dit quand il affirme de l'Esprit de Vérité : "vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous, et qu'il est en vous." ou encore : "Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui." (dans ce chapitre 14 de l'Evangile de Jean qu'il convient toujours de relire et méditer), pourrions-nous encore ignorer que l'éternité est déjà là, que même lorsque nous souffrons d'attente, nous sommes déjà proches de ce que nous attendons, et que notre monde est déjà engagé dans sa transformation - et ceci à travers chacun d'entre nous ?

Transformé par Dieu qui change les coeurs de pierre en coeurs de chair ; même quand nous nous croyons inchangés, nous sommes de l'intérieur transformés ; ainsi nous sommes déjà touchés par ce qui nous semble encore loin, trop loin. Agis par Dieu, nous agissons, aimés par Dieu, nous aimons. L'éternité immense et infinie prend la place du temps qui dure. L'éternité, elle, ne dure pas car elle est. Tandis que le temps n'en finit pas de rejoindre sa fin, l'éternité commence toujours ("De commencements en commencements, vers des commencements qui n'ont pas de fin", Grégoire de Nysse), dans la splendeur et la surprise émerveillée d'un monde nouveau.