[Les disciples écartent les enfants d'auprès de Jésus] "Mais soyons sérieux autant que Jésus-Christ l'est ici lui-même :
il a placé l'enfant au beau milieu, non pas seulement comme le point final de la dispute, mais comme le point-origine
de la circonférence qu'il entend décrire en ce monde et qui est son cercle à lui, ce "rond de danse et de douceur", dont
parle quelque part l'un de nos poètes (Eluard). Nous voulions dominer : lui, il embrasse, au sens propre (Mc 9, 16) comme au
sens théologique ; nous ne cherchions qu'à
étouffer : lui, il entoure ! Il entoure Jérusalem, il entoure son peuple (Ps 125, 2) qui est l'Eglise et
l'humanité toute ronde. Il entoure ? C'est trop peu dire : parce qu'il est l'Enfant en Personne, il saute à pieds joints
au beau milieu et, prenant lui-même la place du point-origine, il construit lui-même le cercle qu'il embrasse. Jésus,
dans son absolue rigueur, ne prend jamais d'exemple qu'il ne soit lui-même l'exemple en question. Au vrai, il ne prend pas
d'exemple : il se donne lui-même comme tel ; il est l'Exemple même. Le cercle verrait-il le jour sans l'humilité première
du point à partir duquel le compas le construit, sans la fécondité créatrice du point, sans le point naturellement mineur,
ministre et minuscule ?
Eh bien ! c'est précisément cette place-là qu'en Jésus-Christ Dieu même a prise, et jamais elle ne lui sera enlevée. Qu'il
crèche entre deux animaux, qu'il resplendisse entre Moïse et Elie, qu'il meure entre deux larrons, Jésus-Christ est toujours
médian, médiateur (1 Tm 2, 5). Milieu divin entre Dieu et les hommes. C'est cette place-là, décidément,
qu'il affectionne, surtout après sa Résurrection : lorsqu'ils décrivent la scène de son apparition au soir de Pâques,
Luc et Jean s'accordent à rapporter simplement : Il se tint au milieu d'eux (Lc 24, 36 ; Jn 20, 19). Cette
place-là, il la prend de lui-même toujours, lorsque nous le laissons faire parmi nous : "Quand deux ou trois sont réunis
en mon Nom, je suis là, au milieu d'eux (Mt 18, 20). Le milieu : voilà la place du Point mort et ressuscité, la place
de l'Enfant, de l'Eternellement nouveau-né du Père qui construit à partir de soi le cercle d'un nouveau monde."