Jésus pose une question provocante à ses apôtres alors que plusieurs personnes qui le suivent s'éloignent, le quittent, déboussolées par ce qu'il dit : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle" : "Elle est dure cette parole ! Qui peut l'écouter" (Jn 6, 60). Alors Jésus demande à ses apôtres, les douze, "Voulez-vous partir, vous aussi ?" Comme toujours, lors des questions difficiles de Jésus, c'est Pierre qui prend la parole au nom de tous...
"Face à la question provocante de Jésus, la réponse revient à Piere. Saint Jean en profite pour insérer ici la confession
que les synoptiques ont placée à Césarée-de-Philippe, et dont Jésus avait rappelé que ce n'était pas la chair et le sang,
qui l'avaient révélée à Pierre, mais son Père des cieux (Mt 16, &6-17). "Voulez-vous partir, vous aussi ?", leur propose-t-il
maintenant. Et la réplique de Pierre fuse sans tarder : "Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.
Nous, nous croyons et nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu !". Après ce qu'il vient de dire sur la nécessité d'un
don particulier du Père pour reconnaître Jésus, Jean n'a pas besoin d'insister : à Pierre, cela a été bel et bien accordé !
"Elles sont dures ses paroles ! Qui peut les entendre ?" Il y a bien des paroles dans l'Evangile que nous préférerions ne pas
entendre. Nous nous replions alors spontanément sur certaines plus agréables, plus réconfortantes, et elles sont nombreuses,
elles aussi. Les paroles dures cependant demeurent, et tôt ou tard, nous sommes confrontés à elles, elles nous provoquent en
déclenchant, comme pour les apôtres, une petite crise. Mais au coeur de la crise, au coeur de toute tentation, il y a toujours
Jésus, en filigrane, qui nous répète la même question : "Voulez-vous partir, vous aussi ?", et qui espère la même réponse :
"Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle !"."
(Dom André Louf", "Une mise à l'épreuve" in La joie vive.Méditations à Sainte-Lioba II, Salvator, pp. 196-197).
Dom André Louf (1929-2010) a été Abbé de la trappe du Mont des Cats pendant trente-cinq ans. Ses écrits sont devenus des classiques de la vie intérieure, et l'ont fait connaître comme l'un des maîtres spirituels du christianisme contemporain. En 1998, il s'établit à Sainte-Lioba (Monastère à Simiane, près d'Aix-en-Provence et de Marseille) pour vivre enfin dans la solitude et le silence d'un ermitage, l'attente de toute sa vie : un face-à-face dans l'intimité avec Dieu.
