"On peut dire paradoxalement : c'est Dieu qui travaille et c'est l'homme qui transpire. Il ne s'agit jamais d'aucune "oeuvre méritante", mais de l'agir humain au-dedans de l'agir divin. Il ne s'agit jamais d'aucune récompense. "Dieu est notre créateur et notre sauveur. Il n'est pas celui qui mesure et pèse le prix des oeuvres", dit Marc l'Ermite. "Dieu fait tout en nous, la vertu, la connaissance, la victoire, la sagesse, la bonté et la vérité", dit saint Maxime très clairement ; toutefois, toute vérité est toujours antinomique, paradoxale. C'est que l'âme est tendue, non pas vers le salut - dans le sens "salutiste" de salut individuel -, mais vers la réponse que Dieu attend de l'homme. Au centre du drame immense du Dieu biblique - qui ne coïncide pas exactement avec le Dieu des théologiens, car on ne peut jamais limiter Dieu par une doctrine - se trouve non pas l'interaction seule de la grâce et du péché, du justicier et du coupable, mais surtout et essentiellement l'incarnation, la rencontre et la communion entre l'amour descendant de Dieu et l'amour ascendant de l'homme. S'il faut sauver quelque chose dans le monde, c'est avant tout cet amour que Dieu a porté le premier à l'homme, cet amour qui nous dépasse, nous étonne et nous bouleverse."
(Paul Evdokimov : Sacrement de l'amour, L'Epi, Blois, 1962, pp. 106-107).