Olivier Clément

"Qui dites-vous que je suis".

"Qui dites-vous que je suis ?"
A la question de Jésus qui, parce qu'elle est une question, non une proclamation, fonde la liberté de la foi, Pierre répond "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant."
Ces paroles de Pierre sont le fondement de l'Eglise, en qui je confesse que Jésus est le Messie, le Christ, Dieu qui s'est fait homme "pour notre salut", s'incarnant "du Saint-Esprit et de la Vierge Marie".
Existence dans le Saint-Esprit, Jésus révèle la nouveauté de Dieu et la nouveauté de l'homme. Dieu n'est pas qui l'on pense trop souvent. Ce ne sont pas les anciens philosophes (il en est d'autres aujourd'hui) qui nous renseignent sur lui, c'est l'humanité de Jésus. Le Dieu qui nous révèle Jésus - abba, un mot d'une extrême tendresse - n'est pas l'auteur du mal mais le blessé du mal, le crucifié du mal, présent dans tous les crucifiés de l'histoire. Jésus, Dieu incarné, Dieu fait homme que nous révèlent tant de visages d'homme, triomphe de la mort par la mort, et nous ouvre par sa Résurrection les chemins d'une vie mêlée d'éternité, dès maintenant et pour toujours. La Résurrection, ce germe de transfiguration du monde, transforme au fond de nous l'angoisse en confiance ; elle nous permet de ne plus avoir ces esclaves et ces ennemis, que nous multiplions pour oublier la mort. Elle fait de nous des créateurs créés appelés à montrer qu'il n'y a pas de néant.
Le Dieu que nous révèle Jésus - et qu'il est - est un Dieu qui s'ouvre et se donne. En lui, l'unité n'ignore pas la respiration de l'altérité. "Dieu est amour" dit Jean. Et en même temps, au-delà de tout. L'Autre en l'Un : le Logos, le Verbe. L'un en l'autre, en tout autre : l'Esprit, le Souffle immense de la vie. Ainsi Jésus nous révèle que Dieu est la joie et la liberté de l'homme."

("Liminaires", Joie de la Résurrection, Salvator, 2015, pp. 11-12).

Olivier Clément (1921-2009) est un écrivain et théologien orthodoxe. Il a été de son vivant et à sa manière, artisan de l'unité de l'Eglise, toujours préoccupé des rencontres et réconciliations entre le christianisme oriental et occidental, alors qu'il se trouvait clairement au carrefour de cette démarche par ses engagements et son grand souci des questions existentielles qui se posent à nos contemporains, quelles que soient leurs cultures...

Historien, enseignant, attentif aux interrogations et inquiétudes engendrées par la modernité, il a été entraîné par sa foi à sans cesse témoigner et s'engager dans l'Eglise. Par son enseignement (il a été longtemps professeur au Lycée Louis le Grand à Paris), par ses ouvrages (une trentaine) consacrés à l'histoire et à la pensée de l'Eglise orthodoxe, mais aussi dans la rencontre de nombreuses questions contemporaines, ouvrages toujours empreints d'une profonde spiritualité, par son rôle également majeur dans la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale, par les rencontres concrètes qu'il a permises entre l'orthodoxie et le christianisme occidental, les religions non chrétiennes et la modernité, son engagement a été sans faille tout au long de sa vie. Né au sein d'une famille agnostique, c'est à trente ans qu'il a demandé le baptême (dans l'orthodoxie), il a toujours été sensible aux interrogations contemporaines qu'il partageait, et a cherché à répondre en menant une réflexion d'une grande richesse, pleine de poésie, qui tout en étant enracinée dans la Tradition de l'Église, manifestait sa créativité. Tout ceci a fait de lui, mais notamment sa pensée originale, l'interlocuteur de plusieurs grands spirituels : il avait même été chargé par le Pape Jean-Paul II en 1998 des méditations lues pour le Chemin de Croix du Vendredi Saint à Rome.

Occasion de chemins renouvelés aussi bien pour des jeunes que pour des moins jeunes, Olivier Clément ne disait-il pas : "La foi c'est se savoir aimé et répondre à l'amour par l'amour" ?