Edith Stein (1891-1942)

Extrait d'une lettre, écrite en 1928, à une religieuse dominicaine, publiée dans La Puissance de la Croix, traduction française, Nouvelle Cité, 1982, pp. 47-48.

Edith Stein raconte :

"A l'époque de ma conversion, juste avant qu'elle se produisît et même longtemps après, je pensais que mener une vie religieuse signifiait renoncer à tout ce qui est terrestre pour ne vivre qu'en pensant aux choses divines. Mais peu à peu j'ai appris et compris qu'en ce monde c'est bien autre chose qui est exigé de nous et que même dans la vie la plus contemplative le lien avec le monde ne doit pas être rompu. Je vais jusqu'à croire que plus on est "attiré" en Dieu, plus on doit en ce sens "sortir de soi", c'est-à-dire s'offrir au monde, pour y porter la vie divine.
Il importe seulement que l'on puisse effectivement disposer d'un coin tranquille où pouvoir fréquenter Dieu, comme si vraiment rien d'autre n'existait, et ce quotidiennement : pour cela le meilleur moment me semble être le lever du jour, avant de se mettre au travail. Je crois, de plus en plus, que c'est à ce moment-là que nous recevons notre mission particulière pour cette journée précise sans rien choisir par nous-même ; et que finalement nous parvenons à nous considérer comme rien d'autre qu'un instrument ; nous voyons ainsi dans les forces avec lesquelles il nous faut spécialement travailler - comme par exemple en ce qui nous concerne, l'intelligence - quelque chose dont nous n'usons pas nous-même mais dont Dieu use en nous."

Tiré de Prier 15 jours avec Edith Stein, "4e jour : La solidarité avec les hommes", par Michel Dupuis, Nouvelle Cité, 2016, pp. 41-42).

Edith Stein, née à Breslau en Silésie en 1891, est d'une famille, nombreuse, juive, qui a marqué profondément sa personnalité et elle restera très liée à sa mère, ses soeurs... (sa mère a mis au monde 11 enfants, même si quatre sont morts en bas âge).
Poursuivant de brillantes études universitaires, Edith arrive à l'université de Göttingen, rencontre Edmund Husserl, avec qui elle découvre la phénoménologie ; elle va préparer sous sa direction une thèse (sur l'empathie) qu'elle soutiendra à Fribourg-en-Brisgau, obtenant son doctorat en philosophie avec la plus haute mention (summa cum laude : elle est la première femme à obtenir une telle distinction). Elle travaille plusieurs mois comme assistante de Husserl, toujours préoccupée de la vérité ; elle vit une vie intellectuelle très intense, ce qui n'empêche pas également des engagements concrets, notamment concernant les femmes, écartées encore de multiples rôles dans la société. Elle rencontre de nombreuses personnes qui la marquent, comme par exemple un ami philosophe, Adolph Reinach, mort au front. il avait été baptisé et elle peut découvrir son chemin spirituel car elle hérite de ses notes philosophiques, où Reinach essayait de comprendre sa propr évolution religieuse En rencontrant aussi sa jeune veuve elle découvre la "lumière du Christ dans le bois de la Croix" Elle se livre à des travaux philosophiques personnels, elle jouit d'une belle renommée ; elle enseigne dans le privé. Parmi ses lectures elle découvre la Vie de Ste Thérèse d'Avila. Elle demande le baptême qu'elle reçoit en 1922. De 1923 à 1931 elle est professeur de littérature au lycée et à l'école de formation d'enseignantes des dominicaines de Spire. Elle fréquente l'Abbaye de Beuron où le père abbé devient son conseiller spirituel.
Sa passion de la recherche et de la "vérité" n'élimine pas pour autant son sens de l'action concrète. N'oublions pas qu'elle a interrompu ses études en 1915 pour rejoindre les hôpitaux de campagne, s'engageant comme infirmière auprès des soldats blessés. Si par la suite, ayant repris ses études, elle mène une brillante carrière (elle se retrouve maître de conférence à l'Institut des Sciences pédagogiques de Munster (1932-1933), elle participe aussi à des associations d'éducation populaire, et s'engage dans des actions politiques et sociales, etc.
Finalement ce désir qui mûrissait en elle de plus en plus se précise : elle entre au Carmel de Cologne en 1933 et prend l'habit en 1934 sous le nom de Soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix. Sa mère meurt en 1936, et sa soeur Rosa peu après demande à son tour le baptême. Edith Stein fait sa profession solennelle en 1938. Mais la situation pour les familles juives s'aggrave en Allemagne, et de plus en plus dans toute l'Europe. C'est après son transfert au Carmel d'Echt au Pays-Bas en 1940 - où la rejoint sa soeur Rosa -, que les deux soeurs sont convoquées par la Gestapo à Maastrich, où l'on établit la liste des juifs résidant aux Pays-Bas. Désormais on impose aux juifs de porter l'étoile jaune, et on retire la nationalité allemande à tous les juifs allemands. En Allemagne, plusieurs membres de la famille Stein sont déjà déportés. Le 2 août 1942 Edith et sa soeeur sont arrêtées. Arrivées au camp de transit de Westerbork, leur convoi part vers l'Est dès le 7 août, et arrive le 9 août à Birkenau II (Auschwitz).

Béatifiée en 1987, puis canonisée le 11 octobre 1998, c'est le 1er octobre 1999, en la fête de sainte Thérèse de Lisieux, qu'Edith Stein (Soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix) est déclarée co-patronne de l'Europe.