Adrienne von Speyr (1902-1967)

Un extrait de St Marc commenté par Adrienne von Speyr.

"L'aveugle Bartimée criait de plus belle." Sans doute Bartimée veut-il attirer l'attention de Jésus ?!...

"Et beaucoup le rabrouaient pour lui imposer silence, mais lui criait de plus belle : "Fils de David, aie pitié de moi !"
(Mc 10, 48, 49a].

peut-être bien parce qu'ils attendent eux-mêmes quelque chose du Seigneur et ne veulent pas se laisser déranger par l'aveugle. Leur attente, qui n'a vraisemblement pas de contenu très clair, leur importe bien plus que la cécité de celui qui appelle. S'ils accompagnent le Seigneur par curiosité, ils veulent y trouver leru compte. Ou alors, cela fait déjà partie de leur quotidien de voir le Seigneur soigner des malades, rendre la vue à des aveugles. Ils aimeraient faire une autre expérience, de préférence sur eux-mêmes. Quelque chose de moins éclatant extérieurement que la guérison d'un aveugle, mais tout aussi satisfaisant pour eux." [...]

Mais lui criait de plus belle : [...]

Il doit crier. Il ne se laisse intimider par personnne, parce qu'il se trouve en un lieu où personne n'a plus rien à lui dire. En appelant le Seigneur, il a établi une relation directe, et plus personne ne peut s'interposer. il sait que son insistance ne fait peut-être qu'irriter les autres. Mais peu lui importe pour le momemnt. Il veut poursuivre ce qu'il a commencé avec le Seigneur. Il se trouve à un certain niveau d'oblation, un niveau où on en sait suffisammnt sur le Seigneur pour ne pas se laisser influencer par ceux qui l'accompagnent et qui n'ont pas de mandat pour le moment.

Nous devons admirer cet aveugle qui ne se laisse pas décontenancer alors qu'il est un faible dans la foule. Comme on pourrait vite l'écarter. Et il pressent cette puissance contraire d'autant plus fortement qu'il ne voit pas. Il est presque impossible d'imaginer ce que des voyants représentent pour des non-voyants, quel pouvoir ces derniers leur attribuent : comme les voyants peuvent agir avec assurance, rapidité et sans entrave ! La force de foi de l'aveugle n'en apparaît que plus grande. Lui, l'impuissant, tient tête à ce pouvoir afin que le Seigneur tourne son attention vers lui et le prenne en pitié. Il croit au Seigneur, comme le montre déjà son interpellation : "Fils de David".

Jésus s'arrêta et dit : "Appelez-le". Le Seigneur se met du côté de l'aveugle. La relation de confiance que traduisent ces mots devient réciproque. Le Seigneur veut s'occuper de cet aveugle, il reconnaît dans l'appel de l'aveugle la grâce qui vient de lui. Et il ne laisse pas tomber celui qui est dans sa grâce. Il interrompt sa marche et ordonne de l'appeler. Ce qui, dans les paroles de l'aveugle, apparaissait comme une assurance presque incompréhensible, est confirmé par l'arrêt du Seigneur et par ses paroles : la relation est réciproque. Si quelqu'un appelle, comme l'aveugle, dans une grâce sûre, c'est déjà la grâce du Seigneur en lui qui le fait appeler... et le Seigneur le prouve en mettant en lumière cette grâce par son arrêt et par sa parole . Il ne dit pas à ceux qui l'entourent ce qu'il prévoit de faire. Mais quand l'aveugle entend que le Seigneur le fait appeler, c'est pour lui une confirmation de sa confiance..."

[à suivre dans Adrienne von Speyr : Saint Marc. Points de méditation pour une communauté (Socéval Editions, 2006, pp. 505-506).]

Adrienne von Speyr avait coutume de proposer des "points de méditation" à ceux qui autour d'elle se livraient à la lecture quotidienne de l'Ecriture... Ici à propos de l'aveugle Bartimée, rencontré sur le chemin en sortant de Jéricho...
Cette grande mystique (1902-1967), dans une perspective qui n'est pas toujours la nôtre aujourd'hui, mais avec beaucoup d'à propos et de profondeur, pour nous introduire à la lecture de Marc, nous offre des méditations qui nous concernent finalement tous. Nous apprenons également comment une simple phrase de l'Evangile peut nous emmener très loin pour notre propre vie de foi...