"On ne saurait opposer, comme on l'entend parfois, le dialogue et la mission. Il s'agit plutôt de
vivre le commandement de la mission dans l'attitude spirituelle du dialogue, elle-même inspirée du geste
de Dieu dans sa révélation. En définitive, le plus étonnant n'est pas que les chemins des hommes vers Dieu
soient multiples, mais plutôt que les chemins de Dieu vers l'humanité soient toujours adaptés à la situation
culturelle, sociale, religieuse, irréligieuse, areligieuse, athée, de chaque personne humaine. Telle est
l'action de grâces profonde de tout missionnaire qui se découvre sans cesse précédé dans
toutes les Galilées des nations où il est envoyé (Marc 16, 7).
Les Pères conciliaires y ont vu un levier de renouvellement doctrinal et la clé d'une rénovation spirituelle.
L'universalité de la proposition du dialogue est à l'image de l'universalité de l'offre du salut :
chacune, chacun est libre de la refuser et, comme il a pu être dit de l'enfer, si les portes sont fermées,
elles le sont de l'intérieur. Que la liberté soit au commencement et au terme de l'aventure humaine prévient
la tentation de réduire le travail missionnaire à un processus mécanique qui reviendrait à instrumentaliser
la rencontre : le dialogue est bien plus qu'une condition de possibilité de l'annonce qui en serait la
finalité. En effet, la proposition du dialogue est déjà une annonce implicite de la Bonne Nouvelle d'un
Dieu Trinité, d'un Dieu qui est en lui-même relation, relation d'amour, et qui se révèle en proposant à
chaque être humain une proximité respectueuse qui ouvre au dialogue de salut : Voici, je me tiens à
la porte et je frappe : si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper,
moi près de lui et lui près de moi (Apocalypse 3, 20). Du reste, c'est souvent parce que notre
théologie n'est pas assez trinitaire qu'il manque à notre agir missionnaire sa dimension dialogale !"
(Aveline, Jean-Marc : "Dieu a tant aimé le monde. Petite théologie de la Mission, 2023, Cerf, pp. 64-66).
Jean-Marc Aveline, actuellement archevêque du diocèse de Marseille, est le fondateur de l'Institut de Sciences et Théologie des Religions, devenu partie de L'Institut Catholique de la Méditerranée à Marseille. Nommé récemment cardinal par le Pape François, Jean-Marc Aveline est un spécialiste incontesté de toutes les questions concernant le dialogue entre les religions ; enseignant, chercheur, ayant vécu dans les mondes juifs et musulmans autour de la méditerranée, il oeuvre particulièrement pour le dialogue entre tous - dialogue essentiel pour notre humanité si largement déchirée... Une grand espérance de l'Eglise, elle-même trop souvent déchirée entre tendances diverses du christianisme... Nous sommes pourtant tous appelés à rejoindre nos frères croyants ou non-croyants, dans l'amour du Dieu unique dont nous ne savons pas toujours à quel point il nous rapproche, dès qu'on veut cesser l'usage des armes et de la guerre...