"L’au-delà de la communion des saints, où chrétiens et musulmans, et tant d’autres avec eux, partagent la même joie filiale, il nous revient de le signifier visiblement, comme tous les autres mystères du royaume. Et comment s’y prendre autrement qu’en aimant maintenant, gratuitement, ceux qu’un dessein mystérieux de Dieu prépare et sanctifie par la voie de l’Islam, et en vivant avec eux le partage eucharistique de tout le quotidien ? De plus il me semble qu’en entrant dans l’urgence d’incarnation de cette réalité de communion qui nous dépasse tellement, on exorcise au mieux les relents de prosélytisme et cette idée fixe qui tend à réduire la conversion au passage d’une religion à l’autre. Quand il y a passage effectivement, c’est que Dieu est intervenu plus loin que les médiations humaines, et cela aussi impose le respect."
Christian de Chergé, un des moines de Tibhirine, mort avec ses frères en Algérie martyrs en 1996, nous a laissé des pages magnifiques sur la communion avec les musulmans, ces autres frères qu'il cotoyait quotidiennement. La "communion des saints" (ces saints que sont tous ceux qui se savent aimés de Dieu et dont la vie est transformée par cet Amour) prend ainsi une tout autre dimension pour nous.
La méditation sur la communion des saints est communion sur le mystère de l'Eglise. La communion des saints nous ouvre à l’Eglise réelle en son mystère (bien différente de l’Eglise visible) : l'Eglise est bien "un mystère de communion qui transcende les appartenances sociales et religieuses" dit Christian Salenson, (dans Prier 15 jours avec Christian de Chergé, p.78). Il ajoute que l'Eglise visible est "ordonnée à la communion des saints" ou encore : (p. 80) que : "Les chrétiens ont pour ministère de servir cette communion des saints".
Ces commentaires de C. Salenson (prêtre du diocèse de Nîmes, Directeur de l'ISTR de Marseille), introduisent aux propos de Christian de Chergé qui nous montre notre engagement décisif dans cette "communion des saints" :
"Cette unité de tous les peuples dans le Coeur du Christ semble plus évidente encore quand on se met loyalement à l’écoute d’un autre peuple en prière, et qu’on découvre, à travers lui, que les attitudes et les mots les plus simples de l’expression spirituelle ignorent les frontières de religion, qu’ils sont un langage universel : prière du corps gestuée, longue rumination d’une formule litanique..." (L’invincible espérance, 50)
"La communion des saints : ce dernier mystère essentiel pour nous, indique le lieu de la rencontre sans donner prise sur le chemin qui y conduit. On se laisse alors stimuler et l’Esprit de Jésus reste libre de faire un travail entre nous en se servant de la différence, même de celle qui nous heurte. Nous le reconnaissons à son oeuvre... Dieu en sait davantage !" (Sept vies pour Dieu et l’Algérie, 72)
Laissons la conclusion à Christian Salenson :
"Nous participons à la signification de ce mystère de communion par notre aptitude à vivre la rencontre dans la
différence acceptée et aimée, dans la diversité des sexes, des cultures, des religions. Dieu seul réalise l’unité"
(op. cit. pp. 80-81)