Adrienne von Speyr (1902-1967)

Un extrait de St Marc commenté par Adrienne von Speyr.

Adrienne von Speyr avait coutume de proposer des "points de méditation" à ceux qui autour d'elle se livraient à la lecture quotidienne de l'Ecriture... Ici un texte pour une méditation sur les tentations de Jésus au désert à partir de Mc 1, 12-13. Au temps de Carême, cette méditation peut nous aider, alors même que le texte de Marc est très court, à la différence des tentations racontées chez Matthieu et Luc.
Cette grande mystique (1902-1967), dans une perspective qui n'est pas toujours la nôtre aujourd'hui, mais avec beaucoup d'à propos et de profondeur, pour nous introduire à la lecture de Marc, nous offre aussi une méditation pour le carême d'une grande richesse. Nous apprenons également comment une simple phrase de l'Evangile peut nous emmener très loin pour notre propre vie de foi...

[L'Esprit pousse Jésus au désert] "Et il demeura dans le désert quarante jours, tenté par Satan. Et il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient. "Le Seigneur reste quarante jours dans le désert et il est continuellement tenté par Satan. Il doit continuellement repousser des tentations. La durée des tentations indique déjà leur intensité. Il n'y a pas eu de trêve, ni de relâchement dans leur virulence. Or, si le Seigneur a eu besoin de quarante jour pour en venir à bout, il ne faut pas nous étonner d'avoir besoin, nous pécheurs, de beaucoup plus de temps, même si le Seigneur nous a déchargé de bien des tentations. Personne après lui ne devra les traverser toutes ; lui, il les a toutes affrontées, et pas seulemenmt des ébauches de tentations, mais de véritables tentations sataniques. Satan ne lâchait pas. Il ne faudrait pas penser que ce fût facile pour le Seigneur de tenir bon. Même s'il n'a jamais connu le péché, il est pendant sa vie sur terre, un homme que les tentations touchent d'une manière aussi sensible que les autres hommes. Elles ne perdent rien chez lui de leur force d'agression et de séduction. La seule différence par rapport aux pécheurs, c'est qu'il les terrasse.
Dans toutes les tentations, même les petites et les toutes petites, que nous pouvons rencontrer dans la solitude qui précède l'apostolat, nous voulons essayer de garder constamment devant les yeux l'exemple du Seigneur. Puissent ses tentations qui étaient beaucoup plus fortes que les nôtres mais auxquelles il n'a jamais cédé d'un pouce, nous obtenir la grâce de pouvoir résister.

Le Fils n'est pas seul dans le désert. Les bêtes sauvages l'entourent, et les anges aussi se tiennent à son service. L'image présentée ne manque pas d'un certain humour. Les bêtes sauvages et les anges : quels contrastes autour du Seigneur ! Nous avons de la peine à nous représenter les anges en train de le servir, pendant que Satan le tente et que les bêtes sauvages l'entourent. Et pourtant c'est une situation très chrétienne qui est décrite ici. Un chrétien n'est jamais seul dans ses tentations. Toujours les anges sont là à l'aider, qu'il les voie ou non. Ils peuvent prendre toutes sortes de figures, être perçus comme des bonnes pensées, des forces de résistance, comme un stimulant de notre volonté à ne pas céder à la tentation. Le Seigneur voit les anges parce que pendant son existence terrestre jusqu'à sa déréliction sur la croix, il ne perd pas son regard sur l'au-delà. Il voit la colombe, entend la voix du Père, aperçoit aussi les anges. Il va de soi que nous ne pouvons espérer être munis sur terre des sens de l'au-delà. Mais une intuition réelle pour les choses de Dieu nous est quand même accordée, en sorte que nous sommes tout à fait en mesure de discerner ce qui vient de nous, ce qui est du diable, et surtout ce que la grâce du Seigneur exige de nous. Toute grâce est une preuve absolue de l'au-delà. Nous n'avons pas besoin de la voir, de l'entendre ou de la percevoir par d'autres sens, mais nous devons savoir qu'elle agit, comme nous savons aussi que les anges ont servi le Seigneur."

(Von Speyr, Adrienne : Saint Marc. Points de méditation pour une communauté, Soceval Editions, 2006, (11), 2-3, pp. 29-30).