Romano Guardini

"Prière personnelle, prière liturgique"

"Quand nous prions pour nous-mêmes, c'est tout le particulier de notre nature et de notre vie qui jaillit vers Dieu et se formule en chaude requête sur nos lèvres. Nous avons le droit absolu de prier de la sorte et ce droit, jamais l'Eglise ne songera à nous le contester ni à le limiter. Dans cette prière-là, c'est notre vie propre que nous vivons, nous sommes pour ainsi dire en tête-à-tête avec Dieu. Il est ici tourné vers chacun d'entre nous en particulier ; chacun d'entre nous peut ici l'appeler "son Dieu". Car c'est en cela précisément que réside l'infini de la richesse de Dieu ; qu'il puisse être le Dieu de chacun, neuf pour chacun, adapté et appartenant à chacun d'une autre manière qu'au voisin.
Mais nous ne sommes pas seulement des individus, nous appartenons à une communauté ; notre vie ne doit pas seulement être considérée dans le déroulement du temps comme un fragment d'histoire, quelque chose d'elle appartient à l'ordre éternel. Et c'est ce quelque chose que satisfait la liturgie. En elle, nos prions en tant que membre de l'Eglise : elle nous permet d'atteindre le Royaume qui est situé au-dessus de l'individu et, parce qu'il est au-dessus de chacun, est accessible à tous les lieux. A cet ordre de chose correspond seul le style liturgique avec son universalité, son objectivité, sa limpidité.
Ces deux prières doiv ent coopérer. Il y a entre elles un vivant rapport d'échange. Elles se prêtent mutuellement fécondité et lumière."

(Romano Guardini : L'esprit de la liturgie, Les Plans, Parole et silence, 2007, pp. 53-54).

Le père Romano Guardini, théologien allemand, est mort en 1968. Il a tenu une place exceptionnelle parmi les courants théologiques du XXe siècle, préparant ainsi notamment le Concile Vatican II.

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