Olivier Clément

"Christ est ressuscité"

"Ressusciter ou, comme dit l'Ecriture, se relever, se réveiller, cela veut dire devenir vivant d'une vie plus forte que la mort, d'une vie de lumière comme un ruisseau de montagne un jour de soleil. Lumière que nous pressentons parfois dans le regard d'un être aimé, ou lorsque les amandiers fleurissent, à la fin de l'hiver et que les prés se couvrent de narcises. Et c'est une explosion de beauté. Mais cette beauté ne dure pas, tandis que lq résurrection du Christ est définitive, et donc notrerésurrection : paar le baptême et l'eucharistie, par la parole des Béatitudes, le Christ nous fait entrer dans un amour qui n'est plus mêlé de haine, dans une vie qui n'est plus mêlée de mort et l'Apocalypse nous dit que dans la Cité ultime, sur les rives du Fleuve de vie, il n'est pas un mois, pas un jour ou ne fleurissent narcisses et amandiers (Maître Eckhart ne pensait-il pas qu'en Christ la rose de juin fleurit en plein janvier ?).
Certes nous vieillissons, nous sommes souvent fatigués, malades, affaiblis. C'est le destin de l'homme extérieur. Mais l'homme intérieur, l'homme pascal, frémit en nous, comme le papillon dans la chrysalide. Notre coeur, atteint la joie de Pâques, brûle parfois en nous comme celui des disciples d'Emmaüs - et c'est le germe de notre corps de gloire. Quant à la mort, la nôtre et celle, encore plus douloureuse à envisager, de ceux que nous aimons, nous pressentons, avec une humble confiance qu'elle aussi est devenue désormais un passage, un chemin de résurrection. "Hier", disent les matines de Pâques, "j'étais enseveli avec toi, ô Ressuscité. Hier, j'étais crucifié avec toi. Maintenant, Sauveur, glorifie-moi avec toi, dans ton Royaume."
Pâques. La vraie vie vient en nous dans la mesure où nous allons vers le Christ. Alors l'âme devient sourire, émotion, amour, pure tendresse et sensibilité, pure vie. Et le Ressuscité peut parfois, bien malgré nous, nous rendre capables de vraie bonté, aussi bien le long et patient service que, parfois, ce simple mot, ce simple regard, qui vient sauver quelqu'un du désespoir. Les hommes d'aujourd'hui souffrent souvent de solitude - au sein même des villes immenses, au sein même de la foule. Puisse la chaleur, la communion de Pâques rayonner dans l'Eglise et, par elle dans le monde. "Rayonnons de joie, disent encore les textes liturgiques, embrassons-nous les uns les autres. Appelons frères même ceux qui nous haïssent. Pardonnons tout à cause de la Résurrection."

("Christ est ressuscité !" in Olivier Clément, Joie de la Résurrection; Salvator, 2015, pp. 104-105).

Olivier Clément (1921-2009) est un écrivain et théologien orthodoxe. Il a été de son vivant et à sa manière, artisan de l'unité de l'Eglise, toujours préoccupé des rencontres et réconciliations entre le christianisme oriental et occidental, alors qu'il se trouvait clairement au carrefour de cette démarche par ses engagements et son grand souci des questions existentielles qui se posent à nos contemporains, quelles que soient leurs cultures...

Historien, enseignant, attentif aux interrogations et inquiétudes engendrées par la modernité, il a été entraîné par sa foi à sans cesse témoigner et s'engager dans l'Eglise. Par son enseignement (il a été longtemps professeur au Lycée Louis le Grand à Paris), par ses ouvrages (une trentaine) consacrés à l'histoire et à la pensée de l'Eglise orthodoxe, mais aussi dans la rencontre de nombreuses questions contemporaines, ouvrages toujours empreints d'une profonde spiritualité, par son rôle également majeur dans la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, par les rencontres concrètes qu'il a permises entre l'orthodoxie et le christianisme occidental, les religions non chrétiennes et la modernité, son engagement a été sans faille tout au long de sa vie. Né au sein d'une famille agnostique, c'est à trente ans qu'il a demandé le baptême (dans l'orthodoxie), il a toujours été sensible aux interrogations contemporaines qu'il partageait, et a cherché à répondre en menant une réflexion d'une grande richesse, pleine de poésie, qui tout en étant enracinée dans la Tradition de l'Église, manifestait sa créativité. Tout ceci a fait de lui, mais notamment sa pensée originale, l'interlocuteur de plusieurs grands spirituels : il avait même été chargé par le Pape Jean-Paul II en 1998 des méditations lues pour le Chemin de Croix du Vendredi Saint à Rome.

Occasion de chemins renouvelés aussi bien pour des jeunes que pour des moins jeunes, Olivier Clément ne disait-il pas : "La foi c'est se savoir aimé et répondre à l'amour par l'amour" ?