Adrienne von Speyr commente ici le texte de l'Evangile de Marc alors que Jésus montre comment la plus pauvre peut donner plus que les plus riches, car elle donne tout à Dieu...
Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l'argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup. Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes. Appelant ses disciples, Jésus leur dit : "En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc. Car tous ont mis en prenant sur leur superflu; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre. (Marc 12, 41-44).
"Elle n'a donc pas donné quelque chose que l'on peut remplacer, mais l'irremplaçable. Elle n'a pas donné ce qui est disponible en plusieurs exemplaires, mais ce qui est unique. Chez nous aussi, le Seigneur regarde ce que nous lui apportons comme offrande. Il n'apprécie pas que nous ne lui donnions qu'ici ou là, et quelque chose de remplaçable. Nous voulons essayer de donner comme la veuve : l'unique, le tout, ce qui ne repousse pas en une nuit, ni ne nous reviendra dans un an par quelque opération, ce qui est sans retour.
Le don de la veuve a été engrangé dans la réserve apostolique des disciples, comme une prière entrant dans le trésor du Seigneur. Il la prend parce qu'il ne rejette aucune prière ; mais il ne la garde pas, il la redonne pour qu'elle trouve son utilisation. Et ce don de la veuve est justement ce que le Seigneur avait attendu pour exposer plus profondément à ses disciples son enseignement sur le sacrifice. Nous non plus, nous ne savons pas dans le détail comment le Seigneur utilisera notre sacrifice. Mais si c'est un tout, nous pouvons être sûrs qu'il l'emploiera comme il emploie tout sacrifice chrétien. Et forts de cette certitude, nous ne voulons pas mesurer chichement notre sacrifice, mais essayer de donner de telle manière que le Seigneur puisse dire : Elle, de son indigence, a mis tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre."
Adrienne von Speyr, issue d'une famille protestante, s'est convertie au catholicisme en 1940, après sa rencontre avec le théologien Hans Urs von Balthasar. Elle fonda avec lui un institut séculier : la communauté Saint Jean en 1944. Médecin, enseignante, théologienne, guide spirituel, mystique, elle laisse une oeuvre monumentale, d'une très grande profondeur.
L'auteur de cet ouvrage sur l'Evangile de Marc s'adresse ici à des jeunes qui se sont décidés pour l'état des conseils évangéliques dans une profession séculière, pour un institut séculier naissant. Mais ce commentaire contemplatif est aussi d'un grand profit pour tous ceux qui s'efforcent de méditer l'Ecriture Sainte. Comme toujours, Adrienne von Speyr parle ici en puisant dans l'abondance de sa propre contemplation qui garde constamment devant les yeux l'unité harmonieuse de la vérité dogmatique chrétienne ; elle transmet ce qui lui a été offert, sans apparat critique exégétique ni autre ambition savante. Puisqu'elle s'adresse dans cet ouvrage à des novices, le fil de ses pensées est simple et pratique.
Les points de méditation ne servent pas d'abord à la lecture spirituelle mais introduisent à la méditation personnelle. Ils ne veulent rien de plus qu'indiquer un chemin, car c'est l'Esprit divin qui dirige librement la prière contemplative.
On peut trouver, en parcourant ce livre en entier, une sorte de synthèse de la spiritualité d'Adrienne von Speyr.
[Présentation rédigée à partir de la préface de l'éditeur de l'oeuvre d'Adrienne von Speyr, Hans Urs von Balthasar : l'ouvrage aujourd'hui réédité est accessible chez Artège Editions, 2003, 747 pages].